Victorieux du deuxième grand globe de sa carrière jeudi à Sotchi, Martin Fourcade est un "athlète d'exception", aux dires de son entraîneur, qui aurait pu échapper à l'histoire du biathlon mondial sans l'exemple de son frère aîné Simon.
VTT, hockey sur glace, athlétisme, judo...: le natif du Céret (sud-ouest), qui a grandi avec ses frères Simon et Brice dans le village de La Llagonne (son père Marcel en est l'actuel maire) dans les Pyrénées, a tout essayé avant de suivre les traces du grand frère, couronné chez les juniors.
"Cette enfance m'a permis d'aimer la nature et de tisser des liens privilégiés avec mes frères", assure Martin qui a suivi Simon en s'exilant à 15 ans dans les Alpes. Mais, lassé des heures de bus entre l'Isère (sud-est) et les Pyrénées et en manque de famille et amis, l'adolescent a fait marche arrière.
La deuxième tentative en 2005, dans le Jura (est) cette fois, fut la bonne. "J'ai tout fait pour montrer que j'en étais capable, même si mes parents ne m'ont jamais poussé", se souvient-il, trouvant un équilibre avec l'encadrement de l'équipe de France qui a vite repéré ses capacités physiques "hors normes" et sa vitesse sur les skis.
"Il faisait des trucs comme je n'en avais jamais vu chez des jeunes. Je savais qu'on tenait un tout bon. De là à dire qu'il aurait ce palmarès à 24 ans...", se délecte encore le coach Stéphane Bouthiaux qui a vu arriver l'adolescent freluquet en 2006 dans le pôle France.
"On a fait un gros travail de développement musculaire. Et si son niveau n'était pas bon au tir, tout a changé quand il s'est vraiment décidé pour le biathlon, car le potentiel était là", explique l'entraineur.
Le Catalan est un homme de défis
S'il a appris la rigueur auprès de son frère, le Catalan a gardé une espèce de nonchalance que lui préfère qualifier d'insouciance. Le biathlon, il aime ça. "Mais ce n'est pas toute ma vie. Il faut prendre ça comme un jeu", aime à répéter cet excellent communicant, qui rêvait après le Bac de devenir journaliste.
"On a l'impression que le stress et l'importance de l'enjeu, ça lui glisse dessus", estime Bouthiaux, toujours émerveillé par ces qualités qui ont permis au champion de totaliser, à 24 ans seulement, 5 titres mondiaux pour un total de 12 médailles après le quintuplé à l'édition 2013 le mois dernier en Moravie (Rép.tchèque).
"Il y a dix ans, il ne serait pas descendu du podium, affirme le coach. Je n'aime pas comparer avec le passé mais, avec sa puissance, je pense que c'est le meilleur de tous les temps, avec Svendsen", son grand rival norvégien, quadruple champion du monde 2013.
Il peut dès cette saison faire une razzia sur les globes de la Coupe du monde, un Grand Chelem seulement réussi par son compatriote Raphaël Poirée (2004). Mais il n'aura jamais le palmarès d'Ole Einar Bjoerndalen car il ne se voit pas courir jusqu'à 40 ans comme le légendaire norvégien (11 médailles olympiques, dont six en or, 18 titres mondiaux).
Parce que Martin a d'autres projets dans la vie. Qu'il aime les nouveaux défis comme cette aventure en ski de fond, avortée pour les Mondiaux-2013 mais toujours en tête pour les JO de Sotchi.
Mais 2014 sera surtout l'année de la conquête de l'or olympique de biathlon qui manque au tableau de chasse du médaillé d'argent de Vancouver. Avant peut-être de s'offrir une parenthèse en Norvège avec sa compagne.