Le mémorial-musée de Rivesaltes ouvrira le 11 juin 2015 à 11 heures

Au milieu des baraques délabrées du camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), un mémorial-musée est en chantier. Il racontera en 2015 comment la France interna en ce lieu Espagnols et Tsiganes, puis des Juifs étrangers qui de là furent déportés, avant d'y regrouper les harkis d'Algérie.

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A quelques kilomètres de Perpignan, les baraquements en ruines s'alignent à perte de vue. Les vestiges de latrines de plein air bordent des allées envahies par les ronces.
"On se retrouve au milieu de fantômes. L'émotion vient du lieu lui-même", dit le président du conseil scientifique du mémorial, l'historien Denis Peschanski.
En 1940, le directeur général de la Sûreté nationale du régime de Vichy demandait que les étrangers "indésirables" soient rassemblés au camp militaire Joffre de Rivesaltes.
"C'étaient des personnes à enfermer, non pas pour des crimes et délits qu'elles avaient pu commettre mais pour le danger potentiel qu'elles représentaient", dit M. Peschanski.
Vaincus de la guerre civile dans leur pays, les réfugiés républicains espagnols furent les premiers internés, rejoints par des Juifs étrangers et des centaines de Tsiganes.

De janvier 1941 à novembre 1942, 21.000 personnes vivent ou survivent là, sous contrôle.
Dans les baraques numérotées, on dort sur de la paille, sans chauffage ni isolation.
Les hommes sont séparés des femmes et des enfants. Règnent "le froid, la peur, la faim", selon les témoins.
  
Une antichambre d'Auschwitz

En août 1942, il n'y a pas encore un seul soldat allemand dans la zone sud, mais Vichy accepte de déporter les Juifs de la région. 6.500 Juifs étrangers sont rassemblés à Rivesaltes, dans des îlots ceints de barbelés.
En deux mois, 2.313 d'entre eux - dont 209 enfants - sont déportés en wagons à bestiaux vers le camp d'extermination d'Auschwitz (Pologne).
Lors de la guerre d'Algérie (1956-1962), des conscrits français passent par le camp, des indépendantistes algériens y sont détenus. A partir de 1962, on y "rapatrie" 20.000 ex-supplétifs qui s'étaient engagés avec l'armée française: des harkis et leurs familles rassemblés sous des tentes puis dans les anciennes baraques réaménagées
en unités d'habitation sommaires.
Aujourd'hui, deux grues attirent l'attention sur une partie du camp. Au-dessous, un long rectangle de béton ocre apparaît, à demi enterré: le futur musée-mémorial de 4.000 mètres carré.
"On avait fait appel aux plus grands architectes au monde. Ils imaginaient des superstructures qui rivalisaient avec le site et les baraques. La force du projet de Rudy Ricciotti, retenu en 2005, c'est de s'effacer", commente le président socialiste de la Région, Christian Bourquin. 

Pour éviter l'impression d'un parc d'attractions mémoriel, les 80 baraques restantes ne seront pas rénovées, simplement confortées, et deux seulement seront reconstituées.
  
Un mémorial contre l'oubli

Le coût de 23 millions est pris en charge aux 2/3 par la Région et pour 1/3 par le département. Un fonds de dotation a été créé pour capter des financements du mécénat privé.
"J'ai sauvé ce site", aime à dire M. Bourquin, assurant avoir eu, en 1998, "le courage politique de s'opposer à la destruction du camp quand les bulldozers de l'armée étaient prêts à le raser". Le conseil général qu'il présidait alors avait racheté les 42 hectares de l'îlot F 
L'armée reste toujours propriétaire d'une vaste partie du camp, pour des entraînements de haut niveau top secret, dit-il, au côté d'une pépinière d'entreprises et peut-être, un jour, d'une gare TGV.
Quant au musée-mémorial, il ouvrira au public "le 11 juin 2015 à 11 heures", annonce M. Bourquin.
A ses détracteurs qui jugent le projet cher et démesuré ou redoutent un business de la mémoire, le sénateur répond: "à la Région, on a encore quelques sous pour se payer ce qu'on veut". S'il est persuadé que les touristes afflueront sur le
site, il dit "l'avoir fait avant tout pour la France", afin de ne pas "oublier ce trou noir de son histoire".

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