Depuis près d'une trentaine d'années, les élections municipales donnent lieu traditionnellement à des débats télévisés et radiophoniques. Mais pour celles de mars prochain, beaucoup de candidats à la mairie de grandes villes les refusent. Avec ou sans explications.
La première grande référence audiovisuelle de refus de débattre est célèbre : entre les deux tours de la présidentielle 2002, Jacques Chirac, président de la République sortant, refuse le débat télévisé avec Jean-Marie Le Pen (Front National). Une première depuis le premier débat télévisé qui avait marqué l’élection présidentielle de 1974.
L'argument du président de la République sortant est :
Je ne peux pas accepter la banalisation de l'intolérance et de la haine.
Jean-Marie Le Pen dénonce alors
Depuis les choses ont bien changé et les débats avec ou contre les représentants et candidats du Rassemblement National ne sont que rarement refusés par leurs adversaires.Une pitoyable dégonflade. Quand un adversaire d'un duel est considéré comme s'étant retiré, il est déshonoré. Ce sont les règles de l'honneur.
L'ère des refus de débattre
Changement d’époque, cette année, c’est une tête de liste issue du Rassemblement National qui refuse le premier le débat de ces Municipales 2020 : Louis Aliot, candidat à la mairie de Perpignan, ne participera pas à celui organisé le 26 février prochain dans les locaux de France 3 dans nos studios de Montpellier. Le 17 janvier dernier, il s'en explique en primeur à ses électeurs dans une vidéo via les réseaux sociaux :Une organisation et des règles choisies de manière commune par France 3 et France Bleu pour des raisons techniques (notamment l’absence de plateau d’enregistrement à Perpignan), mais aussi afin de donner un temps de parole suffisant à chaque invité dans les échanges entre principaux candidats.On nous demande à nous d’aller à Montpellier pour aller faire un débat juste à 4 en excluant les autres candidats. Moi ce n’est pas ma conception de la démocratie.
Des profils et des motivations similaires ?
Mais il n'est pas le seul à refuser ainsi un tel débat : Philippe Saurel (DVG), maire de Montpellier, Jean-Paul Fournier (LR), maire de Nîmes et son voisin gardois Max Roustan (LR), maire d'Alès.Le maire sortant montpelliérain explique même à nos confrères de Midi Libre :
Je vais aller boire des cafés dans les bars avec les Montpelliérains comme je l’ai toujours fait (...). Et puis, sur le fond, notre programme sera distribué à tout le monde et il y aura toutes les réponses aux questions que l’on peut se poser.
Jean-Paul Fournier, maire sortant Les Républicains de Nîmes, dans un post sur les réseaux sociaux, justifie son refus de débat depuis 2001, balayant ainsi l'argument de certains adversaires sur une possible difficulté de santé. L'édile nîmois avait été victime d’un AVC en juillet 2016 qui l’avait conduit à passer temporairement la main à Franck Proust, député européen et premier adjoint. Son directeur de campagne Frédéric Escojito explique que
Ce n’est pas un dénigrement de la presse, mais l’objectif est avant tout de privilégier le contact direct avec l’électeur.
Ces maires sortant oublient-ils sciemment que beaucoup d'électeurs n'auront pas ce contact direct sur les marchés ou autres porte-à-porte? Qu'ils ne pourront pas ou ne voudront pas se déplacer dans les réunions publiques...mais qu'ils pourraient se faire une idée de vote en écoutant les propositions et arguments contradictoires des candidats à travers ces débats?
Une communication maîtrisée en lieu et place de l'échange avec l'adversaire
Pour résumer, chacun distribue son programme en évitant, ou limitant au possible, la confrontation directe avec l'adversaire. Serait-on tombé dans l'ultra-communication ficelée et le refus de dialogue républicain sous divers argumentaires politiciens?Pour Michel Crespy, sociologue :
Aujourd’hui, c’est vrai qu’il y a beaucoup de médias mais aussi des associations qui veulent organiser des rencontres avec plusieurs candidats. Mais il y aussi les analyses des directeurs de campagne qui pèsent : qu’est-ce que le débat peut apporter à leur candidat, surtout quand il n’est pas forcément bon, manquant d’esprit de répartie?
