Un ours qui s'introduit dans une bergerie et dévore un agneau : il n'en faut pas plus pour relancer la mobilisation des éleveurs en faveur de "l'effarouchement renforcé". Autorisée à titre expérimental puis interdite par le Conseil d'Etat, le ministère lance un débat autour de cette méthode.
Dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 avril derniers un ours a réussi à s'introduire dans la bergerie d'une éleveuse à Lançon (Hautes-Pyrénées), a dévoré un agneau et blessé une brebis qui a dû être euthanasiée.
Pour les éleveurs, les circonstances de cette attaque dans un bâtiment fermé, à seulement 50 mètres des habitations, démontrent une aggravation de la menace que certains ours réintroduits dans le massif des Pyrénées font peser sur les troupeaux de brebis.
Il n'en fallait pas plus pour que soit relancé le débat sur les méthodes d'effarouchement utilisées pour éloigner les ours des troupeaux.
La première méthode, celle dite de "l'effarouchement simple", emploie trois techniques différentes :
- les effets sonores, tels que des cloches, des sifflets, de puissantes cornes de brume, et même des explosions de pétards
- les effets lumineux grâce à l'usage de torches, de phares et de signaux lumineux de toutes natures
- enfin les moyens olfactifs car l'odorat d'un ours est supérieur à celui d'un chien.
La seconde méthode, dite de "l'effarouchement renforcé", inclut le recours à des tirs non létaux - par exemple avec des balles en plastique. Elle avait été autorisée en juin 2019 à titre expérimental - autorisation renouvelée en juin 2020 - et quatre estives avaient pu bénéficier de l'usage de cet effarouchement renforcé dans le département de l'Ariège.
On s'aperçoit que ça a eu quand-même une certaine efficacité, surtout par rapport aux autres méthodes qui sont très peu efficaces. Après, ça n'a pas été suffisant pour avoir des résultats vraiment concluant mais on a vu une amélioration dans les estives où il a été utilisé.
Une dizaine d'associations favorables à la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées s'étaient alors mobilisées contre l'usage de ces "tirs non létaux" : dès le mois d'octobre 2020 le préfet des Hautes-Pyrénées avait mis fin à cette expérimentation.
En Occitanie il restait les départements d'Ariège et de Haute-Garonne : saisi par ces associations, le conseil d'Etat a annulé cette mesure le 4 février dernier en s'appuyant sur le fait qu'elle risque de porter atteinte "au maintien des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle et de compromettre l'amélioration de l'état de l'espèce".
Cette décision avait satisfait les associations de défense de l'ours, qui prônent d'autres méthodes de protection.
Il existe des solutions alternatives : le gardiennage permanent des troupeaux, y compris avec le recours à des chiens de bergers, et le rassemblement nocturne des troupeaux, si possible dans des enclos équipés de clôtures électrifiées.
Ces méthodes, prônées par les défenseurs des ours, sont déjà largement pratiquées du côté espagnol des Pyrénées ; en revanche du côté français, et ariégeois en premier lieu, on objecte le coût qu'entraîneraient de telles installations.
Dans l'attente de trouver une solution pour aider les éleveurs à s'équiper et face à l'augmentation des attaques d'ours dans les estives ces dernières années, la pratique de "l'effarouchement renforcé" pourrait cependant être à nouveau autorisée par un arrêté ministériel : l'Etat vient de lancer une consultation publique à ce sujet.
Manifester pour maintenir la pression
La profession pastorale propose d'encadrer son usage et de le réserver aux agents de l'OFB : elle espère que le débat lancé par le ministère va être rondement mené, de façon à être fixée d'ici la montée dans les estives, à la sortie du printemps.
Dans le même temps une manifestation est organisée ce jeudi 29 avril à 10H30 à Arreau (Hautes-Pyrénées) : elle a pour but de réclamer des mesures de neutralisation de l'ours Goïat, soupçonné d'être l'auteur des dernières attaques contre des brebis ; il est considéré comme beaucoup plus carnivore que ses congénères et il n'est plus possible de le suivre à la trace depuis qu'il n'est plus équipé de son collier GPS.
Les organisateurs comptent sur une forte mobilisation pour maintenir la pression sur les pouvoirs publics.