Dans un village près de Montpellier : "Avec le coronavirus, attendre d’être servi nous fait nous rencontrer"

Montferrier-sur-Lez, village de 4 000 habitants au Nord de Montpellier, apprend à vivre avec le confinement. Mais ce matin, c'était jour de marché. "Attendre d’être servi nous fait nous rencontrer", raconte un habitant.

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Il est 11h ce mardi matin sur la place centrale de ce village de 4 000 habitants au Nord de Montpellier. C’est jour de marché. Un boucher, un poissonnier et un primeur ont installé leurs étales. Quelques clients font la queue, disciplinés, en gardant leur distance. Alison Callumeau qui tient le stand de fruits et légumes pliera bagage à 13h comme chaque mardi. Ses clients ne se ruent pas sur la marchandise. Il y en aura pour tout le monde.

Cet habitant croisé sur la place en revanche ne vit pas la même situation. Lui aussi tient un commerce de fruits et légumes mais il se trouve à Montpellier. « Hier les consommateurs ont presque pillé mon magasin. J’ai dû fermer aujourd’hui car je n’arrivais pas à les contenir. Les gens manquent de civisme. »

Le climat est anxiogène. Les gens sont affolés


Car les comportements et les habitudes changent. Au bureau de tabac-presse le gérant confie que les clients s’attardent peu. « Le climat est anxiogène. Les gens sont affolés. J’ai une cliente qui m’a acheté pour 700 euros de cigarettes alors que je reste ouvert tous les jours. Une autre m’a pris 12 boites d’oeufs d’un seul coup. C’est du jamais vu ! Le coronavirus était jusque là lointain. Aujourd’hui c’est une réalité. » raconte Halim Relid qui s’interroge sur ses horaires qu’il adaptera en fonction de l’affluence.
 


Vers plus de solidarité

Devant les enseignes des autres commerces, les clients patientent également pour pouvoir rentrer un par un. Jenny et Pascale attendent leur tour sur le trottoir pour franchir la porte du boucher. Pour elles, ce confinement a aussi du positif. Il crée un lien nouveau entre les habitants. « Attendre d’être servi nous fait nous rencontrer» explique Pascal à bonne distance de sa voisine. « Même si c’est contraignant, je suis heureuse de vivre cette expérience. Avec le confinement, je vais pouvoir bouquiner, faire des jeux de société avec mes ados et ressortir mon accordéon » complète Jenny.
 


Camille, elle, patiente devant le primeur. « Ces nouvelles mesures sont très contraignantes. On ne peut plus voir ses amis, plus sortir…mais je vais aussi pouvoir m’occuper plus de moi. » Et aussi des autres. Cette salariée travaille dans une enseigne de restauration rapide qui se trouve dans une galerie marchande. Elle est désormais fermée. Hier, elle a récupéré des stocks d’oeufs, de farine et de jambon.

Je vais pouvoir m’occuper plus de moi


Elle en a distribué à ses voisins. « Et comme j’ai désormais du temps, je vais cuisiner des gâteaux. J’adore ça. Et j’irai en donner à mes voisins. » Même si elle nourrit une passion pour la cuisine, elle espère tout de même que ce confinement ne se prolongera pas. 
 
La carte de l’entraide, David, la joue également. « Mon oncle habite à côté de chez moi. J’irai par exemple promener son chien ou lui rendre d’autres services s’il a besoin. » Lui qui dirige l’école « Objectif 3D » de Montferrier-sur-Lez a vu naître une solidarité inattendue entre ses élèves et leurs professeurs. Son école dispense des formations au cinéma d’animation, jeux vidéo et internet. "Nous avons mis en ligne les cours et les élèves peuvent se connecter avec leurs professeurs à distance. La Région qui nous finance nous a appris à fonctionner de cette manière. Beaucoup d’élèves ont pu apporter le matériel de l’école chez eux. Chacun y met du sien et l’entraide fonctionne" résume t-il.

Le plus compliqué pour David n’est donc pas de gérer ses 300 élèves mais plutôt les 3 enfants qui sont confinés chez lui. « Il faut imposer un rythme et planifier la journée. Ce ne sont pas les vacances et les enfants ne doivent pas céder à la tentation des jeux vidéos. Il faut bien organiser les choses. Sinon cela va vite devenir invivable et on va finir par se taper dessus » raconte t-il avec le sourire.


