La commune gardoise est la première a avoir signé la convention avec la gendarmerie en 2010. Bilan 2 ans après.
Aujargues, 800 habitants, paisible village du Gard. Quelques commerces, une charmante place de l'Eglise, un ou deux retraités flânant dans les rues ensoleillées. Et sur les panneaux et boîtes aux lettres, un oeil grand ouvert, symbole du dispositif "voisins vigilants".
Dans cette première commune française en zone gendarmerie à avoir signé la convention "voisins vigilants" en juin 2010, l'heure était ces jours derniers au bilan. Réunion publique avec une cinquantaine d'habitants. "Quand on s'est lancé dans cette affaire, il s'agissait de prendre une part active à la lutte contre la criminalité", rappelle Denis Méjean, ancien militaire de 68 ans maître d'oeuvre du projet.
Objectif: réduire le nombre de cambriolages après une série particulièrement violente en 2009. Face au peu de moyens de la commune, les caméras de surveillance ne sont pas une option, la mise en place d'une police municipale non plus.
C'est ainsi que naît l'idée d'associer les citoyens sur le modèle du concept anglo-saxon "neighbourhood watch". Si ailleurs les réticences sont nombreuses, les Aujarguois adhèrent massivement (85 foyers, sur 838 habitants), selon le maire (sans étiquette) Guy Lamadie.
Le principe: tout habitant notant un événement suspect (ne revêtant "aucun caractère politique, racial, syndical ou religieux") en informe un des huit "référents", des "témoins attentifs de la vie des quartiers" sélectionnés par le maire qui peut à tout moment les remercier s'ils outrepassent leurs droits.
"On ne fait pas de rondes", précise l'un d'eux, Jean-Claude Cellier. "Quand on va chercher le pain par exemple, on regarde si quelque chose paraît anormal, on le signale au coordinateur et puis il transmet à la gendarmerie". Il peut s'agir d'inconnus qui "sonnent aux portes et ont un comportement bizarre" ou encore d'une voiture rôdant.
L'échange fonctionne aussi dans l'autre sens, la gendarmerie diffusant des notes et conseils de prévention au réseau.
Près de deux ans plus tard, les habitants se disent mitigés quant à l'impact sur la sécurité. La gendarmerie, elle, affirme que la délinquance a diminué de près de 30%, un chiffre à relativiser toutefois car portant sur un nombre de faits peu élevé. Avec une dizaine de cambriolages par an, Aujargues "reste un village où il fait bon vivre", souligne le lieutenant Eddy Benesteau, commandant de la communauté des brigades de Calvisson et Sommières.
Difficile de savoir si cette baisse est liée à l'action des "voisins vigilants", reconnaît-il, tout en saluant "la pertinence des renseignements récoltés".
Parmi les succès, le signalement d'un groupe de femmes démarchant à domicile.
Le numéro d'immatriculation de leur véhicule est relevé et quelques semaines plus tard, ces personnes, auteurs de plusieurs cambriolages, sont interpellées dans l'Hérault. M. Méjean cite le cas de vendeurs de pommes de terre de Bretagne qui se sont révélés être des arnaqueurs connus.
Derrière l'aspect sécuritaire, le but est aussi de renforcer les liens entre habitants.
Une solidarité qui s'exprime par des repas de quartiers, des visites aux personnes âgées, le ramassage du courrier en cas d'absence...
A entendre les partenaires, le dispositif a donc fait ses preuves, loin des critiques le présentant comme un réseau de délation. "A ce jour, nous n'avons eu aucun renseignement de nature à porter atteinte à la vie privée", assure le lieutenant. "Si je m'apercevais de risques de dérive, la convention serait immédiatement remise en question", renchérit le maire.
Pour éviter toute méprise, le ministère de l'Intérieur a tout de même décidé de rebaptiser le dispositif, appliqué dans 172 communes en France. Finis les voisins vigilants, bienvenue à la "participation citoyenne"!