Malgré le souhait du président de la Cour d’assises spéciale de Paris de n’aborder ce mardi que la personnalité d’Abdelkader Merah, hors faits religieux, l’Islam n’a cessé de s’imposer dans les débats ce mardi.
Le président de la Cour d’assises spéciale de Paris ne voulait pas que l’on aborde la religion d’Abdelkader Merah, sa « conversion » à l’islam lors de la deuxième journée du procès Merah consacrée à la personnalité du principal accusé et pourtant il n’a été question presque que de ça, en filigrane, ou directement.
Des débats qui ont parfois donné lieu à de vifs échanges entre les avocats de la défense et ceux des parties civiles voire entre Abdelkader Merah lui-même et certains avocats des parties civiles.
Le fait religieux et les rapports à l’Islam ont beau avoir été repoussés au 14 octobre par le souhait du président, on sent bien que la religion, la radicalisation, seront en permanence dans les débats de ce procès.
Pourtant, poussé parfois par les avocats des parties civiles, Abdelkader Merah s’est lui-même servi ce mardi du calendrier prévu par le Président pour ne pas répondre à certaines questions :
- Vous évoquez à un moment, lui demande une avocate des parties civiles, que vous vouliez quitter Toulouse pour échapper aux turpitudes. Qu’entendez-vous par turpitudes ?
- C’est une question religieuse, donc on verra cela le 14 comme l’a dit le président !" lui répond Abdelkader Merah.
"Mon frère était un musulman pêcheur"
Parfois, cependant, Abdelkader Merah répond aux questions concernant la religion. Mais ce sont le plus souvent des réponses biaisées."- Y a-t-il une différence entre tuer un musulman ou tuer un juif, lui demande Maître Patrick Klugman, avocat de la famille Sandler ?
- Il est interdit de tuer dans l’islam, répond Abdelkader Merah, peu importe si c’est un juif, un musulman ou un chrétien".
"- Votre frère a tué un musulman, l’interpelle Maître Olivier Morice, avocat de la famille de Mohamed Legouad, un des militaires tué à Montauban et lui-même de religion musulmane. Votre frère était-il un bon musulman ?
- Mon frère était un musulman pêcheur. Il a fait des choses qu’il ne fallait pas faire".
Une réponse qui ne satisfait pas les avocats des familles de victimes.
- Votre frère Mohamed, surenchérit l’avocat de Samuel Sandler, dont le fils et deux petits-enfants ont été tués à l’école juive, il repose selon vous en enfer ou au paradis ?
- Je ne suis pas Dieu", répond Merah.
Des frères de religion
Le président de la Cour d'assises interroge Abdelkader Merah sur ses relations, amitiés, connaissances. Sabri Essid, ancien représentant des Frères Musulmans en France ? Olivier Correl, "l'émir blanc d'Artigat" (Ariège) ? Les frères Clain (dont Fabien voix de la revendication des attentats du 13 novembre) : des amis ? "Des frères de religion" répond Merah.Son frère Mohamed ? "Un frère de sang et un frère de religion".
Sur les bancs de la défense, on n’apprécie peu la manière dont l’interrogatoire est menée. `"Vous ne choisissez que des noms d'islamistes" s'emporte Maître Dupont-Moretti. "Mon client a-t-il fréquenté des islamistes ? Oui. N'a-t-il fréquenté que des islamistes ? Non !".
"- On ne peut pas définir une personne par sa religion, s’emporte Maître Christian Etelin, avocat du co-accusé Fettah Malki.
- Je suis d’accord, lui répond du tac au tac, l’avocat d’Albert Chennouf, père d’un des militaires tués. Mais c’est Monsieur Mérah qui se définit lui-même par rapport à la religion".
"- Monsieur le Président, reproche Maître Eric Dupont Moretti, avocat d’Abdelkader Merah, en excluant la religion de la personnalité de mon client vous en faites un élément à charge. Il ne fallait pas les dissocier !
- On en peut pas tout voir en une seule journée", rétorque le président de la Cour d’assises.
La religion est aussi présente dans les origines familiales d’Abdelkader Merah. Il est né dans une famille d’origine algérienne, dont il dit lui-même qu’elle est musulmane. "Mon père est musulman, ma mère aussi, j’ai été circoncis à la naissance".
"Ma conversion à l'islam"
Pourtant, répondant à des questions sur sa personnalité, son enfance, sa jeunesse, Abdelkader Merah, décrit en ado difficile puis jeune délinquant, indique qu’il a arrêté ses « bêtises » au moment de ce qu’il appelle « sa conversion à l’islam ».Alors musulman depuis l’enfance ou « converti » comme il entend se présenter Abdelkader Merah ?
Ce qu’il faut comprendre, explique le journaliste Mohamed Sifaoui, spécialiste de l’islam radical, c’est que ce que les salafistes appellent conversion est en fait la réislamisation de musulmans. C’est en fait leur radicalisation".
Durant la matinée, la religion avait déjà été évoquée en filigrane au moment d’examiner la jeunesse d’Abdelkader Merah. On l’appelait « Ben Ben » dans le quartier des Izards à Toulouse parce qu’il avait crié « Vive Ben Laden » après le 11 septembre 2001 ? "Mais je n’étais pas musulman à l’époque, il n’y avait rien de religieux". Toujours la dichotomie que l’accusé veut imposer dans sa propre biographie : avant et après sa "conversion".
Sur Ben Laden, Maître Simon Cohen, avocat des familles juives de l’école Orh Torah, se lève : "Vous vous réjouissiez dans votre quartier des attentats du 11 septembre. 2977 morts, ça vous a réjoui ?".
Abdelkader Merah lui oppose un long silence. Pas de réponse.