Vivre loin de la ville

Le confinement, Christophe, un ancien militaire, le respectera à la lettre. Les mots employés par Emmanuel Macron raisonnent encore en lui. « On est en guerre a t-il martelé. Les mots du Président sont forts. Nous avons un ennemi invisible. Il faut le combattre sans céder à la panique » m’explique t-il. Depuis quelques jours, il applique à son foyer des mesures drastiques.

Se sentant fiévreux, il n’a voulu prendre aucun risque d’infecter son entourage et n’a déjà plus de contact physique avec son épouse et son fils de 8 ans. « Pendant ces quinze jours nous n’allons vraiment plus nous voir. J’habiterai à Montferrier-sur-Lez et ma famille s’est installée dans une maison au Grau-du-Roi. Heureusement il y a internet et la vidéo pour se parler. Ce n’est pas évident comme situation. C’est triste mais il faut combattre ce virus et faire des sacrifices » confie t-il avant d’ajouter « Nous sommes dans un petit village. Il y a moins de monde qu’en ville. On se sent quand même mieux protégé contre le virus. »

C’est triste mais il faut combattre ce virus et faire des sacrifices


Même sentiment chez ces deux frères. Nicolas trouve cela rassurant de ne pas habiter en milieu urbain. « Le coronavirus fait peur. Ici nous avons un environnement qui nous permet de nous aérer et de faire des sorties en forêt. » Son frère Thomas opine. Lui qui habite l’Ile-de-France remontera en voiture cet après-midi car il travaille en milieu hospitalier. « J’ai dû raccourcir mes vacances mais je n’ai pas le choix car je ne peux faire du télétravail. Je répare des appareils de radiologie. Ma présence est nécessaire. »


Un appel à la responsabilité

A la boulangerie, la vendeuse, Magali Cazals appelle les consommateurs à la raison. Armée d’un masque pour rassurer sa clientèle dit-elle, de gants qu’elle change après chaque passage en caisse et d’une pince, elle sert les consommateurs avec un maximum de précaution, allant même jusqu’à mettre un tabouret devant sa caisse pour augmenter la distance de sécurité.

On sent beaucoup d’anxiété et d’impatience


Mais à l’heure du déjeuner elle refuse la plupart des clients, répétant inlassablement qu'il n’y a plus de pain. « Le problème c’est que les gens se jettent sur le pain. Ils achètent 3 baguettes d’un coup. Ce matin j’ai vendu tout ce que j’avais avant 10h30 et nos capacités de production sont limitées. Nous ne pouvons pas faire plus de fournées. En revanche je déborde de sandwichs car les gens ne travaillent plus et cuisinent chez eux » raconte t-elle. Elle espère que ses clients vont se raisonner car elle insiste : la boulangerie est un commerce prioritaire et continuera de fonctionner normalement. « On sent beaucoup d’anxiété et d’impatience » conclue t-elle.

Même son de cloche chez le primeur. « Les gens ont peur de manquer et se désespèrent des longues files d’attente devant les supermarchés. J’ai beaucoup de clients que je n’avais pas vu avant et que j’espère d’ailleurs revoir après l’épisode de confinement. Nous faisons aussi très attention à l’hygiène. Soit je sers moi-même avec des gants à usage unique, soit les clients se servent eux même mais ce qui est touché doit être acheté » explique Françoise Robin la co-gérante du magasin « Gourmandyne ».

J’ai beaucoup de clients que je n’avais pas vu avant et que j’espère d’ailleurs revoir après


Elle appelle à la responsabilisation de chacun et ne servira qu’une quantité limitée de certaines denrées à ses clients. « Pas plus de 2 kg de pâtes par semaine et par personne et pour le beurre ce n’est pas plus d’une plaquette. » Elle ajoute qu’elle n’hésitera pas à livrer ses fidèles clients. « Nous avons beaucoup de personnes âgées dans notre village qui font partie de notre clientèle. Depuis samedi nous ne les avons pas vu mais s’ils m’appellent nous irons les livrer. »

En milieu d’après-midi, la raison semble avoir repris ses droits. Après vérifications, dans les grandes surfaces, plus aucune file d’attente. Le confinement a bien commencé.
 
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