Ils veillent à ce que rien ne dérange les espèces rares venues nicher dans nos étangs après leur long voyage d'Afrique. La tâche est un peu particulière cette année pour les gardes du littoral héraultais. Entre confinement à faire respecter et espoir d'une nidification exceptionnelle.
A cette époque, ils sont toujours sur le qui-vive. Les gardes du Conservatoire du littoral héraultais, aux aguets durant la période de reproduction des espèces d'oiseaux menacées, doivent cette année observer une veille renforcée : ce sont eux qui vérifient sur le terrain que les humains respectent les consignes interdisant les sorties dans la nature pendant le confinement. Et ces sentinelles de l'environnement sont aux premières loges pour observer si la "tranquillité" inhabituelle des oiseaux va se traduire par davantage de nids et d'éclosions.
Les gardes du littoral vigilants sur le respect du confinement
Ils sont 6 à tourner sur la zone des étangs palavasiens ou des Aresquiers ou d'Ingril entre Vic-la-Gardiole et Frontignan, en passant par les salines de Villeneuve-lès-Maguelone.
Confinement oblige, les gardes du littoral alternent entre le terrain et le télétravail. Mais si leurs tournées de surveillance sont réduites, ils sont en alerte permanente, car avec leur compétence de police de l'environnement, ils doivent contrôler si l'arrêté d'interdiction de balade pendant la période de confinement est bien respecté.
Un enjeu supplémentaire dont Ludovic Foulc, le garde responsable du secteur, est bien conscient:
En période ordinaire, à cette saison on est particulièrement vigilants sur les zones de nidification interdites au public. Aujourd'hui on doit veiller à ce que l'arrêté de confinement soit respecté par tous, que personne ne foule l'ensemble de l'espace, des plages à la forêt en passant par les étangs.
Une double interdiction parfois mal comprise
Il y a déjà la réglementation générale sur le confinement, qui limite les sorties à 1 heure et à 1 kilomètre de chez soi. Mais il y a aussi la règlementation particulière pour éviter les regroupements de personnes sur des sites sensibles. C'est le cas des plages mais aussi de tous les sites protégés fermés par arrêtés municipaux et préfectoraux. Avec, comme l'explique Ludovic, de la difficulté à faire comprendre les choses :
"Mais là je suis tout seul, je ne dérange personne",
c'est souvent la réponse des promeneurs, coureurs et même pêcheurs qu'on verbalise dans ces zones interdites.
Il faut qu'ils comprennent que même l'attestation provisoire de sortie ne les autorise pas à venir ici. Hier, on a rencontré un pêcheur qui n'avait ni attestation, ni permis de pêche et qui pêchait de toute façon dans une zone protégée. 3 infractions. Il s'en est bien sorti avec seulement 135 euros d'amende.
Et depuis quelques jours, les gardes du littoral sont confrontés à une autre atteinte à l'environnement, liée elle-aussi au confinement : les décharges sauvages. Et des constats de plus en plus récurrents sur leur tournée :
On a remarqué des dépôts de déchets sur le massif de la Gardiole et du côté de Mireval, sur les berges nord de l'étang de Vic. Comme les déchetteries sont fermées, les gens jettent leurs ordures n'importe où.
Des contrôles tous azimuts qui ne doivent pas dérouter les gardes du littoral d'une autre mission fondamentale : le suivi des espèces protégées.
Le rôle majeur de notre littoral pour des espèces en danger
Ils partent passer l'hiver en Afrique et reviennent nicher chez nous au printemps. De nombreux oiseaux sont aujourd'hui en voie de disparition. D'où le rôle et la responsabilité importants de la région méditerranéenne en terme de préservation des espèces.
Depuis quelques années, les programmes s'enchaînent pour suivre les populations d'oiseaux menacées et tenter de "sécuriser" leur reproduction. Sur le littoral héraultais entre Palavas et Frontignan, ce sont 9 espèces, nichant en milieu lagunaire et sur les îlots sableux, qui sont en péril et donc particulièrement protégées. Et ça commence à porter ses fruits. Ainsi la population de sternes pierregardin, longtemps menacée, augmente. En revanche leur cousine, la sterne naine qui niche sur les plages, se fait de plus en plus rare.
Observer les effets du confinement humain sur la reproduction de ces oiseaux rares
"Nous sommes curieux de voir si le confinement va avoir un impact sur la nidification. On sait que ce sont des espèces très sensibles au dérangement des humains comme des animaux. Les oiseaux vont-ils s'installer plus facilement et pouvoir couver jusqu'à l'éclosion sans être importunés?" s'interroge Ludovic Foulc à l'instar de tous ceux qui observent la faune sauvage dans cette période très particulière.
Dans les zones déjà interdites au public tous les printemps et signalées par des ganivelles et des panneaux, les augmentations de population ont été sensibles ces dernières années.
"Les îlots sableux protégés ont bien joué leur rôle. Mais on s'inquiétait pour la sterne naine, qui se reproduit uniquement en bord de plage" explique Ludovic Foulc. "On a hâte de voir si cette espèce, particulièrement menacée, va pouvoir nicher plus facilement avec les plages désertées."
Veiller à un environnement propice de ces zones humides
Si l'homme n'est plus là pour perturber la nidification, reste aux gardes à vérifier les niveaux d'eau des étangs. La plupart communiquent entre eux directement ou par des canaux et les espèces d'oiseaux protégées ne doivent pas se retrouver dans un milieu noyé ni, au contraire, dans un milieu asséché qui annihilerait les îlots protecteurs.
C'est la dernière des missions pour les gardes du littoral : veiller à la gestion hydraulique de la zone.
Les gardes du littoral ouvrent et ferment certaines martelières, ces vannes qui règlent l'alimentation des canaux entre les étangs. Ils peuvent ainsi réguler les éventuels déséquilibres engendrés par les changements météo, tout en veillant à conserver une salinité (différentiel d'eau marine et d'eau douce) compatible pour les oiseaux.
Si tous les facteurs sont respectés, si ces 9 espèces rares bénéficient d'un environnement le plus adapté possible à leur reproduction, ces oiseaux sortiront peut-être un jour de la liste des animaux menacés de disparition. Il faudra attendre l'an prochain et un nouveau comptage des espèces pour savoir si ce printemps de confinement leur a été favorable.