Législatives 2022 : peut-on tout dire sur Twitter ou sur Facebook ?

La campagne des législatives fait aussi rage sur les réseaux sociaux. En Occitanie, la plupart des candidats se livrent à une véritable guerre des mots en espérant faire le buzz. Parfois avec agressivité ou maladresse.

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Elle le confesse. Elle n'a ouvert son compte Twitter qu'en mai 2022, quelques jours seulement avant de se lancer dans la campagne des législatives. Devant l'insistance des jeunes militants qui l'entourent. Difficile de faire autrement pour Naida Belaouni, candidate aux législatives dans la 9ième circonscription de l'Hérault sous la bannière NUPES/LFI. Elle qui n'avait qu'un compte Facebook possède désormais un profil sur tous les réseaux sociaux, Twitter, Instagram ou encore Tik Tok. Un passage obligé désormais pour qui veut faire de la politique.

"Ce sont des outils incontournables aujourd'hui mais cela ne peut pas être le fond de la campagne, tempère Nadia Belaouni. Si l'on veut avoir du vrai contenu, c'est en rencontrant les gens."  Tous les jours, elle publie donc photos et messages. Elle relaie aussi les slogans nationaux de la NUPES. Mais toujours avec prudence. "On fait très attention avec mon équipe de campagne. Tout est visé. On fait cela de manière collégiale. Avant de publier, tout le monde doit être d'accord sur le contenu."

Ce sont des outils incontournables aujourd'hui mais cela ne peut pas être le fond de la campagne. Si l'on veut avoir du vrai contenu, c'est en rencontrant les gens.

Nadia Belaouni, candidate NUPES/LFI dans la 9ième circonscription de l'Hérault

Punchlines, clashs et buzz

A Béziers, dans le fief du couple Ménard, pas si simple de se faire un nom et de mener campagne. Mathilde Tastavy, candidate Renaissance dans la 6ième circonscription de l'Hérault, le sait bien. Ancienne assistante parlementaire de Philippe Huppé, député sortant dans une circonscription voisine, c'est sa première tentative aux législatives mais elle a déjà du métier. Alors, quand Robert Ménard appelle dans les colonnes du journal Le Monde à donner une majorité à Emmanuel Macron, elle saute aussitôt sur l'occasion et sur son smartphone. Sur Twitter, elle remercie le maire divers droite d'appeler à voter pour elle... Et donc contre sa femme, députée sortante, élue en 2017 sous les couleurs du Rassemblement National ! "C'était trop beau, raconte la candidate de 31 ans. Je ne pouvais pas ne pas réagir tellement c'était étonnant !"

Mathilde Tastavy possède un compte Twitter depuis 2011 mais elle n'était "pas vraiment très active" jusqu'ici selon elle. Elle assure préférer le terrain, le contact, l'interaction avec les électeurs. Mais comme beaucoup, elle doit composer avec ces nouveaux outils de communication politique. "Je préfère échanger, me confronter avec les citoyens, c'est plus intéressant et plus efficace du point de vue politique. Mais les réseaux sont nécessaires pour faire connaître une candidature. Dans un contexte où l'abstention va être assez forte, il faut en être."

La candidate Renaissance estime même ne pas être suffisamment présente sur les réseaux sociaux. "C'est très chronophage et il ne faut pas non plus publier du contenu pour publier du contenu. Je vois des candidats qui postent des photos de toutes leurs actions mais cette surabondance cache sans doute un manque de sérénité." Mathilde Tastavy reste surtout très prudente. Même si elle a délégué la gestion de ses réseaux à des membres de son équipe de campagne, elle contrôle tout avant publication. "C'est vraiment une épée de Damoclès. On peut vous électrocuter en deux minutes pour un tweet mal rédigé. Le moindre petit écart de langage est aussitôt sanctionné. Voilà pourquoi je reste très méfiante."

On peut vous électrocuter en deux minutes pour un tweet mal rédigé. Le moindre petit écart de langage est aussitôt sanctionné. Voilà pourquoi je reste très méfiante

Mathilde Tastavy, candidate Renaissance dans la 6ième circonscription de l'Hérault

Et quand elle voit les attaques et les critiques dont Robert Ménard est aujourd'hui la cible après qu'il a pris ses distances avec le Rassemblement National, elle est la première à dénoncer l'acharnement dont il est victime sur les réseaux. "Même si Robert Ménard est un adversaire politique, ce lynchage sur les réseaux sociaux me met mal à l'aise."

Une autre visibilité pour le RN

Flavia Mangano, 32 ans, est sur twitter depuis 2014 et elle mène sa campagne depuis ce compte personnel. Pour la candidate RN dans la 2ième circonscription de l'Hérault, cette campagne digitale est tout aussi indispensable. "C'est une tribune à laquelle on a accès 24 heures sur 24, assure-t-elle. Dans une circonscription urbaine comme la mienne, la ville de Montpellier, avec une population jeune, beaucoup d'étudiants, ce serait difficile de ne pas faire campagne sur les réseaux sociaux."

