Le saviez-vous ? L'Occitanie partie du Top 5 des régions françaises en pointe dans la visite d’entreprises. Un tourisme auquel s'est ouvert l'Atelier Tuffery, créateur et fabricant de jeans 100% français niché à Florac (Lozère) depuis 132 ans. On vous emmène à la découverte de ce savoir-faire et on vous raconte l'histoire de cette saga familiale à rebondissements.
À Florac en Lozère, siège du parc national des Cévennes, on vient surtout pour se ressourcer en pleine nature. Les randonneurs constituent l'essentiel de la clientèle touristique. Mais certains viennent aussi pour une autre pépite, qui fait battre le cœur économique de la cité cévenole depuis 132 ans : l'Atelier Tuffery, seule fabrique de jeans du département, la plus ancienne de France. Un véritable patrimoine industriel familial sauvé de la faillite il y a huit ans par un jeune chef d'entreprise audacieux.
Car si, aujourd'hui, ces collections de vêtements haut de gamme en toile Denim locale et durable s'arrachent chez les passionnés de mode, le pari n'était pas gagné d'avance, tant le secteur du textile est devenu ultra-concurrentiel du fait de la mondialisation.
Un pari industriel
Issus de la dernière génération des propriétaires de la fabrique, Julien Tuffery et sa femme Myriam, ingénieurs de formation, se sont réinstallés à Florac pour reprendre et relancer la marque. Ils misent désormais sur ce "tourisme de savoir-faire" pour la faire découvrir au grand public. Et ça marche : plusieurs milliers de personnes se pressent chaque année pour visiter l'atelier/boutique.
Pendant une heure et demie, par petits groupes, ils découvrent les lieux et le travail des couturiers et couturières, guidés par le jeune chef d'entreprise de 38 ans.
La toile Denim, un tissu inventé en Occitanie
Il leur raconte bien plus qu'une histoire industrielle : l'épopée d'un tissu qui a révolutionné l'habillement, la toile Denim, inventée... à Nîmes (Gard), non loin de là. Réputée pour sa solidité et son coût de fabrication peu élevé, à l'origine, elle était destinée à la confection des vêtements des ouvriers.
Le jeune PDG n'élude rien de la saga familiale : le XIXe siècle florissant pour la fabrique fondée par son arrière-grand-père, les Trente Glorieuses, puis le bord du gouffre. Il y a une dizaine d'années, la société était moribonde, vaincue par la délocalisation massive de l'industrie textile française. Car, comme l'explique Julien Tuffery, "80% du coût d'un jean, c'est de la main-d’œuvre".
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Une saga familiale
Norbert Tuffery, l'oncle de Julien, a codirigé l'entreprise avec ses deux frères pendant les années de crise. Aujourd'hui, il vient toujours donner un coup de main quelques jours par semaine. Il assure notamment le service après-vente, en réparant les jeans usagés retournés par les clients ou en changeant une fermeture éclair. Car le credo de l'Atelier, c'est de fabriquer des vêtements durables, en fibres naturelles, selon un mode de confection qui préserve l'environnement.
"Tonton Norbert", comme l'appelle son neveu, n'en revient toujours pas du succès de la nouvelle formule.
Je suis très ému ! Quand on connaît l'histoire de la famille, voir qu'on en est arrivé là aujourd'hui, c'est quand même une belle revanche sur la vie. ça a été très compliqué mais maintenant, c'est que du bonheur !
Norbert TufferyOncle de Julien Tuffery et ancien dirigeant de l'Atelier
La "fast fashion", non merci
Pour rebondir, l'entreprise a choisi un modèle économique et environnemental à contre-courant de celui de la "fast-fashion" aujourd'hui en vigueur dans l'industrie textile mondialisée : production durable et locale, limitée à 100 jeans par jour faits à partir de matières premières exclusivement naturelles et produites en France ou en Europe, polyvalence des salariés dans l'atelier (alors qu'ailleurs les employés occupent toujours le même poste), collections haut de gamme. Une recette qui a trouvé sa clientèle et qui a permis de créer 38 emplois à Florac, dans ce territoire rural et éloigné des grandes métropoles, au cœur des Cévennes lozériennes.
38 emplois créés en Lozère
Clémentine Lemaître a été la première embauchée lors de la relance il y a huit ans. Elle est aujourd'hui la cheffe de l'atelier, heureuse de faire découvrir son travail au public.
L'image du monde du textile est assez négative. Mais en fait, quand on est dans l'artisanat, c'est vraiment un très beau métier, dont je suis très fière. Pouvoir le partager avec les gens qui viennent ici, c'est plutôt formidable !
