Peu avant l'ouverture du procès de la conductrice du car percuté par un train le 14 décembre 2017 à Millas (Pyrénées-Orientales), les parents de deux des six victimes nous livrent leurs attentes.
Le silence. Comme une sorte de recueillement. C'est ce qui frappe lorsque l'on franchit les grilles de la caserne du Muy. Une ancienne caserne de pompiers prévue pour les procès hors norme. Dans la cour, autour de l'immense salle reconstituée pour ce procès, les familles des victimes arrivent discrètement. Dans un silence de cathédrale, la présidente prend la parole d'une voix douce. " Cela va faire 5 ans que vous attendez ou redoutez ce procès. Il ne se tient pas à Perpignan, ce qui rajoute de la frustration et de la douleur à la douleur".
Expliquer
La magistrate explique ensuite pourquoi ce procès se tient à Marseille : "Millas est un accident collectif qui a mobilisé jusqu'au bureau du 1er Ministre. Je veux expliquer les choses simplement et en feuilletant ce dossier terrible, je me suis attardée sur les conséquences de cet accident qui a nécessité des moyens très importants, une habilitation nécessaire des magistrats et une audience lors de laquelle nous pourrons écouter tous les experts. Ce sera une audience particulière, douloureuse des deux côtés de la barre", a-t-elle poursuivi en rappelant la présence de psychologues et de chiens d'assistance judiciaire.
L'objectif de cette audience si délicate : rendre une décision claire compréhensible et loyale. A défaut de vous faire oublier, cette audience doit vous permettre de voir comment la justice est rendue en votre nom et vous permettre de trouver des réponses, à défaut d'effacer ce drame.
Céline BalleriniPrésidente du procès
La présidente appelle ensuite Nadine Oliveira, la conductrice du bus. Elle sera seule sur le banc des prévenus. Elle sera jugée pour trois semaines pour homicides et blessures involontaires.
Les juges qui ont instruit l'affaire sont convaincus de sa responsabilité et qu'"en tant que conductrice du car, par imprudence, inattention, maladresse négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, elle a franchi le passage à niveau fermé et forcé la demi-barrière alors qu'un train express régional arrivait".
Costume noir à fines rayures, cheveux mi-longs châtains, la conductrice, âgée de 53 ans s'avance à la barre et décline son identité d'une voix douce. Elle n'est pas dans le box car elle comparaît libre mais assise au premier rang de l'immense salle d'audience.
"Je voudrais dire l'émotion qui est la nôtre. Ce dossier a ôté la vie à six enfants et brisé la vie de nombreux autres.
Chez Nadine Oliveira, il ne s'est pas passé un seul jour ou une seule nuit sans que cet accident ne soit dans son esprit.
Jean CodognèsAvocat de la conductrice du bus
Respect
Avant de prendre place, blotties sur les bancs des parties civiles, les familles des jeunes victimes ont livré leur sentiment.
Je veux que l'on respecte les victimes. Aujourd'hui c'est l'angoisse. L'inconnu. On doit affronter le regard de la conductrice. On veut qu'elle s'excuse. Qu'elle demande pardon.
Loïc BourgeonnierPère de Loïc, décédé dans l'accident
Stéphane Mathieu aussi est présent à Marseille plutôt qu'à Perpignan ou le procès est retransmis. Sa fille, Ophélia a aussi été tuée au cours de l'accident :"C'est vital de venir ici. Pour Ophélia. Ce procès ne nous rendra pas Ophélia. Le deuil, on ne le fera jamais, c'est pas possible.
Ici on va parler d'Ophélia, on va lui rendre hommage. Ophélia c'était ma petite princesse.
Stéphane MathieuPère d'Ophélia, victime de l'accident
Ce procès, on l'attend et on le redoute", a ajouté le père de famille avant d'entrer dans l'immense salle toujours silencieuse. Un silence seulement brisé au loin par des cris de bébé.