Le leader indépendantiste a été arrêté le dimanche 25 mars par la police allemande. En Espagne, Carles Puigdemont est accusé de "rébellion" et "détournement de fonds".
Ce mardi 3 avril, la justice allemande a fait un premier pas vers une extradition de l’ex-président catalan Carles Puigdemont vers l’Espagne. Les réquisitions du parquet allemand, qui a validé l'accusation de "rébellion" avancée par Madrid, vont en effet dans ce sens.
Le procureur général de l'Etat régional de Schleswig-Holstein, où l'indépendantiste est incarcéré depuis une dizaine de jours, a reconnu la validité en droit allemand des deux chefs d'inculpation de la justice espagnole de "rébellion" et "détournement de fonds" et demandé son maintien en détention en vue de l'extradition.
La décision finale devra être prise par un tribunal local compétent, à Schleswig, la justice ayant au total 60 jours pour examiner le dossier.
Après une "évaluation détaillée du mandat d'arrêt européen" lancé par le justice espagnole le 23 mars, le parquet allemand a estimé qu'une telle demande "était recevable" et justifiait le "maintien en détention" de M. Puigdemont en raison du "risque de fuite".
L'ancien président catalan, destitué par le gouvernement de Madrid après la vaine déclaration unilatérale d'indépendance de la Catalogne le 27 octobre, a été interpellé fin mars dans le nord de l'Allemagne. Il revenait d'un déplacement en Finlande, en voiture, pour retourner en Belgique où il s'est installé pour échapper à la justice espagnole.
Depuis, il est détenu dans la ville allemande de Neumünster, dans le nord du pays.
"Haute trahison"
De manière significative, le parquet a repris à son compte dans ses réquisitions les deux principales accusations de la justice espagnole, estimant qu'elles étaient recevables au regard du droit allemand.
Puigdemont est poursuivi dans son pays à la fois pour "détournements de fonds" publics pour avoir organisé un référendum jugé illégitime par Madrid, dont le coût a été estimé par la justice espagnole à 1,6 million d'euros, mais surtout pour "rébellion" suite à la déclaration d'indépendance.
Une incertitude subsiste sur le fait de savoir si la justice allemande va reconnaître la rébellion, qui stricto sensu n'existe pas dans son droit national.
Le parquet a donné une possible indication de la direction vers laquelle penchent les magistrats allemands. Il a jugé que l'accusation de "rébellion" se rapprochait de celle de "haute trahison" figurant dans le code pénal national et qu'une équivalence exacte n'était pas nécessaire pour procéder à une extradition.
Ce qualificatif peut selon lui être retenu du simple fait que les organisateurs du référendum d'indépendance de la Catalogne l'ont fait en dépit de l'opposition de la Cour constitutionnelle espagnole et des risques avérés de violence que cela pouvait engendrer.
Malgré ces avertissements, "le gouvernement autonome catalan, y compris son président aujourd'hui poursuivi, ont décidé d'organiser le référendum", souligne le parquet
allemand.
"Prisonnier politique"
Minorant ces réquisitions, l'avocat de Carles Puigdemont, Jaume Alonso-Cuevillas, les a jugées "prévisibles", au micro de la radio catalane Rac1: "Il aurait été tout à fait exceptionnel que le parquet dise que la demande (d'extradition) n'était pas recevable".
Selon lui, "le parquet allemand assume la défense de l'Etat espagnol".
"Ce cas est exceptionnel pour l'importance qu'il revêt, ses implications politiques, toutes les atteintes aux droits fondamentaux dont nous prouverons qu'elles se sont produites dans l'Etat espagnol", a-t-il estimé.
Jusqu'à 30 ans de prison
"Puigdemont va très bien", a par ailleurs assuré l'avocat qui lui avait rendu visite en prison la semaine dernière, et il est "très clair pour lui qu'il n'a pas commis de rébellion ni incité à la violence et qu'il est un prisonnier politique".
Pour éviter une extradition sous ce chef d'inculpation, passible de peines allant jusqu'à 30 ans d'incarcération en Espagne, M. Puigdemont avait présenté lundi en Espagne un recours contre son inculpation pour "rébellion", soulignant l'absence de violence dans ses actes.
En partant à l'étranger M. Puigdemont et six autres indépendantistes ont échappé aux poursuites en Espagne et cherché à "internationaliser" leur cause en impliquant d'autres pays européens.
Neuf indépendantistes sont actuellement en détention provisoire en Espagne, dont six membres de son exécutif et l'ancienne présidente du parlement catalan.