Car l’inconvénient pour un sortant ou pour celui qui est largement en tête des sondages, c'est qu'il est seul contre tous les autres. Et il y a toujours le risque de se voir en difficulté sur un point de bilan, un dossier, secoué par l’adversaire, par des questions de journaliste...mais aussi, en temps réel, sur ces nouveaux modes d'expression plus difficilement maîtrisables que sont les réseaux sociaux!
Pour Jean-Pierre Foubert, docteur en sociologie et ancien chef de cabinet de Georges Frêche (maire PS de Montpellier de 1977 à 2004) :Les élus craignent que leurs paroles soient moins porteuses et surtout peut-être critiquées instantanément sur les réseaux sociaux. De plus, leurs communications sont fortes tout au long du mandat et sur ces mêmes réseaux sociaux. A titre personnel, je pense qu’un débat est nécessaire et important, surtout entre les deux tours.
Emmanuel Négrier, politologue, partage cette explication de crainte de la part des têtes de liste :
Leurs interventions peuvent être démultipliées et détournées sur la toile, phénomène nouveau de la vitalité de certaines déclarations sorties de leurs contextes. Dès lors pourquoi prendre des risques se disent-ils sachant qu'ils sont à un niveau de notoriété très supérieur à tous leurs adversaires souvent. Il reste que ces raisons mettent directement en question la nature du débat démocratique.
Interviewez-moi...mais sans les autres !
Ces candidats sollicitent pourtant en temps "normal" plus que fortement, et même au quotidien pour certains, les médias audiovisuels : multipliant les conférences de presse jusqu'à quatre à six fois par semaine pour Philippe Saurel par exemple. Et laissant rarement la parole à leurs adjoints comme pour mieux maîtriser la communication.Ils sont donc loin de méconnaître l’impact médiatique que représente la radio et la télévision.
Une manière de refuser ce débat qui est pourtant l’une des bases de la démocratie prôné déjà à l’Antiquité grecque notamment. Certains élus et autres édiles (toutes tendances confondues) appliquent d’ailleurs de plus en plus souvent les mêmes méthodes dans leurs conseils municipaux, en coupant les micros à leurs oppositions. La contradiction est pourtant source de sagesse et de progrès, disaient les philosophes.
Les débats Municipales 2020 France 3-France Bleu
A l’occasion des élections municipales, France 3 Occitanie met en place un dispositif exceptionnel du 26 février au 22 mars : 32 débats, 2 soirées électorales, Dimanche en politique, et chroniques dans les éditions d'information 12/13 et 19/20.Les débats au plus près de chez vous les mercredis, dès 21h :
Mercredi 26 février :
En Languedoc-Roussillon : Perpignan, Alès, Narbonne suivis d'un débat citoyen sur le défi de la réhabilitation des centres anciens
En Midi-Pyrénées : Montauban, Graulhet, Cahors, Auch
Mercredi 4 mars :
En Languedoc-Roussillon : Beaucaire, Argelès-sur-Mer, Béziers suivis d'un débat citoyen sur les politiques des transports hors métropole et la prise en compte du réchauffement climatique.
En Midi-Pyrénées : Albi, Gaillac, Millau, Foix
Mercredi 11 mars :
En Languedoc-Roussillon : Nîmes, Céret, Montpellier suivis d'un débat citoyen : Quelle place pour les mouvements sociaux dans ces municipales ?
En Midi-Pyrénées : Toulouse, Castres, Rodez, Tarbes
Mercredi 18 mars :
En Languedoc-Roussillon : Perpignan, Nîmes, Montpellier suivis d'un débat : Quels sont les enseignements du premier tour et les enjeux du second tour ?
En Midi-Pyrénées : Toulouse, Albi, Montauban, Rodez
Deux soirées électorales en direct de nos studios de Toulouse et de Montpellier et avec différents duplex dans les villes à enjeux les dimanches 15 et 22 mars avec 3 décrochages régionaux de 19h55 à 21h, puis
de 21h15 à 22h et de 22h15 à 23h.
Résultats dès 20h, analyses et réactions des invités politiques.
Les municipales 2020 en Occitanie c'est aussi sur le web avec le #municipales2020.