VIDEO. Des visages féminins à l'infini, des yeux bleus grands ouverts, l'univers de l'artiste peintre Isabelle Marsala

Dans son atelier du quartier Celleneuve à Montpellier, l'artiste Isabelle Marsala peint des visages de femmes. Elles ont toutes un point commun : celui de prendre leur destin en main. Son premier travail pictural, réalisé à partir de photomatons, revendique l'idée de : "je peux être tout, tous, toutes".

Nous sommes dans l'atelier d'Isabelle Marsala "Le Petit Albert", rue Marcellin Albert à Montpellier. Marcellin Albert est le meneur de la révolte des vignerons en 1907 lors de la crise viticole du phylloxéra. Cette histoire colle bien à la personnalité engagée de l'artiste. Le nom de son atelier "Le Petit Albert" fait référence au traité des "secrets merveilleux de la magie naturelle", daté du XVIIe siècle. Tout semble indiquer que nous sommes au bon endroit, en présence d'une artiste à sa juste place.

Isabelle Marsala peint en direct devant notre caméra le tableau "Insieme" signifiant "Ensemble". On retrouve les identifiants de la peintre : les lèvres rouges, les yeux bleus et une mouche sur le coin supérieur droit de la bouche. De cette œuvre, l'artiste déclare : "Ce sont les mains de l'intérieur, ce n'est pas le poing levé, ce n'est pas de la revendication, c'est juste quelque chose qui est de l'ordre de : salut, j'existe !"

La réalité du féminisme, c'est juste d'être exactement à sa place et à la place à laquelle on a droit, toute notre place entière et les saluts font partie de cette affirmation.

Isabelle Marsala

Une grand-mère italienne pour modèle

Née en 1958 à La Courneuve, Isabelle Marsala est issue d'une famille italienne et tunisienne, élevée par ses deux grands-mères, Josefina et Rolande, "entre l'huile d'olive et le beurre". La grand-mère paternelle Joséfina Pinapente occupe une place de premier ordre. D'origine italienne et vivant en Tunisie, elle divorce à l'âge de 50 ans. Elle vient en France élever sa petite fille et s'y installe. Pour l'artiste, elle incarne la femme qui prend son destin en main. La règle dans le clan Marsala est de regarder devant soi et d'avancer.

J'accepte de regarder ce qu'il y a face à moi. Je ne fuis pas. C'est une qualité que je trouve aux femmes, c'est cette capacité de regarder les choses en face.

Isabelle Marsala

La reconnaissance d'une artiste femme engagée

Pendant son enfance, les parents d'Isabelle Marsala se déplacent beaucoup dans la banlieue nord de Paris. L'ascension sociale aidant, les appartements deviennent plus grands. Ils habitent dans des nouveaux quartiers du Blanc-Mesnil, de Bobigny, des communes communistes de la Seine-Saint-Denis où se retrouvent différentes nationalités. L'artiste se souvient : "on allait aux fêtes de tout le monde, dit-elle, on jouait avec tous les gosses, c'était chouette". Elle garde une vision positive de ces quartiers et parle, pour l'époque, d'une avancée sociale.

En 1993, Patrick Braouézek maire et député PCF de la ville de Saint-Denis offre à Isabelle Marsala une belle reconnaissance de son travail accompli. Avec la maison d'édition Anagraphis, l'artiste produit pour la municipalité une bâche de 8 mètres de haut visible depuis le périphérique, des affiches, des cartes de vœux.

Ici, le personnage féminin fait le salut de la paix de sa main gauche et tient au creux de sa main droite une étoile rouge, symbole de la ville de Saint-Denis et aussi symbole de l'unité des travailleurs dans le monde, la couleur rouge faisant référence aux mouvements ouvriers et au communisme. Cette représentation correspond à la pensée de l'artiste ancrée politiquement à gauche.

Je reviens toujours à ce portrait frontal, qui est censé être le fondement de la personne. Dans ma peinture, je n'aime pas l'anecdote donc j'essaie toujours d'aller à l'essentiel.

Isabelle Marsala

De 2014 à 2020, elle occupe la fonction d'adjointe à l'éducation et à la culture pendant le mandat de Philippe Saurel maire (SE-DVG) de Montpellier. Elle sera la première surprise d'avoir été choisie et appelée à ces responsabilités. De cette expérience, elle se souvient de son action en faveur de la culture pour tous les Montpelliérains avec par exemple, l'ouverture du théâtre La Vista dans la cité Gély en mars 2019. À l'éducation, elle est fière d'avoir amené les arts dans l'école. Cependant, elle déclare aussi : "Cela a été une aventure déroutante parce que mes illusions en ont pris un coup".

L'aventure rock des années 80

Isabelle Marsala arrive à Montpellier à la fin des années 70 et fréquente la scène rock de l'époque. Elle est proche des membres du groupe OTH – "On Tenter-Hooks" signifiant "Sur des charbons ardents" – dont elle réalise la première photo. Les "révoltés du bloc B" protestent contre le manque de salles de concert de rock. Ils obtiennent de la municipalité - après une série de concerts pirates - une salle qu'ils baptisent la Salle Victoire. À cette période, la jeune artiste Isabelle Marsala réalise son premier travail à partir de photomatons peints. 

Dans les années 80, il y avait une création picturale énorme et tout le monde se reconnaissait le droit d'agir au niveau de l'image. Donc moi, je suis rentrée dans cette vague-là en me disant : j'ai tous les droits, je veux peindre, je peins. 

Isabelle Marsala

Modifier la citation

Le parcours artistique d'Isabelle Marsala se fond avec celui d'artistes musiciens comme OTH donc, mais aussi avec celui de Pascal Comelade, Général Alcazar, Les Shériff, Les Vierges, Les Provisoires. Jusqu'en 1988, elle tient avec son ami Guy Barral le magasin de disques "Vinyl" dans Montpellier.

Moi ce qui m'intéresse, c'est demain. Qu'est-ce qui va se passer demain, pour que ça frétille autant que ça a frétillé toute ma vie ?

Isabelle Marsala

L'empreinte rock de cette période sur la peintre est toujours palpable. La musique est quelque chose d'essentiel dans sa vie. Elle peint toujours avec de la musique, un tableau correspondant à un seul et même disque. Isabelle Marsala est une artiste très active et résolument tournée vers l'avenir.