Nîmes : procès exceptionnel pour la réhabilitation de deux hommes condamnés à 20 ans de prison

Les assises du Gard juge en révision, onze ans après leur condamnation à vingt ans de réclusion pour le meurtre d'un dealer, Abdelkader Azzimani et Aberrahim El Jabri. Ce procès s'ouvre ce matin et durera 4 jours. Seulement huit condamnés pour crime ont obtenu un acquittement depuis 1945.


"On a de l'appréhension, mais on y va pour faire reconnaître notre innocence."
Onze ans après leur condamnation à vingt ans de réclusion pour le meurtre d'un dealer, Abdelkader Azzimani et Aberrahim El Jabri espèrent être acquittés lors du procès en révision qui s'ouvre lundi à Nîmes.

Le verdict est attendu jeudi aux assises du Gard. Seulement huit condamnés pour crime ont obtenu un acquittement depuis 1945 au terme d'une procédure de révision. M. Azzimani, 49 ans, et M. El-Jabri, 48 ans, dont la culpabilité pour le meurtre le 21 décembre 1997 d'Abdelaziz Jhilal, dit Azzouz, 22 ans, avait été confirmée en appel le 25 juin 2004, ont passé 12 et 13 ans derrière les barreaux. Ils ont toujours clamé leur innocence et ont obtenu l'annulation du verdict le 15 mai 2013.

Images F3 LR

A l'origine de cette décision aussi rare que spectaculaire, le revirement d'un témoin capital de l'accusation et la mise en cause d'un nouveau suspect lors d'une expertise portant sur trois traces ADN.
Le meurtre d'Abdelaziz Jhilal a ensuite fait l'objet d'un nouveau procès et le 23 novembre dernier, la cour d'assises à Montpellier a condamné Michel Boulma, 34 ans, et Bouziane Helaili, 36 ans, à 20 ans de réclusion pour "assassinat". Ils n'ont pas fait appel.
Durant leur procès, les deux hommes se sont rejetés les responsabilités de la mort du dealer tué de 112 coups de couteau sur fond de trafic de cinq kilos de résine de cannabis.
M. Boulma a affirmé qu'il n'avait été qu'un témoin. M. Helaili a, lui, admis avoir porté des coups mais seulement une vingtaine et assuré qu'ils n'étaient pas mortels.

L'un et l'autre ont en revanche mis MM. Azzimani et El Jabri hors de cause. Ils ont assuré ne pas connaître ni n'avoir jamais vu les deux hommes. A l'époque, MM. Azzimani et El Jabri avaient simplement admis avoir donné la drogue à la victime.

"Les expertises démontrent qu'il n'y aucun lien physique ou téléphonique entre nos clients et les condamnés", assurent Me Jean-Marc Darrigade et Luc Abratkiewicz, avocats de MM. Azzimani et El Jabri.

"On espère que la justice va enfin faire son travail. On veut comprendre pourquoi on a été condamnés pour ce meurtre. Ce sera enfin la délivrance", affirme M. El Jabri.
L'acquittement n'est toutefois pas gagné d'avance. Lors du procès Boulma/Helaili, l'avocate générale Marion Brignol n'a pas caché son scepticisme sur l'innocence de MM. Azzimani et El Jabri.

Récit Emilien Jubineau

Les parties civiles ont également fait part de leurs doutes.
"Les expertises médico-légales montrent qu'on ne peut exclure l'hypothèse d'un nombre supérieur à deux auteurs", constate l'avocat de la veuve, Me Khadija Aoudia, qui évoque "des zones d'ombres, des non-dits" dans ce dossier.
"C'est de l'acharnement", déplore M. Azzimani, qui dit ne plus dormir et souffrir d'eczéma avant ce procès et cet "acquittement officiel" qu'il attend depuis des années.

Me Darrigade et Abratkiewicz dénoncent "l'aveuglement" des parties civiles et entendent démontrer l'entêtement des gendarmes avec notamment un témoin "instrumentalisé", "un peu menteur et surtout bonimenteur".
Errol Fargier, alcoolique reconnu, est l'homme clef du dossier. Il avait incriminé MM. Azzimani et El Jabri. Il a aussi relancé l'affaire en écrivant le 11 décembre 2007 au procureur de la République pour demander à "être entendu à nouveau" car il avait des révélations à faire. 

Mais devant les enquêteurs, il a cette fois mis en cause un homme qui était... en prison au moment du meurtre.
"Fargier a tous les ingrédients du +mytho+", note Me Darrigade. "Azzimani et El Jabri sont l'incarnation de l'erreur judiciaire. Et notre travail sera de faire l'autopsie de cette erreur judiciaire", poursuit-il.
"Si par malheur ils sont condamnés, ce seront des martyrs", estime Me Abratkiewicz.
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