Les médecins généralistes sont de nouveau en grève ce vendredi 9 juin 2023. Cette fois, c'est la proposition de loi Valletoux, qui prévoit, entre autres, de rendre obligatoire la permanence de soins pour tous et limiter la liberté d'installation des médecins. Direction Cahors pour voir comment les citoyens font face au manque de médecins.
Après de fortes mobilisations, les médecins généralistes se sont donnés à nouveau rendez-vous dans la rue. Cette fois-ci, ils s'opposent à la proposition de loi soumise par le député Horizons Frédéric Valletoux. Elle prévoit notamment de rendre obligatoire la permanence de soins pour tous et de limiter la liberté d'installation des médecins. À Cahors, une association de citoyens a vu le jour pour lutter contre la désertification médicale.
C’est une véritable épidémie qui inquiète les Cadurciens. En trois ans, dix médecins de la ville ont fermé leur cabinet. "Ici, nous sommes devant le groupe médical la Chartreuse, fermé définitivement depuis le 31 mai. Entre 3 500 et 4 000 patients sont à la recherche d’un médecin en fonction d’une liste que va leur donner la sécurité sociale. En fin de compte, cela va submerger ceux qui sont déjà en difficulté, même de prendre des nouveaux patients actuellement. Donc de plus en plus de personnes ne savent pas à qui s’adresser", témoigne Jean Rigal, président de l’association de citoyens contre les déserts médicaux.
30 % des Français vivent en désert médical
Aujourd’hui, 30 % des Français vivent dans un désert médical. À Cahors, certains patients font des dizaines de kilomètres pour se soigner. D’autres ont carrément baissé les bras et n’ont plus accès aux soins. Une situation à laquelle Jean Rigal ne peut se résoudre. "À partir du moment où les gens ont payé toutes leur vie leurs cotisations sociales, ils sont en droit, le jour où ils en ont besoin, de pouvoir le revendiquer. Et aujourd’hui, ce droit, ils ne l’ont plus. C’est pour cela que nous, association de citoyens, avons décidé de leur montrer qu’on ne les abandonnait pas. Si on est tous ensemble, on peut trouver une solution", témoigne-t-il.
Certains de ces patients abandonnés se sont dirigés vers le Dac, dispositif d’appui à la coordination. Un dispositif financé par l’ARS, chargé de mettre en relation patients et professionnels de santé. Mais face à l’explosion des demandes, seuls les cas les plus graves sont pris en charge. "Vous m’appelez en disant : le Dr X s’est arrêté, je veux un nouveau docteur à mettre sur mon dossier médical, je ne vous accompagnerais pas. On vous accompagnera si vous avez une problématique de santé à laquelle il faut répondre. Vous avez un besoin de consultation, une maladie grave qui évolue, là, on mettra tout en œuvre pour vous trouver et élaborer avec vous ce parcours de soin", explique Christelle Mazeyrie, directrice du dispositif d’appui à la coordination 46.
Contraindre ou inciter ?
Dans le Lot, plus d’un millier de patients a rejoint l’association de lutte contre les déserts médicaux. Soutenue par une quarantaine de députés de tous bords, elle porte une proposition de loi qui vise notamment à encadrer l’installation des médecins. "La liberté de ces médecins finit par être un problème, parce qu’ils ne correspondent plus aux besoins des cotisants, mais à satisfaire seulement leurs propres besoins. Il faudrait, en sortant de leur école, qu’ils puissent être affectés – ou du moins qu’ils puissent choisir d’aller où ils veulent, à condition que ce soit une zone sous-dotée", soumet Jean Rigal.
Emmanuel Macron serait pour l’heure hostile à toute forme de contrainte liée à l’installation des médecins généralistes. Et ce n’est pas le seul à être de cet avis. "A notre avis, ça ne servirait à rien, pour la bonne raison que les jeunes médecins que l’on voit, sont vent debout et ils préfèreraient travailler ailleurs, plutôt que de s’installer en tant que médecin généraliste", évoque Monique Ibbora, députée Renaissance de Haute-Garonne et membre de la commission des affaires sociales.
Rendre attractif le territoire
Des propos soutenus par Jean Thévenot, président du Conseil de l’ordre des médecins Occitanie. "La coercition ne servirait à rien. Par contre, le fait de créer les conditions pour des installations, c'est ça l’avenir. C’est-à-dire habituer les internes à venir pendant leur formation, leur donner l’envie de venir s’installer. Avoir un maillage des territoires et des plans territoriaux qui soient incitatifs pour les jeunes médecins est primordial. Et qui permettent à un jeune médecin qui arrive, de faire en sorte que sa femme ou son mari ait un travail et que son enfant puisse aller à l’école."
La ville d'autant plus concernée
Jean Thévenot rajoute : "j’avais réalisé, lorsque j’étais président de l’Ordre des médecins de Haute-Garonne, une étude démographique que dans les cinq ans qui viennent, le nombre de départs en retraite de médecin allait être très important. Les villes sont concernées, et plus encore que les campagnes, car la population étant plus importante, la demande l’est tout autant. Les problèmes de désertifications médicales se posent dans tout le territoire", affirme Jean Thévenot.
Autre élément qu’il soulève, dans les villes et agglomérations, la population a davantage l’habitude de l’accès au soin, beaucoup plus qu'à la campagne. "C’est aussi un élément qu’il faut prendre en compte dans les habitudes de la population", souligne-t-il.
(avec Cécile Fréchinos)