Clémentine LemaîtreCheffe d'atelier
Sans trahir ses secrets de fabrication, la couturière délivre volontiers conseils et astuces à ceux qui le demandent, pour faire un ourlet ou régler une machine à coudre. Parmi les milliers de visiteurs qui se succèdent chaque année à l'atelier/boutique de Florac, il y a ceux qui connaissent déjà la marque, mais aussi ceux qui, venus en vacances en Lozère, la découvrent.
Bouche-à-oreille et intérêt des médias font la renommée
Ariane Liemans, originaire de Herne en Belgique, raconte : "j'avais vu l'Atelier Tuffery dans une émission qui était passée à la télévision et je voulais vraiment découvrir l'atelier, l'environnement, venir voir réellement ce que c'était... Et c'est fabuleux !"
Laurence Maillard, elle, est une touriste perpignanaise venue en famille : "on est dans une maison d'hôtes et nos hôtes nous ont invités à venir voir cette entreprise familiale, qui nous intéresse d'autant plus que nous aussi, on a une entreprise d'origine familiale. C'était intéressant de découvrir cette société qui travaille un produit un peu d'exception".
Acteur clé du tissu économique et social
La plupart terminent la visite par un passage en boutique. Malgré les prix élevés, 90% deviennent des clients fidèles. De quoi conforter Julien Tuffery dans son choix de rester au pays.
Quand on a repris la maison, on s'est dit : "qu'est-ce qu'on fait ? On reste là, ou on part ailleurs, proche d'une zone de chalandise ?" Mais c'est évidemment ici qu'on devait le faire. Oui, on est au fin fond des Cévennes. Mais quand on vient jusqu'à Florac, on vient justement acheter bien plus qu'un jean. On vient voir un patrimoine, comprendre comment c'est fait, montrer à ses enfants la réalité de la fabrication d'un vêtement, créer du lien et du vivre ensemble.
Julien TufferyPDG de l'entreprise
Une recette gagnante qui profite aussi à tout le territoire. Car il y a là de quoi moderniser l'image de la Lozère et permettre d'étaler la saison touristique et la fréquentation sur l'ensemble de l'année et du département. Le comité départemental du tourisme n'y voit que des avantages.
"C'est quelque chose qu'on encourage et qu'on met en avant sur notre site internet. Les gens peuvent aussi venir voir toutes les entreprises qui sont visitables : des mielleries, des brasseries, l'eau de Quézac ou la chocolaterie Malakoff", explique Eric Debenne, le directeur du comité départemental Lozère Tourisme.
L'Occitanie dans le Top 5 des régions de tourisme industriel
Ce tourisme de savoir-faire a le vent en poupe. En 2022, plus de deux millions de personnes ont été accueillies dans 415 entreprises d'Occitanie, selon l'association nationale Entreprise et Découverte, qui a pour but la valorisation et la promotion de la filière "visite d’entreprises". Parmi ces sociétés occitanes et catalanes qui accueillent du public, 61% sont des TPE (Très Petites Entreprises) et 25% ont plus de 100 ans d’existence. Certaines visites sont payantes mais 45% sont gratuites.
11% des sociétés visitées appartiennent au secteur de la mode et des cosmétiques, à l'instar de l'Atelier Tuffery : La Botte Gardiane, Missègle, Nutergia ou Pierre Fabre en font partie.
Les 10 entreprises plus visitées d'Occitanie
- Les Salins d'Aigues-Mortes (Gard) : 170 000 visiteurs
- EDF hydro Sud-Ouest (plusieurs sites en Occitanie) : 143 665 visiteurs
- L'Oulibo (Aude) : 112 820 visiteurs
- La coutellerie de Laguiole Honoré Durand (Aveyron) : 106 000 visiteurs
- La coopérative fromagère jeune montagne (Aveyron) : 100 000 visiteurs
- La coutellerie forge de Laguiole (Aveyron) : 80 000 visiteurs
- Les caves de Roquefort Société (Aveyron) : 60 000 visiteurs
- Airbus (Haute-Garonne) : 41 500 visiteurs
- Terre des Templiers (Pyrénées-Orientales) : 40 000 visiteurs
- Les caves de Roquefort Papillon (Aveyron) : 34 065 visiteurs
Cette offre non délocalisable et non reproductible, qui nécessite un engagement social et environnemental de la part des entreprises participantes, constitue aujourd'hui une source de tourisme durable prometteuse.