23 avril 2007, onzième corrida de la feria de Séville. Plein à craquer. Au cartel : toros de Núñez del Cuvillo pour Jesulín de Ubrique, Morante de la Puebla et Alejandro Talavante. C'est une date déterminante dans la trajectoire de chacun des trois matadores…
Le lundi 23 avril 2007, alors que la France est tout entière occupée à analyser les résultats du premier tour de l'élection présidentielle et que la Russie apprend la mort de son ancien président Boris Eltsine, la Maestranza de Séville accueille la onzième corrida de la feria.
Jesulín de Ubrique fait ses adieux au public de Séville après presque 15 ans de carrière. Les commentateurs les plus acides notent : il s'en va formellement, mais taurinement il était parti depuis longtemps. Jesulín qui fut dans les années 90 le recorman absolu de la profession (150 corridas par an) va désormais se consacrer à une activité nettement moins périlleuse : héros de la presse à sa scandale qui, semaine après semaine, se délecte de ses démélés sentimentaux.
Morante de la Puebla, sifflé au deuxième toro, va attendre le cinquième à porta gaiola. Le toro n'en finit pas de sortir du tunnel, Morante tombe au moment de la larga, se relève, enchaîne 4 superbes véroniques et une demie maison, de celles dont on on dit : "rien que pour ça, le prix de la place est remboursé". Sous les yeux de son apoderado du moment, Rafael de Paula, il monte une faena formidable et coupe deux oreilles.
Mais le héros de la journée, c'est Alejandro Talavante.
Deux jours plus tôt, il était passé à côté d'un triomphe à cause de l'épée. Le public l'attend avec ferveur. Il coupe une oreille du troisième de l'après-midi. On ne peut toréer ni avec plus prestance ni avec plus de lenteur, lit-on dans El Mundo.
L'apothéose arrive avec le sixième, Jergoso I, un Cuvillo très noble et faible. La faena est parfaite. Et quand elle est sur le point de s'achever, le toro étant à bout de souffle, Alejandro le contraint à foncer deux fois : deux derechazos jambe en avant, donnés très lentement. Puis, dans le dos du torero, la muleta change de main et, profitant de l'inertie de l'animal, Talavante donne LA naturelle qui a marqué Séville et sa carrière. Une naturele surnaturelle, écrira le lendemain José Suárez Inclán dans El País.
Une naturelle généralement qualifiée d'éternelle. À la fois parce qu'elle a duré très longtemps et parce que dix ans après, elle est encore dans toutes les mémoires. Et qu'elle y restera encore pour un bout de temps…