La défense contre-attaque

Les plaidoiries de la défense vont durer trois jours.

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L'indignation : c'est peut-être le mot qui résume, à lui seul, ce premier jour de plaidoiries de la défense.

Celle de maître Mickaël Malka, pour commencer... L'avocat du groupe Total et de son ancien PDG Thierry Desmarest a ouvert les plaidoiries de la défense des prévenus par ces mots : "Je n'ai jamais vu ça !". 

Jamais vu des témoins rudoyés, malmenés, insultés comme certains l'ont été à la barre, durant ces quatre mois et demi d'audience, à l'instar d'Alain Cohen, ce policier traité de "menteur" par un avocat de partie civile, a plaidé maître Malka. Jamais vu non plus que l'on reproche avec tant d'insistance à des prévenus de ne pas apporter la preuve de leur innocence. Jamais vu, enfin, que l'on jette ainsi l'opprobre sur un groupe, "sur des milliers de gens qui travaillent chaque jour pour être les meilleurs. Oui, Total est un des plus grands groupes français. Mais il n'y a pas de mal à cela !"

UN SYSTEME VERMOULU

L'indignation de Jean Veil, elle, aura été moins passionnée. L'avocat de Total et Grande Paroisse, "au soir de [sa] vie professionnelle, après quarante ans de barre", se sera contenté de tirer une leçon sévère de ce procès. "Nous ne pouvons continuer à avoir des procès de ce genre", a-t-il dit, des procès où les victimes n'ont pas leur place, parce que "on ne fait pas son deuil dans la procédure". Pour lui, les avocats doivent faire en sorte que leurs clients échappent le plus possible à "ce théâtre judiciaire", qui maintient un stress psychologique insupportable.

Ses propos ont aussitôt provoqué une autre indignation, celle des membres du comité de défense des victimes d'AZF qui ont quitté la salle d'audience en guise de protestation. "Oui, mes paroles doivent déplaire", a souri maître Veil, imperturbable. Avant de conclure que ces procès sont "déceptifs" pour les parties qui veulent atteindre l'image d'un groupe et de son ancien dirigeant, contre lesquels il n'y a "rien de rien".

LA MAISON AZF

C'est celle de maître Jacques Monferran qui s'est appliqué, tout au long de sa plaidoirie, à comparer l'affaire AZF à une maison dont les deux avocats généraux, vendredi dernier, ont tâché de donner des couleurs, en tant que "derniers décorateurs". Cette maison n'était pas très solide, les premiers architectes, les magistrats, ont cumulé les erreurs, a-t-il expliqué à la cour. En faisant notamment une confiance aveugle dans ces experts qui ont permis l'interpellation d'une vingtaine d'anciens salariés. Comme tout au long du procès, maître Monferran a évoqué les douloureuses heures de garde-à-vue pour des salariés honnêtes, salis à jamais.

Tout comme l'ont été les membres de la commission d'enquête interne, des "pères de famille, des grand-pères, des ingénieurs bardés de diplômes".

"Moi, je n'y peux rien si le code pénal est entré dans l'usine et en est ressorti bredouille !", s'est exclamé maître Monferran qui a avoué avoir peur de la vérité judiciaire, cette grande famille dont la mère est "l'erreur judiciaire" et le grand-oncle, "le fiasco judiciaire".

Maître Jacques Monferran a demandé à la cour de ne pas condamner Serge Biechlin, cet homme qui par deux fois s'est levé pour dire qu'il ne reconnaissait pas son usine et derrière lequel se trouvent 500 personnes qui ont tout perdu, jusqu'à leur honneur, pour certains.

"Cette maison, ne l'achetez pas ! ", a-t-il répété, deux fois, à la cour.

LA REGLEMENTATION

L'indignation, c'est, enfin, celle des avocats de la défense chargés de l'aspect réglementaire de l'affaire. Maître Manuel Pennaforte puis maître Jean-Pierre Boivin l'ont affirmé haut et fort durant plusieurs heures : Serge Biechlin, et encore moins Grande Paroisse, ne peuvent être rendus coupables d'infractions à la réglementation. Etudes de dangers, accidentologie, directive Seveso, sécurité du site : ils ont tout passé en revue et se sont indignés que l'on puisse accuser les prévenus d'avoir manqué à leurs devoirs, en matière d'objectifs sécurité. Ils ont accusé les parties civiles d'acharnement "obsessionnel" à prouver une succession de fautes et l'accusation de "strabisme divergent" dont la conséquence ne serait qu'une liturgie d'un genre nouveau, celle des "fautes industrielles en cas d'accident".

Chacune de ces "fautes" reprochées à l'industriel a été longuement et patiemment disséquée par maître Boivin : de l'absence de vraie frontière entre le secteur nitrate et le secteur chlore de l'usine aux conditions de stockage du nitrate dans le hangar 221 qui a explosé. De quoi faire tomber la "caricature ridicule qu'on a faite de cette usine", selon lui.

Serge Biechlin et donc Grande Paroisse n'ont enfreint aucune règle, ils s'y sont au contraire toujours scrupuleusement conformés, a-t-il encore affirmé. Avant d'exhorter la cour à penser aux "jeunes" qui attendent des perspectives sereines dans l'industrie de demain.

"C'est peut-être plus par l'acuité de votre regard, et la justesse de votre plume, que votre décision marquera les esprits", a conclu maître Boivin.

Dans les rangs des parties civiles, on a noté un certain "découragement", à l'issue de cette première journée de plaidoiries de la défense. Lesquelles doivent se poursuivre mercredi, avec notamment l'évocation de la piste intentionnelle et celle, plus cruciale, de la piste chimique...

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