L’étang de l’Or à Palavas-les-Flots, près de Montpellier, fait face à une menace envahissante : le crabe bleu, crustacé venu d’Amérique, qui prolifère et perturbe l’écosystème local. Pêcheurs et experts tentent de contenir cet indésirable.
Depuis 13 ans, Laurent Pezzotti pêche des anguilles, des soles et des dorades sur l'étang de l'Or, à Palavas-les-Flots. Mais cette année, il remonte dans ses filets une espèce invasive venue des États-Unis : le crabe bleu.
"Voilà la bête", annonce le pêcheur en sortant un crabe de ses filets. "C'est encore une femelle. Cette année, j'ai constaté que par rapport à l'an dernier, où j'ai pêché peut-être 20 ou 30 individus, je suis peut-être à 300 ou 400 individus. C'est plus qu'exponentiel. Certains collègues ont dépassé les 1200 individus en quelques mois."
Originaire de la côte est des États-Unis, il a d'abord été observé sporadiquement dans les eaux françaises, du côté des Pyrénées-Orientales. Depuis peu, il colonise désormais aussi les étangs et le littoral héraultais. Ce crustacé agressif est devenu la bête noire des pêcheurs, car il perfore leurs filets, les obligeant à des réparations incessantes.
"On passe notre vie à recréer des filets, à en acheter, à acheter les nasses. Et vous voyez, les anguilles, elles sont contentes là", explique Laurent Pezzotti en montrant les trous dans ses filets, causés par les pinces puissantes du crabe bleu.
Des espèces en train de disparaître
Sur les étals, ce crustacé suscite la curiosité des clients, mais il inquiète surtout les pêcheurs, car il menace l'équilibre de l’écosystème de l'étang, reconnu pour ses ressources exceptionnelles en poissons. Baptiste Canville, responsable de la prud’homie de Palavas, tire la sonnette d'alarme : "Aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a des espèces qui sont en train de disparaître ou même qui ont disparu."
Le crabe bleu se nourrit et se reproduit dans les étangs, où il met en péril les populations locales. Après s’être accouplée, la femelle rejoint la mer pour y pondre jusqu’à deux millions d’œufs chaque année. Face à cette prolifération, les gestionnaires des milieux littoraux cherchent des solutions.
Une chair savoureuse
Nathalie Barré, chargée de mission au Conservatoire des espaces naturels d'Occitanie, explique les pistes envisagées : "il s'agirait plutôt de fortement limiter sa population, grâce à la pêche principalement. L'idéal serait d'avoir des filets qui résistent aux percées du crabe bleu, et de les installer sur des spots bien précis pour attraper le crabe là où il va chercher à se reproduire ou à grossir."
Parallèlement, le crabe bleu pourrait trouver une seconde vie dans l’assiette. Des restaurateurs expérimentent déjà des recettes, explorant sa chair savoureuse en soupe ou en bisque. Au moins, ce crustacé invasif pourrait offrir un peu de réconfort aux gourmets, malgré ses ravages dans les écosystèmes