Après une carrière de 31 ans dans l'éducation nationale comme institutrice près de Rouen, la peintre aujourd'hui vit à Grabels dans l'Hérault et se consacre exclusivement à son art. Le parti pris de peindre des jeunes femmes aux "expressions sensibles" selon les mots de l'artiste, trouve son explication dans une lignée de femmes libres et aussi de filles mères.
L'artiste peint au couteau des portraits de jeunes femmes qu'elle photographie au préalable. Dans le travail d'Elisabeth Besnier, il y a comme une contradiction entre la douceur des sourires affichés par ces femmes et la violence des coups de couteau, le choc des couleurs allant parfois jusqu'à la fluorescence.
L'intention de l'artiste est de donner de la vie avec des couleurs qui n'existent pas. Pour la brutalité du geste, le postulat de l'artiste est de renforcer l'émotion. Dans une attitude de lâcher prise, le geste doit parler. Dans cette part de hasard il y a une manière de convoquer le : "laisser venir ce qui vient". Les visages de ces jeunes femmes semblent porter des traces de coups.
Une lignée de femmes indépendantes : l'enfance en difficulté
Pour peindre, Elisabeth Besnier doit ressentir de l'émotion. Sa recherche picturale est centrée sur l'exaltation de ce sentiment. La part du féminin et de la jeunesse est omniprésente dans la peinture d'Elisabeth Besnier. Sur ses tableaux, elle effectue un retournement psychoaffectif positif sur sa propre histoire.
Mon choix de peindre des jeunes femmes vient du fait que mon adolescence a été perturbée. La peinture me permet de transformer quelque chose qui était négatif en quelque chose de positif
Elisabeth Besnier
Lucie, l'arrière-grand-mère d'Elisabeth était enseignante, peintre et pianiste. C'était une femme indépendante et libre comme le seront les autres figures maternelles de sa famille. Une liberté acquise parfois au prix fort. Elisabeth Besnier était très proche de sa grand-mère. Elles portent le même prénom. La jeune fille sera sous sa protection et l'école sera sa vraie maison, le lieu où elle se sent en sécurité et considérée.
Aux yeux de sa mère Simone, quoiqu'elle fasse, cela n'allait jamais. Elisabeth dit de sa mère qu'elle était maltraitante et toxique. Elle a suivi onze années de thérapie pour ne pas reproduire le schéma de sa mère avec sa propre fille. Ensuite Elisabeth s'est autorisée à prendre des cours de peinture.
Retour à l'école
En 2010, un questionnement autour de l'art contemporain l'amène à entreprendre une année de formation "Arts plastiques" à la Sorbonne. Dès lors, elle travaille à mi-temps comme institutrice. Les autres jours de la semaine, elle prend le train depuis Rouen puis le métro - soit 3h00 aller-retour de trajet au quotidien - pour retrouver les bancs de l'école. Cet acte souligne la volonté farouche de l'artiste de s'engager dans la peinture. "Je suis sortie de là en me disant que tout était possible" dit-elle.
En 2015, à l'âge de 51 ans, l'artiste prend la décision de quitter l'enseignement pour se consacrer uniquement à sa passion, la peinture.
Une lignée d'hommes amputée : l'image du père absent
À 24 ans, Elisabeth apprend par sa mère que son père n'est pas son père biologique. "Et c'est là où je me suis brisée en mille morceaux comme un miroir, dit-elle. Je l'entends encore le bruit, et l'impression d'avoir tous les morceaux dans les chaussettes". Dans les tableaux de la peintre, le masculin n'est pas représenté et correspond à l'image du père absent dans sa généalogie.
Dans ma famille, il n'y a jamais eu beaucoup d'hommes, ça a toujours été une source d'inquiétude
Elisabeth Besnier
En s'émancipant de l'école, la peintre devient dans sa lignée, la première femme à vivre de sa création en totale liberté. Elle est loyale vis-à-vis de son arrière-grand-mère et elle met un terme au schéma reproductif de la fille mère.
Quitter son poste d'institutrice n'a pas été chose facile car elle adorait son métier. Mais la peinture a été plus forte que tout. Ses portraits de jeunes femmes heureuses représentent ce que l'artiste n'a pas vécu dans son enfance. Aujourd'hui, Elisabeth Besnier sourit à la vie, à l'image de ses tableaux.
En France, la peinture d'Elisabeth Besnier est représentée par la galerie Estades à Lyon et Toulon. En Allemagne, le travail de l'artiste est visible de façon permanente dans les galeries Hülsmeir à Osnabrück, Modern Art Gallery à Karsruhe, Palz à Saarlouis. Au Pays-bas, dans la galerie H. Persoon.