Ils étaient une quarantaine ce vendredi 31 janvier au matin devant le rectorat de l'académie de Montpellier pour dénoncer la surcharge de travail des personnels de direction dans les collèges et les lycées.
Ils ne veulent plus se taire. "On a l'habitude d'être loyaux, discrets et de faire le job mais là, il y a un vrai ras-le-bol", fulmine Olivier Briffaut, secrétaire académique d'Indépendance et Direction, le syndicat des chefs d'établissement de lycées et collèges et leurs adjoints.
Ce syndicat a appelé tous les proviseurs de lycées, principaux de collèges et leurs adjoints de l'académie de Montpellier à venir devant le rectorat de l'académie de Montpellier vendredi 31 janvier au matin. Après un rendez-vous où une trentaine d'entre eux ont rencontré la rectrice Béatrice Gille, ils se sont réunis devant le bâtiment en brandissant une banderole indiquant leurs revendications : "Souffrance au travail, aucune revalorisation, STOP!"
"Inquiets pour la santé" de certains
Leur objectif : faire comprendre au rectorat, et indirectement au ministre de l'Education nationale, qu'ils ne peuvent plus travailler dans de telles conditions.On est à bout, on est même inquiets pour la santé de très nombreux collègues, explique Olivier Briffaut.
Le nombre de tâches quotidiennes des chefs d'établissement ne fait que s'accroître d'année en année. Le problème, c'est qu'ils ne sont ni rémunérés davantage, ni assistés par des fonctionnaires en plus. Résultat, "la coupe est pleine", confie Olivier Briffaut.
Une multiplication des missions mais pas du personnel
Les responsabilités sont trop nombreuses pour une seule personne. Olivier Briffaut détaille la situation :
On est au contact des élèves et des familles. On est responsable de la sécurité des biens et des personnes. On est responsable juridiquement de tout ce qui peut se passer dans l’établissement. On est responsable de la mise en oeuvre de toute la politique pédagogique et éducative de l’Education nationale. On doit absolument faire passer les réformes. On arrive à une charge mentale et à une charge horaire quasi insupportables.
Sébastien Rivemale, principal au collège François Mitterrand à Clapiers, ressent cette surcharge de travail depuis cinq ans. Entre les nouveaux logiciels, les procédures informatisées, les multiples enquêtes du ministère de l'Education nationale et la vie quotidienne du collège, il estime qu'il ne peut pas mener à bien toutes ses missons.
"On ne peut pas faire du pilotage pédagogique et du pilotage administratif en même temps, déclare-t-il. Il faut choisir. On est accaparé par les tâches administratives au quotidien, surtout quand, comme moi, on n’a pas d’adjoint qui pourrait s’occuper du pédagogique."
Entre 45 et 70 heures de travail hebdomadaire
Ce principal d'un collège 500 élèves estime qu'il travaille entre 45 et 48 heures par semaine. Une durée de travail qui frise l'illégalité dans les faits. Un salarié ne peut pas travailler plus de 48 heures par semaine. Certains assurent qu'ils travaillent davantage que ce que prévoit le code du travail.
Nicolas Fontaine, principal du collège Montesquieu à Narbonne, raconte ce qui s'est dit lors du rendez-vous avec le rectorat : "Un proviseur adjoint est intervenu auprès de la rectrice pour dire que son salaire de 2600 euros rapporté au nombre d’heures qu’il faisait - soit plus de 60 heures -, ça revenait à peine au SMIC."
On ne peut pas être pressés comme des citrons, insiste Olivier Briffaut. Cela ne me parait pas normal que dans un pays où il y a encore 7 à 8% de chômeurs, des gens soient obligés de travailler 70 heures par semaine et soient corvéables à merci. Ce n’est pas possible.
Une proviseur adjointe qui souhaite rester anonyme nous a raconté sa journée de jeudi en détails. Après être arrivée à 7h15 au lycée, elle a enchainé les mails, les enquêtes, les demandes des professeurs, les problèmes d'emplois du temps, les écarts de discipline des élèves, les rendez-vous en réunion avec des enseignants, l'assistante sociale puis des parents d'élèves avant de pouvoir rentrer chez elle aux alentours de 21 heures. Soit près de 14 heures de temps de travail.
Et même à domicile, sa journée n'était pas terminée. Dans l'incapacité de pouvoir remplir des fiches d'une grande importance sur son lieu de travail pour cause de problème informatique, elle les a rempli chez elle. "Résultat, j'ai terminé à 23h08", achève-t-elle visiblement épuisée.
En congés qu'une fois le travail terminé
Elle redoute déjà la période d'été, une période qui sert aux adjoints à confectionner les emplois du temps.
Quand on est dans un établissement comme le mien avec 180 professeurs et 2000 élèves, il faut quasiment toutes les vacances pour faire un emploi du temps qui fonctionne. Je ne suis vraiment pas persuadée que je parviendrais à le mettre en place. Il y a trop de contraintes.
"L’été dernier, au lycée, la plupart des collègues ont eu a peine deux semaines de congés pour pouvoir faire des emplois du temps qui tiennent la route", confirme Olivier Briffaut.
La crainte du syndicat Indépendance et Direction est de voir des chefs d'établissement craquer. "Il y a une vraie souffrance au travail pour bon nombre de collègues", prévient Olivier Briffaut. Après ce rendez-vous avec le rectorat, ils espèrent tous une réponse rapide concernant des moyens humains pour assister les personnels de direction et une reconnaissance financière.