Des réseaux qui, selon elle, sont surtout un moyen de porter une parole qui a du mal à se faire entendre dans les médias classiques. "Au Rassemblement National, on est toujours obligé de passer par ce canal car on a du mal à avoir accès à la presse comme les autres candidats. Et là, c'est accessible à tous les Français." Flavia Mangano dit se plier à l'exercice "de manière naturelle" et réagir avec spontanéité. Comme pour ce tweet dans lequel elle moque les divisions de ses adversaires, ces "50 nuances de gauche" qui s'affrontent dans sa circonscription.

Pas question pour autant de se laisser entraîner par son élan et de céder à la surenchère. "J'ai assisté à des naufrages publics sur les réseaux après un dérapage incontrôlé. Il faut toujours réfléchir à ce qu'on dit. Je ne me permettrai jamais d'insulter quelqu'un sur Twitter !"

J'ai assisté à des naufrages publics sur les réseaux après un dérapage incontrôlé. Il faut toujours réfléchir à ce qu'on dit. Je ne me permettrai jamais d'insulter quelqu'un sur Twitter !

Flavia Mangano, candidate RN dans la 2ième circonscription de l'Hérault

Des risques de dérapage

"Je n'ai jamais été un grand fan des réseaux sociaux, avoue Axel Roulliaux. Je ne trouve pas que le format permette de développer une pensée. On a toujours tendance à vouloir forcer le trait. On va chercher la petite phrase, la fameuse punchline et il y a forcément des risques de dérapages. On voit certains candidats se lâcher de manière aberrante, d'autres qui choquent volontairement pour percer." A 22 ans seulement, l'étudiant à Science Po Bordeaux est candidat pour Reconquête!, le parti d'Eric Zemmour, dans la 1ère circonscription de l'Aude qui comprend notamment la ville de Carcassonne.

On a toujours tendance à vouloir forcer le trait. On va chercher la petite phrase, la fameuse punchline et il y a forcément des risques de dérapage.

Axel Roulliaux, candidat Reconquête! dans la 1ère circonscription de l'Aude

Il publie un tweet par jour, essaie de faire passer à chaque fois un message court et simple. Il anime son compte avec deux amis qui l'aident dans cette campagne numérique. "On travaille ensemble, on reste sur du factuel et on maîtrise nos propos. On passe autant de temps à réfléchir au contenu qu'à la mise en forme. C'est une règle d'or."

Des idées fausses sur les médias sociaux

Ces campagnes en ligne, Marie Neihouser les observe depuis plusieurs années. Docteure en science politique et chercheuse au Laboratoire d'étude et de recherches appliquées en sciences sociales (LERASS) de l'Université de Toulouse II - Paul Sabatier, elle analyse la manière dont les politiques utilisent internet et les médias sociaux.. "Ce qu'il faut bien avoir à l'esprit, c'est que ces campagnes en ligne restent très artisanales, explique-t-elle. Les candidats s'en occupent eux-mêmes et ils n'ont pas forcément les codes. Ils doivent se faire connaître, imprimer leur propre marque politique en un temps record. Ils ont seulement un mois pour prendre l'étoffe d'un député !"

Ces campagnes en ligne restent très artisanales. Les candidats s'en occupent eux-mêmes et ils n'ont pas forcément les codes. Ils doivent se faire connaître, imprimer leur propre marque politique en un temps record.

Marie Neihouser, politologue

Par conséquent, tous ces candidats ont donc tendance à "mimer" ce qui se fait à l'échelle nationale, à chercher à faire le buzz ou à susciter la polémique pour pallier leur déficit de notoriété. Ces outils favorisent "des stratégies plus mordantes" et les raccourcis. La politologue narbonnaise souligne tous les dangers de cette utilisation mal maîtrisée de ces réseaux sociaux. "Dans les meetings ou les réunions publiques, vous avez des gens déjà acquis à votre cause. Sur Twitter, en revanche, on s'adresse à tout le monde, à la fois à des supporters et à des adversaires. Du coup, on s'expose plus..." 

Selon Marie Neihouser, les candidats ont néanmoins une fausse idée de ce que les réseaux sociaux peuvent leur apporter. La chercheuse a étudié au plus près la campagne présidentielle 2022 sur internet. Et elle a démonté deux idées reçues sur les médias sociaux en politique qui se sont pourtant imposées dans l'espace public. Ainsi, selon elle, les réseaux sociaux ne rééquilibreraient pas les écarts entre petits et gros candidats. Ils ne permettraient pas non plus aux électeurs d’interagir réellement avec les candidats.

De quoi modérer toutes les ardeurs et de limiter tous les débordements. Car les conséquences d'un clash ou d'un "bad buzz" n'ont parfois rien de virtuel. On l'a encore vu récemment, avant même le début de la campagne des législatives. Révélées par Mediapart, "les mirobolantes notes de frais" de Coralie Dubost ont littéralement enflammé les réseaux sociaux et conduit la députée sortante Renaissance de la 3ième circonscription de l'Hérault à renoncer à une nouvelle candidature et à se mettre totalement en retrait de la vie politique.

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