La réserve naturelle de Cerbère-Banyuls dans les Pyrénées-Orientales fête ses cinquante ans. Le bel âge pour ce paradis maritime qui envisage doubler sa surface. Une bonne nouvelle pour la préservation de la flore et de la faune sous-marines, mais qui inquiète les professionnels de la plongée.
Elle est née le 26 février 1974. La réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls a 50 ans, elle est en pleine forme et elle n'a peut-être pas fini sa croissance. Elle abrite plus de 1 200 espèces animales et au moins 500 végétaux différents. Ce site 100% marin s'étend actuellement sur 650 hectares. Les règles de protection en vigueur dans ce milieu marin ont prouvé leur efficacité : la vitalité du Mérou, poisson emblématique de la Méditerranée situé en haut de la chaîne alimentaire, en est la preuve.
Menaces
Lors de sa création, son premier conservateur avait éprouvé beaucoup de difficultés pour faire admettre la nécessité de cette réserve naturelle indispensable à la préservation des espèces. "Il y a eu des menaces car on enlevait un espace de liberté aux usagers. C'est du moins, la manière dont ils le ressentaient. Aujourd'hui, on prend le relais et on va essayer de faire en sorte qu'elle se développe encore plus", explique Frédéric Cadène, conservateur de la réserve.
Un laboratoire à ciel ouvert
"Quand on protège un milieu et ses habitats et ses espèces, ça fonctionne, poursuit Philippe Lenfant, professeur d'écologie marine à l'université de Perpignan, lors de notre émission Dimanche en politique consacré à la réserve naturelle.
"Lorsque l'on a des agents de protection sur le terrain, non seulement ça marche mais cela s'exporte même c’est-à-dire que ça quitte les limites de la réserve pour des bénéfices. Au début, on avait des mérous dans la partie centrale qui était la seule protégée. Au fil des années, on a constaté que tout cela progressait vers la réserve partielle où les activités sont réglementées, on a vu des espèces réutiliser les espaces, ce dont les plongeurs profitent tous les jours", indique Philippe Lenfant, professeur d'écologie marine à l'université de Perpignan.
Surface doublée
Le département des Pyrénées-Orientales a souhaité doubler sa surface et créer, dans ce nouveau périmètre, deux zones de protection renforcée supplémentaires.
"On veut l'agrandir pour plusieurs raisons. Les constats des scientifiques très positifs par rapport à la biodiversité. Les mérous sont de plus en plus nombreux. La faune et la flore se développent bien et en agrandissant, on peut accentuer cette dimension-là. À l’issue de la concertation citoyenne avec les usagers, les pêcheurs, les plongeurs, les activités nautiques, on a décidé de doubler la surface de la réserve", explique Hermeline Malherbe, présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales.
Résultats probants
Doubler la surface de la réserve, ce serait la moindre des choses pour Philippe Lenfant : "Moins d'un doublement, la masse critique n'était pas suffisante d'autant plus qu'on a un modèle qui fonctionne bien, depuis plus de 30 ans, d'autres scientifiques que ceux de l'université de Perpignan, le disent. C'est la bonne échelle avec des résultats rapides : en l'espace de 10-20 ans, on a déjà des résultats très intéressants".
Programmes transfrontaliers
Des programmes transfrontaliers sont mis en œuvre avec l'Espagne, ils s'attachent à l'étude des déplacements de poissons. "On essaie de voir si ces aires marines protégées (dont celle se trouvant côté espagnol) fonctionnent en réseau."
Grâce à des émetteurs, on s'aperçoit que les poissons utilisent ces aires protégées pour s'arrêter, parfois se reproduire comme c'est le cas pour le mérou à Banyuls.
Philippe Lenfant, professeur d'écologie marine à l'université de Perpignan
Un projet d'extension qui ne fait pas l'unanimité
Mais ce projet d'extension, indispensable pour préserver le milieu selon les scientifiques et qui a fait l'objet de plus d'un an de concertation avec les usagers, ne fait pas forcément l'unanimité, certains plaisanciers ou pêcheurs de loisirs redoutent ce qu'ils considèrent comme la mise sous cloche de ce milieu naturel.
L'extension de la réserve naturelle doit encore être validée par l'État. Elle s'étendrait sur 1 600 hectares contre 650 actuellement. Au nord, elle irait jusqu'au Cap Bear au nord, et jusqu'au Cap Cerbère au sud. Des zones de protection renforcée seraient aussi ajoutées. Ce qui limiterait l'activité humaine.
L'inquiétude des pêcheurs
Également impactés, les pêcheurs de loisirs. Seules 1 000 autorisations leur sont délivrées chaque année. Pour eux, le projet favorise la pêche professionnelle. "Les professionnels ont la capacité de mettre trois fois 750 mètres de filets maillants qui prennent à l'aveugle les poissons. Ils peuvent aussi mettre 2000 pots pour attraper des poulpes. Ils peuvent pêcher la nuit alors qu’un plaisancier n'a droit qu'à trois hameçons et à pêcher le jour", regrette Pierre Homs, pêcheur de loisirs à Cerbère.
Ces derniers acteurs de la réserve proposent une alternative. Une réserve intégrale sur la zone déjà classée pour qu'aucune activité humaine n'impacte la biodiversité.