Grève des médecins : "Je ne conseillerais pas à mes enfants de faire médecine générale", dès lundi, fermeture de cabinets médicaux pour les vacances de Noël

Un appel à la grève a été lancé par les syndicats des médecins généralistes. Dès ce lundi 26 décembre 2022, des professionnels vont fermer leur cabinet pendant l'intégralité des vacances de Noël si une hausse du prix de la consultation n'est pas cédée par l'Etat. Explications de Benoît Hatton, médecin généraliste à Fabrègues et représentant du comité Médecins pour demain dans l'Hérault (34).

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Le mouvement a été initié par le collectif Médecins pour demain, fondé début septembre par Christelle Audigier, elle-même médecin, et qui compte environ 15 000 abonnés.

Benoît Hatton, un des représentants dans l'Hérault (34) et médecin généraliste installé à Fabrègues depuis 2011, nous explique les raisons de cette grève qui débute dès la semaine du 26 décembre, reconductible la première semaine de janvier, et qui prend la forme de fermeture de cabinets médicaux.

France 3 Occitanie : Pourquoi cette grève ? Quelles sont vos revendications ?

Benoît Hatton : D'abord, nous demandons une revalorisation de l'acte médical. Car sur les 25 euros de la consultation, nous avons 50% de charges. Il faut savoir que le coût de fonctionnement des maisons de santé avec des médecins salariés est estimé à 70 euros par patient pour les collectivités, pour donner une fourchette basse, et financé avec l'argent public. La moyenne européenne d'une consultation chez le généraliste s'élève à 45 euros. D'où notre volonté d'obtenir une revalorisation à 50 euros.

Par ailleurs, nous prescrivons des kits de dépistage du cancer du colon, des mammographies, etc. Si les patients n'effectuent pas ces examens, c'est nous qui en sommes tenus responsables, la Sécu estime que c'est notre faute. Mais moi, je ne vais pas mettre un pistolet sur la tempe de mes patients pour les y forcer, je leur conseille en leur expliquant pourquoi c'est important.

Ensuite, dans mon cabinet, nous sommes cinq médecins et nous ne trouvons pas de remplaçants. Actuellement, 60% des généralistes formés en France ne s'installent pas en temps que médecin libéral, il y a donc un soucis. Et ça ne va pas aller en s'améliorant. Sur le terrain, les médecins sont méprisés.

Nous sommes conscients que nos revenus sont tout à fait corrects, mais c'est au détriment d'une amélioration du fonctionnement du cabinet. Je reçois entre trente et quarante patients par jour. On est en quelque sorte une entreprise libérale sauf que c'est l'Etat qui décide de la rémunération. C'est une grève historique, du jamais vu.

France 3 Occitanie : La médecine générale ne suscite-t-elle plus autant de vocations qu'avant ?

Benoît Hatton : Je vais bientôt avoir 48 ans. J'ai passé le concours en 1995 et nous étions 2 000 candidats pour 120 places. Quand je suis entré en fac, nous savions déjà tous qu'il n'y aurait pas assez de médecins. Maintenant, on se trouve devant le fait accompli. Il existe aujourd'hui entre 100 000 et 110 000 médecins en France, dont 60 000 sont installés environ.

Ils peuvent augmenter le nombre de places dans les facultés de médecine, mais si les gens ne veulent pas s'installer ensuite, ce sera pareil. Les générations actuelles ont de moins en moins envie de s'installer en temps que médecins généralistes. Ils commencent à être dégoutés. On le voit aux questionnements qui circulent au sein de la profession et des étudiants : comment aller en Suisse, ou au Canada où la rémunération est meilleure ? Comment devenir salarié ? Comment se déconventionner ? Il y a régulièrement des annonces sur les réseaux sociaux, certains ont déjà franchi le pas. Si ça continue comme ça, nous serons les derniers. J'ai deux enfants. S'ils me disent "je veux faire médecine", je leur répondrais de faire autre chose que médecine générale !

France 3 Occitanie : Confier des missions de médecine générale à des infirmiers dévalorise-t-il selon vous le métier de médecin ?

Benoît Hatton : Des IPA, infirmiers en pratique avancée, sont des infirmiers à qui on ajoute deux ans de formation supplémentaire et qui vont faire du suivi comme nous, pour 50 euros par trimestre par patient. Certains infirmiers vont ouvrir des cabinets comme du libéral pour faire des primo-prescriptions pour de la "bobologie" et effectuer une première prise en charge, un pseudo-médecin à bas coût de premier recours... Les infirmières avec qui on travaille trouvent que c'est de la folie. Et nous, qui avons une formation bac+9, on pleurniche pour être augmentés par rapport à nos 25 euros.

Les infirmiers vont faire notre boulot, des visas seront donnés aux médecins étrangers, et il ne restera rien pour nous, formés très durement en France. Il y aura peut-être des dispensaires aussi.

France 3 Occitanie : Fermer les cabinets médicaux pendant les vacances de fin d'année est-il une bonne idée ?

Benoît Hatton : Nous fermons pendant les fêtes car les négociations sont toujours en cours. Mes confrères étaient inquiets que le choix des dates soit mal perçu. Mais nous maintenons la pression car les choses passent à coups de 49.3 tous les trois jours. Nous ne pouvons pas faire autrement, les circonstances nous y obligent.

Trois niveaux de consultation, selon leur complexité, seraient en discussion... En attendant que les contours s'en dessinent, les médecins font front.

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