Il y avait les écologistes face aux chasseurs au moment de la chasse à la palombe; il y a désormais les associations de protection des animaux face aux autorisations du gouvernement pour les chasses traditionnelles. Tous les ans, la confrontation se termine devant la justice. Chaque année, le conseil d'état suspend les arrêtés du gouvernement. Combien de temps cette situation va durer ?
"On doit protéger les oiseaux et notamment les alouettes qui sont en train de disparaître. Le Ministre de l'Ecologie devrait faire de même afin que les associations n’aient plus à revenir vers le conseil d’état. Ses décisions devraient prévaloir. C’est la 5e année qu’on revient et la 5e fois que les arrêtés sont retoqués". La fondatrice et présidente de l'association "One Voice" commence à perdre patience. Muriel Arnal en a assez de devoir se tourner vers la justice pour faire entendre raison à l'Etat.
Le gouvernement autorise les chasses traditionnelles contre une directive européenne
En matière de justice, le conseil d'état c'est la plus haute juridiction administrative. Ses décisions doivent donc prévaloir. Et pourtant tous les ans le ministère de l'écologie prend des arrêtés autorisant les chasses traditionnelles dans certains départements et pour certains oiseaux.
Cette année, l'arrêté a été publié le 4 octobre autorisant la chasse à l'alouette. Ces pratiques sont autorisées que dans certains départements. En Occitanie, seul le Tarn-et-Garonne est concerné, comme le Lot-et-Garonne, les Landes, la Gironde ou les Pyrénées Atlantiques dans d'autres régions.
Une fois de plus, les associations de protection des animaux (la LPO et One Voice) ont saisi le conseil d'état en référé pour stopper ces autorisations au plus vite. "Ca nous a beaucoup choqués de constater que ces arrêtés sont pris systématiquement le vendredi. Même si les procédures en référé sont très rapides, le temps de déposer ce référé et qu'il soit examiné, le week-end passe et des espèces menacées comme l'alouette sont tuées. A chaque fois c’est la même chose. Le ministère de l'écologie sait qu’il est en tort mais c’est une manière de dire au chasseur : vous allez pouvoir chasser le temps que la justice se prononce."
Si Muriel Arnal pense que le ministre est en tort, c'est tout simplement parce qu'une directive européenne datant de 2009 protège les oiseaux sauvages. Les chasses traditionnelles y sont interdites sauf exceptions. En 2019, la cour européenne de justice a donné raison aux associations de protection des animaux. Une vraie bascule en termes juridiques. Dans sa décision du vendredi 21 octobre, le juge des référés du Conseil d’État a suspendu les autorisations de chasser l’alouette des champs à l’aide de filets (pantes) ou de cages (matoles) délivrées pour la saison 2022-23 par le ministre de la transition écologique.
Dialogue de sourds entre associations de protection des animaux et les chasseurs
Il y a un an, toujours en justice, les associations ont obtenu provisoirement gain de cause. En octobre 2021, les arrêtés autorisant les chasses traditionnelles à l'alouette et à d'autres oiseaux (grives, merles noirs, vanneaux, pluviers dorés) avaient déjà été suspendues pour des motifs semblables, via cette procédure d'urgence du référé.
Du coup cette année, le ministère de la transition écologique a autorisé les chasses traditionnelles seulement pour l'alouette et pas pour les autres espèces. Plusieurs actions en justice demeurent car les associations déposent un recours en référé pour aller vite et ensuite, la justice se prononce sur le fond un an après.
Ce sera le cas une fois de plus ce lundi 24 octobre. Les années précédentes, les associations ont attaqués 18 arrêtés ministériels contre ces chasses traditionnelles. Lundi, il n'en restera que 8. Des victoires à la Pyrrhus qui commencent à lasser Muriel Arnal.
"Nous espérons que ce sera la dernière fois. C’est un espoir que j’ai : que ça s’arrête, que les politiques réalisent que la chasse est un loisir. Le loisir de quelques uns peut–il servir à faire disparaitre les oiseaux? Les fédérations de chasse sont arc-boutées sur leurs privilèges, il n'y a pas d’évolution. Je ne comprends pas leur stratégie. Ils ne se rendent pas compte que l'opinion publique ne les suit plus. Il faut réformer la chasse."
La fédération nationale des chasseurs a réagi dans un communiqué cité par l'AFP : "Cette ordonnance met une fois de plus en lumière l'incapacité du conseil d'état à se défaire des mensonges d'une écologie de salon et à s'attaquer aux vraies causes du déclin de la biodiversité..." La fédération estime avoir "entrepris un important travail de mise en conformité de ces chasses aux récentes décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et du conseil d'état lui-même".
Selon l'association One voice, la population d'alouettes a diminué de plus de 22% lors des 20 dernières années. L'avenir dira si les décisions de la haute juridiction administrative sont bien plus qu'un simple miroir aux alouettes pour l'Etat français.