Millau, autrefois fameuse en France pour ses bouchons automobiles, pour sa ganterie ou la lutte écologiste des paysans du Larzac, est devenue célèbre dans le monde avec le viaduc prodige qui fête dimanche le dixième anniversaire de son inauguration.
A cinq kilomètres du centre ville vers le soleil couchant, sa ligne barre l'horizon sur 2,5 kilomètres d'un trait étonnamment fin, à peine souligné par ses haubans, à une hauteur toujours record de 270 mètres au-dessus des gorges du Tarn.
La prouesse technique, qui a permis de construire l'ouvrage du britannique Norman Foster en trois ans, "a braqué les regards du monde sur Millau et nous a donné une notoriété mondiale et une image high-tech", explique Gérard Prêtre, président de la communauté de communes de Millau-Grands Causses qui regroupe 30.000 habitants.
Il a démultiplié le nombre des touristes et a permis aux entreprises locales de s'ouvrir sur le monde grâce à l'autoroute A75 de Paris-Clermont-Méditerranée qui voit passer au viaduc 4,8 millions d'automobilistes par an.
L'afflux de millions de visiteurs qui a accompagné la phase de construction est largement retombé mais Millau est toujours "le deuxième site le plus visité de Midi-Pyrénées après Lourdes", avec 1 million de personnes par an attirées par le viaduc ou s'arrêtant pour le voir, estiment les responsables locaux du tourisme, la Chambre de commerce de l'Aveyron et l'exploitant, la Compagnie
Eiffage du viaduc de Millau (CEVM).
Pour le président de la CCI de l'Aveyron, Manuel Cantos, "sur 11 millions de nuitées touristiques annuelles dans l'Aveyron, 3,5 millions peuvent être reliées au viaduc".
EN VIDEO / L'effet viaduc
"La renommée du viaduc attire désormais à Millau Chinois, Japonais ou Américains, conduits par les grands tour-opérateurs, alors que les gorges du Tarn ne séduisaient en 2001 que les amoureux de nature français, néerlandais et allemands", déclare Laetitia Raisin, une responsable de l'office de tourisme.
"Grâce au viaduc, les autocaristes ont inscrit Millau à leurs circuits en Aveyron au même titre que Roquefort, les gorges du Tarn ou les ensembles architecturaux des Templiers et Hospitaliers", explique-t-elle. "On voit même apparaître un tourisme culturel haut de gamme combinant Albi - au patrimoine mondial de l'Unesco -, Rodez et son musée Soulages et le viaduc de Millau", ajoute Mme Raisin.
Le président de la communauté de communes relève de son côté le tourisme industriel, associant le viaduc à la visite des ganteries de luxe de Millau (Causse-Gantier, Fabre) fort prisées de la clientèle asiatique et américaine. La saison touristique qui ne couvrait guère que juillet-août, centrée sur le kayak ou l'escalade, "s'étend désormais de mars à la Toussaint", se réjouit-il.
Au-delà du tourisme, le viaduc a désenclavé la sous-préfecture où s'entassaient, contraints et forcés, les automobilistes de la route nationale les jours de grande transhumance. Il a constitué "un ballon d'oxygène pour toute l'économie locale", estime le président de la CCI.
Gérard Prêtre est fier de la zone d'activité qu'il a développée aux abords du péage et baptisée "Millau-Viaduc": elle regroupe 40 entreprises et 450 emplois, "dont la moitié de créations nettes".
"Les entreprises vivotaient dans Millau. En les faisant monter sur le plateau à l'entrée de l'autoroute, on a permis à ces entreprises
souvent liées au bâtiment de s'ouvrir des marchés de Nice à Bordeaux".
Les collectivités ont donné un coup de pouce à l'activité en finançant les bâtiments des nouveaux implantés. De son côté, la CEVM a apporté 6 millions d'euros en 10 ans pour soutenir les projets d'aménagement, indique le directeur général de la
CEVM, Emmanuel Cachot.
Le viaduc ne constitue pas une panacée, reconnaissent les responsables économiques. Le chômage a comme ailleurs progressé depuis cinq ans, mais pour Manuel Cantos comme pour M. Prêtre, il a permis de "limiter la casse".