"Notre croissance a accéléré les pertes" : licenciements, transformation en société, le Grand Couvent de Gramat dans l'obligation de se restructurer

Face à une situation financière délicate, le Grand Couvent de Gramat (Lot) est dans l'obligation de licencier 7 de ses employés. Christophe Charbogne, directeur de l'établissement appartenant à la congrégation des soeurs de Notre Dame du Calvaire, revient sur les raisons de ces difficultés et les évolutions qu'elles vont entraîner.

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Le Grand Couvent de Gramat, institution vieille de 190 ans, traverse une période charnière de son histoire. Malgré un chiffre d'affaires dépassant le million d'euros et une croissance annuelle de 23%, l'établissement fait face à des difficultés financières qui l'ont contraint à procéder à des 6 licenciements économiques.

Dans cette interview, Christophe Charbogne, directeur depuis janvier 2024, nous avance les raisons de cette situation paradoxale, les décisions prises pour y remédier, et les projets qui dessinent l'avenir de ce lieu emblématique du tourisme lotois.

France 3: Quelle est la situation financière actuelle de l'établissement ?

Christophe Charbogne : C'est paradoxal. En 2016, nous n'avions rien. En 2023, nous employons 20 personnes à temps plein et notre chiffre d'affaires dépasse le million d'euros. Cependant, la pandémie de Covid-19 a eu un impact majeur. En tant qu'association, nous avons été exclus des aides gouvernementales. Notre chiffre d'affaires a chuté de 30% en 2020 par rapport à 2018, sans aucune compensation.

De plus, nous avons investi 3 millions d'euros en travaux sur 7 ans, financés par emprunts et fonds propres. Aujourd'hui, notre structure porte près de 2 millions d'euros de dettes. Après la pandémie, nous devons assumer ces prêts malgré les pertes subies.

France 3 : Avez-vous réussi à dégager des bénéfices et constituer une trésorerie ?

Christophe Charbogne : Non. Malgré une croissance de 23% par an, nos charges ont augmenté de façon exponentielle, notamment à cause de nouvelles réglementations liées à notre développement. Paradoxalement, c'est notre croissance qui a accéléré les pertes. Nous n'avons pas de problème de clientèle ou de chiffre d'affaires, mais nous avons subi des contraintes sans soutien.

La décision de réduire le personnel est vraiment l'ultime recours. C'est une situation complexe où notre développement rapide, combiné aux effets de la pandémie, nous a mis en difficulté financière malgré une activité en croissance.

France 3 :  Pourquoi avez-vous pris cette décision de licencier 7 personnes ?

Christophe Charbogne : Le modèle actuel n'est plus viable. Nous avons déjà optimisé l'organisation du personnel, les tâches, les fonctions et les horaires. La saisonnalité dans le Lot nous oblige à maintenir des embauches temporaires pour ne pas perdre d'activité. Nous avons revu notre approche des emplois saisonniers et fusionné certains postes, mais ces mesures n'ont pas suffi. Nous passerons donc avec ces licenciements de 17 à 11 CDI.

France 3 : On évoque des pertes de 500 000 €. Confirmez-vous ce chiffre ?

Christophe Charbogne : Je le confirme pour cette année. Cependant, ce montant n'est pas dramatique vu nos investissements et amortissements. Le vrai problème est l'environnement de fonctionnement. Sans action, nous allions droit dans le mur. La restructuration et la suppression de postes étaient inévitables.

France 3 : Comment qualifieriez-vous la situation actuelle ?

Christophe Charbogne : La structure n'est pas fragilisée financièrement et cela n'engage pas l'avenir à court ou moyen terme. Sur le plan managérial, il n'y a pas de problématique majeure. Certains départs sont volontaires, avec des reconversions professionnelles. Nous avons mis en place un plan d'accompagnement. Notre force reste nos équipes et la qualité de notre service.

France 3 : Finalement, avez-vous grandi trop vite, trop fort ?

Christophe Charbogne : Non, je ne pense pas. La question est plutôt : les choix faits étaient-ils justes ? Dans les cycles de croissance d'une entreprise, il est difficile de refuser des clients. C'est d'autant plus compliqué pour nous qui avons une clientèle diversifiée : individuels, groupes, professionnels, culturels. Dire non à un client pour limiter sa croissance est complexe.

Les choix faits étaient bons. Depuis 2019, l'environnement touristique est instable, avec une visibilité très courte. Francis Teillard, mon prédécesseur, a bien travaillé et fait les bons choix au moment opportun. Aujourd'hui, nous devons revoir notre modèle, mais c'est un cycle normal d'entreprise. D'ailleurs, nous envisageons de passer d'un statut associatif à un statut de société.

France 3 : Pourquoi ce changement de statut ?

Christophe Charbogne : Pendant la crise du Covid, n'étant pas inscrits au registre du commerce, nous n'avons bénéficié d'aucune aide ni subvention pour nos travaux. Même le plan de relance tourisme de la région Occitanie nous a exclus. Ce changement nous permettrait d'accéder à ces aides à l'avenir. Notre caractère atypique est à la fois notre force et notre faiblesse. Nous devons nous appuyer sur nos forces et les développer plutôt que de chercher à compenser nos faiblesses.

Au-delà de l'activité économique, nous avons une dimension culturelle importante. Le rayonnement de Gramat va s'accroître, car la congrégation des sœurs de Notre Dame du Calvaire, présente dans huit pays, va désormais être pilotée depuis ici. Cela ouvre de nouvelles perspectives pour notre développement.

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