Les balades en pleine nature sont sublimées en ce moment par les couleurs de l'automne. Les jaunes, les orangés, les rouges jouent avec les verts immuables des conifères pour offrir des spectacles saisissants. Le Conservatoire botanique national de Midi-Pyrénées nous explique ce phénomène.
Le spectacle est magique, il a commencé un peu partout en Occitanie même s'il s'avère plus avancé dans les Pyrénées... L'automne et ses couleurs flamboyantes est à nos portes. Impossible de ne pas s'émerveiller de ce spectacle... et c'est tant mieux. Mais que se passe-t-il dans la vie des arbres à cette période ? Pourquoi ce cycle annuel ? Comment se créent ces couleurs magnifiques ? Nous avons sollicité le Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées pour répondre à ces questions.
"L'arbre est un végétal comme un autre, rappelle en préambule Jérôme Garcia, chargé de conservation au Conservatoire basé à Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées, il est soumis au rythme des saisons. Les arbres à feuilles caduques en opposition aux conifères, perdent leur feuillage en automne. Ce phénomène se produit quand les conditions de la photosynthèse ne sont plus là. Il est directement lié à la diminution de la durée du jour".
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Piège pour l'énergie lumineuse
L'été est la meilleure saison pour la photosynthèse, explique le scientifique. C'est à cette saison que l'arbre absorbe le maximum de lumière via ses feuilles. La photosynthèse correspond au piégeage de l'énergie lumineuse provenant du soleil et à son stockage sous la forme de matière organique, des glucides principalement. L'arbre se nourrit lui aussi de sucre...
"Quand la durée des journées diminue, la photosynthèse est moins efficace. Pour l'arbre, la dépense énergétique pour maintenir ses feuilles devient alors trop lourde et il va s'en débarrasser, décrypte Jérôme Garcia. La chute des feuilles se fait progressivement, contrairement à ce qu'il se passe en cas de stress hydrique, il perd alors son feuillage plus rapidement".
Les forêts des Pyrénées sont entrées dans cette phase, comme on peut le voir sur la vidéo.
Moins de soleil, plus de couleurs
Le dépérissement des feuilles est directement lié à la baisse de l'ensoleillement et partiellement, dans une moindre mesure, à la baisse des températures. L'arbre va boucher ses vaisseaux de sève et petit à petit, les pigments chlorophyliens vont disparaître.
"Les pigments jaunes et orangés étaient déjà présents, mais il ne reste qu'eux, explique le représentant du Conservatoire botanique. Le vert s'estompe et fait ainsi place à ces couleurs extraordinaires. Se faisant, l'arbre récupère tous les sucres possibles et tombe en dormance. Les quantités de pigments varient d'une espèce à l'autre, d'une feuille à l'autre, selon l'exposition au soleil. Le pigment rouge, lui, par contre n'était pas présent dans la feuille. Il apparaît avec l'arrivée du froid sur certains érables ou les chênes rouges par exemple".
Une usine à produire du sucre
Le phénomène de la photosynthèse est essentiel à la vie. C'est un processus qui, en captant le CO2 de l'air va fabriquer de la matière carbonée et rejeter de l'oxygène dans l'atmosphère. Grâce à la photosynthèse, l'arbre fabrique du glucose qui est à l'origine de la cellulose. Ce mécanisme est valable pour tous les végétaux. "La feuille est une usine à produire du sucre que l'arbre va utiliser pour sa construction, l'épaississement de son tronc, la croissance de ses racines et la génèse de nouvelles feuilles", précise Jérôme Garcia.
"Concrètement, il y a une sève ascendante chargée en eau et en sels minéraux et une sève descendante, celle qui est à l'oeuvre à cette saison. Elle va partir de la feuille pour nourrir les organes de l'arbre. C'est ce qui constitue le sirop d'érable d'ailleurs, une sève qui cicule et va permettre sa croissance en hauteur, en profondeur et en épaisseur".
"A la Sainte-Catherine"
L'automne est une période essentielle pour l'arbre qui va assimiler les réserves de sucre accumulées au cours de l'été et les stocker. "Il va grandir mais aussi en mettre en réserve des nutriments dans ses parties souterraines, précise Jérôme Garcia. Les racines se développent en hiver. C'est de ce processus que s'inspire le proverbe "A la Sainte-Catherine, tout arbre prend racine". Il n'y a ni stress hydrique, ni mouvement de sève. L'arbre est en sommeil mais ses racines continuent de croître".
Un autre phénomène important se passe sous nos yeux et sous nos pieds... "On marche à l'automne sur des tapis de feuilles et au printemps, on a l'impression que ce tapis a complètement disparu. L'arbre a recyclé ses propres feuilles, il a cette capacité de fertiliser le sol sur lequel il pousse. Les feuilles se décomposent en une litière fragmentée par les insectes, les vers de terre. Les champignons assimilent et décomposent aussi la matière. Et au fur et à mesure, la microfaune du sol, avec les acariens notamment, mais aussi toutes sortes de micro-organismes, produit du compost disponible pour les racines".
Si parfois les explications scientifiques des phénomènes semblent éteindre leur magie, la "vie intérieure" de l'arbre ainsi mise en lumière contribue à l'émerveillement. L'automne par excellence offre au marcheur un spectacle somptueux et laisse libre cours à son imaginaire, à son ressenti pour reconnaître la vie à l'oeuvre sous ses yeux.