Procès de la "démembreuse" de Toulouse : qui est l'accusée, Sophie Masala ?

Lundi 21 octobre 2019, premier jour du procès de Sophie Masala, enquêtrice de personnalité et experts psychiatriques ont témoigné à la barre, pour tenter de dresser le portrait de l'accusée, poursuivie pour avoir tué et démembré sa collègue de travail, Maryline Planche, en 2016, à Toulouse.

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La question est sur toutes les lèvres, depuis ce matin : mais qui est donc cette femme, qui comparaît devant la cour d'assises de Toulouse du 21 au 25 octobre 2019 pour avoir tué et découpé en morceaux sa collègue de travail ?

Sophie Masala est âgée de 55 ans. Vêtue d'un tailleur-pantalon sombre, la chevelure rousse, elle est apparue calme et maîtresse d'elle-même en entrant dans le box des accusés. Pendant plusieurs heures, elle a entendu - et les jurés avec elle - parler de sa vie, de sa personnalité, de ses défauts et de ses échecs.

Un drame familial

Sophie Masala est née en 1964, à Valenciennes, dans le Nord. Elle est l'aînée d'une grande fratrie. Son père et sa mère ne s'entendent guère, les disputes sont nombreuses, au point que les gendarmes doivent parfois intervenir. Sa mère multiplie les aventures, son père lui apparaît triste et en retrait.

Ce père, justement, se suicide par pendaison quand elle a dix ans. Ce serait elle qui aurait découvert le corps. Mais elle dit avoir "zappé" ce drame pendant de nombreuses années. La mère se remarie, a un sixième enfant. Son nouveau compagnon adopte ses enfants, qu'elle oblige donc à changer de nom. Un premier traumatisme.

La mère continue d'avoir des aventures extra-conjugales, une "activité débordante" selon les termes prudents de maître Georges Catala, avocat de la famille de la victime. Elle fait de sa fille sa complice, tout en entretenant avec elle des relations "détestables". Sophie Masala s'occupe beaucoup de ses frères et soeurs, elle en sacrifie sa scolarité. Au point de ne pas passer son baccalauréat. Deuxième traumatisme.

Rupture

Puis c'est le départ vers le sud de la France, l'Hérault, où elle rencontre son futur mari. Elle a vingt ans. Son compagnon déteste sa belle-famille. De plus, de menus larcins dans l'entourage de Sophie Masala sont imputés à la jeune femme. C'est la rupture entre l'accusée et sa famille.

Malgré cela, Sophie Masala poursuit son chemin.  Elle devient mère : une fille en 1988. Et un fils en 1994. 

Le couple va de petit boulot en petit boulot jusqu'à ce que Sophie Masala décroche, pour son mari, un emploi de concierge à la faculté de médecine de Montpellier. Le logement est gratuit, la famille s'en sort mieux financièrement. Seulement voilà, Sophie Masala a un "problème avec l'argent". Elle qui est maniaque, hyper ordonnée, dépense sans compter. Pour elle et pour les autres. Elle aime les jeux d'argent. 

Un problème d'argent

Alors qu'elle bénéficie d'un contrat aidé à la faculté de médecine de Montpellier qui se transforme plus tard en CDI, elle détourne une grosse somme d'argent, plus de 35 000 euros. Sophie Masala se fait pincer et est condamnée par le tribunal correctionnel de Montpellier pour vol et falsification à une peine de prison commuée en placement à domicile sous contrôle d'un bracelet électronique. Les ennuis financiers sont de retour, car il va falloir rembourser.

C'est là que Sophie Masala, au gré d'une discussion avec une amie, décide de devenir call-girl. Pour des raisons d'argent, mais aussi, peut-être, parce que sa relation avec son mari s'étiole. "Elle n'est pas heureuse, se plaint d'être étouffée, ils vivent en vase clos", explique l'enquêtrice de personnalité. 
Avec l'accord de son mari, elle loue un studio à Carnon, près de Montpellier. Elle y reçoit des hommes, pour des relations tarifées. Une caméra est installée pour sa sécurité, dit-elle. Le "commerce" dure près d'un an.

Un nouveau départ

Puis à 47 ans, on est en 2011, Sophie Masala décide de reprendre ses études. Elle qui reste sans doute meurtrie de son échec va passer un bac professionnel, puis un BTS en alternance. Elle est recrutée par l'Agefiph, une association qui oeuvre pour l'insertion des handicapés. Sophie Masala est désormais conseillère en prestation. Tout comme sa future victime, Maryline Planche. 

De fil en aiguille, Sophie Masala passe un concours : la place est à Toulouse. Elle s'y installe en novembre 2015. Assez rapidement, elle entre en conflit avec Maryline Planche, une collègue d'un an son aînée, très investie dans son travail. Et très appréciée de ses collègues. Sophie Masala va en concevoir du dépit. Puis de la jalousie. Elle a la sensation qu'elle ne va pas pouvoir trouver sa place, elle qui est également très motivée, selon plusieurs témoins. Elle confie à un des deux experts-psychologues : "J'étais le fou sur l'échiquier. Je gênais le roi et la reine [comprendre Maryline Planche et leur supérieur hiérarchique]".

A ce stade du récit de sa vie, Sophie Masala n'a que peu réagi, dans le box des accusés. Parfois, elle secoue un peu la tête, en guise de dénégations. Souvent, elle verse des larmes et s'essuie les yeux rapidement, à l'aide d'un mouchoir qu'elle ne cesse de pétrir. Le plus dur est pourtant encore à venir.

La bascule

En mai 2016, l'accusée est à bout. Elle explique aux enquêteurs puis aux experts qu'elle cherche à se faire licencier. Pour ce faire, elle va monter un "faux vol" de tickets-restaurants. Elle aurait prélevé en effet quatre de ces tickets dans les effets personnels de ses collègues. Pourquoi monter un tel scénario ? Sophie Masala était une menteuse, selon certains des témoins de ce dossier. Elle, maintient cette version.

Alors qu'elle s'apprête à être entendue par sa hiérarchie, au niveau national, Sophie Masala prétexte une rage de dents pour quitter le travail, le 12 mai 2016. En fait, elle aurait pris rendez-vous avec la victime, chez cette dernière. Pour une explication sur leur différend. La suite, c'est une dispute violente, qui tourne au meurtre. Puis, une tentative de maquillage du meurtre en suicide. Puis un démembrement et une dispersion des morceaux du corps de la victime dans le canal du Midi. 

Sophie Masala a-t-elle tendu un piège à sa collègue ? La chronologie est troublante mais l'assassinat n'a pas été retenu, l'accusée est donc aujourd'hui jugée pour meurtre et dissimulation de preuves. 

Les experts sont formels : Sophie Masala est d'intelligence normale et ne présente aucun signe de troubles psychiatriques. En revanche, elle est immature. "Elle présente un défaut de contrôle pulsionnel", explique le deuxième expert-psychiatrique, "elle est d'un égocentrisme maladif". 

Lors des premières expertises, Sophie Masala n'a exprimé aucun remord, expliquant au contraire que Maryline Planche avait fait d'elle "une mauvaise personne". Pour elle, sa collègue présentait un visage lisse et parfait, tout comme sa mère, mais "cela était faux". Plus tard, elle a montré des signes qu'elle avait évolué : "Elle sait qu'elle va être lourdement condamnée", a témoigné un des experts-psychiatres. "Elle nous a dit : "J'espère que les années de condamnation vont m'aider à changer". 

Le président de la cour d'assises Michel Huyette, lui, a demandé à deux reprises aux témoins : "Comment un ressentiment, basé sur un désaccord banal, peut-il aboutir à une telle haine ?
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