La Comédie-Française s'est installée sous les étoiles et dans le public en présentant Hernani de Victor Hugo.
La Comédie-Française s'est installée sous les étoiles et dans le public en présentant
Hernani, de Victor Hugo, sa dernière création de la saison et première hors ses murs, au bassin du Domaine d'O à Montpellier dans le cadre du "Printemps des Comédiens".
Sur le sable, au milieu des pins et des micocouliers, et accompagné par la stridulation
des cigales, le metteur en scène Nicolas Lormeau a privilégié le lien entre acteurs et le millier de spectateurs, installés en bi-frontal. Une configuration qui s'apparente à un retour vers les fondamentaux car à la création de la noble institution en 1680 la foule était sur scène.
Sans décor, avec seulement quelques accessoires comme deux épées, un cor, un poignard, ou le tombeau de Charlemagne qui se transforme en lit de noces et de mort, l'idée a aussi été de mettre sous les projecteurs la musicalité d'un texte écrit en alexandrins
et pourtant ni tout à fait vers ni tout à fait prose.
Cette pièce, flot continu de passions et de dilemmes grandioses, qui consacra le genre du drame romantique, raconte la passion éperdue de trois hommes pour la même femme. Mais face au diabolique Don Ruy Gomez de Silva (Bruno Raffaelli) et au roi Don Carlos (Jérôme Pouly), Donna Sol de Silva (émouvante Jennifer Docker) n'a d'yeux que pour le bel Hernani (épatant Félicien Juttner).
Hernani, qui déclencha le fracas de la bataille éponyme, une querelle entre conservateurs
et progressistes, est située par Hugo à l'avènement de Charles Quint en 1520. Cependant
six mois avant le début de la Monarchie de Juillet, elle laissait aussi filtrer une critique du pouvoir de l'époque et de Napoléon.
C'est dans cette période post-napoléonienne que Lormeau a placé sa pièce, grâce
aux costumes de Renato Bianchi. En revanche, pour la situer géographiquement, il
laisse voguer l'imaginaire qu'il guide juste un peu au début de chaque acte, une
voix off décrivant le lieu.
Pour le reste, le sentiment dramatique de certaines scènes est renforcé par des jeux de lumières et d'ombres, par la musique de Bertrand Maillot mais aussi le bruit de la nuit. Qui peut parfois offrir un moment amusant d'anachronisme lorsqu'un avion survole le lieu.
Lormeau a cherché aussi à surprendre. Ainsi il a entamé Hernani par la préface de Ruy Blas sur les "trois espèces de spectateurs qui composent ce qu'on est convenu d'appeler le public": "les femmes" qui veulent de la passion, "les penseurs" des caractères et "la foule" de l'action.
Ecrit pour 25 acteurs, Lormeau a réduit le spectacle à six, avec la volonté de recentrer le drame sur les quatre principaux protagonistes. "Comme le dépouillement de la scène, ce n'est pas par manque de moyens. C'est une volonté", affirme le metteur en scène qui a supprimé deux scènes et réduit quelques longues tirades.
"J'ai coupé quand Victor Hugo dépasse les bornes. Je lui ai rendu service. Je pense qu'il aurait apprécié", répond Nicolas Lormeau, dont le dernier pari - gagné - est l'occupation de l'espace vide entre les spectateurs avec des acteurs, dont les déplacements peuvent être décodés en sentiment.
Présentée vendredi, la pièce devait être encore jouée samedi et dimanche au Domaine
d'O. Elle sera programmée du 30 janvier au 17 février 2013 au théâtre du Vieux Colombier à Paris dans la même configuration bi-frontale.
"Ce sera le même spectacle car je n'ai pas oublié qu'il va au Vieux-Colombier",
dit Lormeau, alors que l'administratrice de la Comédie-Française veut poursuivre et multiplier à l'avenir les sorties et les expériences bi-frontales: "Ca remet sur le métier notre savoir-faire", assure Murielle Mayette.