Coronavirus : aller-retour express en Espagne malgré les frontières fermées, une journaliste raconte son "périple"

Depuis lundi 16 mars minuit, les frontières avec l'Espagne sont partiellement fermées. Désormais l'entrée sur le territoire est strictement contrôlée. L'une de nos consoeurs a fait un aller-retour mardi dans la journée, pour récupérer deux étudiantes dont sa fille, elle nous décrit son parcours.

Traverser la frontière espagnole en pleine épidémie de coronavirus, c'est devenu quasiment impossible. En effet, l'Espagne a pris des mesures drastiques pour enrayer la contagion sur son territoire, depuis lundi 16 mars à minuit, l'entrée en Espagne est filtrée.

Désormais il faut un motif valable pour traverser la frontière. Les agents de la Guardia Civil et les Mossos d'Esquadra contrôlent systématiquement tous les véhicules. 

 



A la frontière française,  un point de contrôle a été instauré par les autorités : juste avant la barrière de péage, La Jonquera. C'est par celui-ci qu'une de nos collègues journaliste, Sandrine, a traversé la frontière. L'objet de son voyage : récupérer deux étudiantes françaises rapatriées du Mexique, dont sa fille, à l'aéroport de Barcelone.
 

J-1 - Branle-bas de combat 

Arrivée au Mexique pour un échange universitaire, en juillet dernier, Eléonore est étudiante à Science-Po Lyon. C'est en juin prochain que son échange devait se terminer, mais c'était sans compter l'épidémie de coronavirus qui paralyse maintenant de nombreux pays. 

"Tout s'est précipité lundi, quand un contact (d'ordre diplomatique) que j'ai au Mexique m'a dit qu'il fallait que je fasse rentrer ma fille, le plus vite possible", explique Sandrine. Une information qui aura fini de convaincre Sandrine et Denis, les parents d'Eléonore : leur fille devait désormais rejoindre le plus vite possible la France, et ils feraient tout pour y parvenir. 

"Si on a pris cette décision c'est avant tout parce qu'on fait confiance au système de santé français que l'on connaît beaucoup mieux. S'il arrivait quelque chose à notre fille là-bàs, ce serait très difficile à gérer à distance. Et puis les assurances ne couvrent pas les pandémies", détaille la maman. 

C'est alors en catastrophe qu'Eléonore, âgée de 19 ans, et une de ses amies, Charlotte, également en échange au Mexique,  réservent un billet d'avion. La meilleure alternative trouvée par Denis pour le voyage est un vol direct pour Barcelone. Les vols pour Paris transitant par les Etats-Unis, le risque d'y être bloqué était trop important.

En seulement quelques heures, Eléonore et Charlotte rassemblent toutes leurs affaires. Un départ précipité et forcé qu'elles vivent avec émotion - elles sont encore bien loin d'imaginer la situation en France - mais la raison prend le dessus. A 20h (heure locale du Mexique), elles décollent de Mexico, l'arrivée à Barcelone est prévue pour 13h30 le lendemain. 

De leur côté Sandrine et Denis, préparent l'arrivée de leur fille. Toutes les solutions sont étudiées pour le trajet Barcelone-Montpellier (train, bus, covoiturage), mais face à la gravité de la situation, l'aller-retour en voiture leur paraît le plus raisonnable. C'est Sandrine qui fera le voyage - inutile de partir à deux - avec une motivation en tête : retrouver sa fille. 
 

9H - Départ sceptique de Montpellier 

De nombreux coups de téléphone plus tard, Sandrine a désormais toutes les informations en tête pour son périple. Grâce aux informations du consulat d'Espagne à Perpignan elle sait qu'avec de nombreux justificatifs, elle pourra certainement justifier ce "cas de force majeure" pour traverser la frontière.

"J'ai expliqué ma situation, on m'a dit de tenter. Je me suis dit que si je ne pouvais pas passer, j'attendrai que ma fille traverse la frontière à pied", précise Sandrine. 

Son statut de journaliste la pousse également à contacter nos confrères qui travaillent dans les Pyrénées-Orientales mais également en Espagne : "J'avais toutes les cartes en main, je savais exactement la situation à la frontière mais aussi à l'aéroport de Barcelone". 
 

11H15 - Passage de la frontière réussi


Avec cette nouvelle mesure, seuls les ressortissants espagnols, les résidents en Espagne, les personnes se déplaçant pour "cas de force majeure", les travailleurs transfrontaliers avec certificat de travail et les liaisons diplomatiques sont autorisés à passer la frontière.   

C'est avec peu de conviction que notre journaliste tente malgré tout ce périple aujourd'hui. "Honnêtement, au début je ne pensais pas pouvoir passer la frontière. Mais finalement, j'ai réussi à passer sans problème, il y a très peu de voitures de particuliers mais beaucoup de camions de marchandises, car ils sont autorisés à circuler", confie Sandrine.  

En effet, le transport de marchandises continue lui à circuler afin d'assurer la continuité de l'activité économique et préserver ainsi l'approvisionnement du pays. 

Arrivée au péage de La Jonquera, des justificatifs lui sont demandés. Elle poursuit, "il faut avoir une bonne raison de rentrer donc j'ai montré les justificatifs. J'ai présenté les billets d'avion des personnes que je venais chercher à l'aéroport, leur passeport mais également le mien, et la carte de presse. Ce que voulaient savoir les policiers, c'est si j'allais vite sortir du pays car normalement en tant que française je n'ai pas à rentrer en Espagne, sauf pour faire un aller-retour visiblement". 

 

Une aller-retour express que notre journaliste effectue dans la journée. Lors du contrôle, des mesures d'hygiène strictes sont prises par les forces de l'ordre. "Les policiers avaient des masques et des gants. De mon côté, j'avais interdiction de descendre du véhicule. J'ai mis un masque que j'avais dans la voiture car je pense que c'était plus sécurisant pour tout le monde". 

Finalement, elle pourra reprendre la route, le "cas de force majeure", est validé par les forces de l'ordre. 
 

13H - Arrivée à l'aéroport de Barcelone, désert


Les kilomètres s'enchaînent pour Sandrine qui se dirige désormais en direction de l'aéroport de Barcelone. Sur l'autoroute, elle est frappée par ce message affiché sur de nombreux panneaux. Il fait état du nombre de morts du coronavirus en Espagne. 
 

C'est finalement dans un aéroport quasi-désert que Sandrine arrive. "Le parking était complètement vide, il y avait plus de personnels que de passagers dans l'aéroport. L'ambiance était très silencieuse, on entendait en boucle ce message à propos du coronavirus qui disait aux gens de prendre leurs précautions", décrit la journaliste. 

 
Depuis ces nouvelles mesures drastiques, l'aéroport de Barcelone tourne au ralenti. C'est équipées de masques qu'Eléonore et Charlotte font leur entrée dans l'aéroport. Soulagée, Sandrine retrouve enfin sa fille.

Pour les deux jeunes filles l'arrivée sur le sol français est également signe de délivrance. "J'avais préparé ma fille à ce retour en France. Elle était bien loin d'imaginer ce qui se passait ici. Il fallait que je lui explique que la situation était très délicate. Même si au départ, elle était déçue de rentrer elle s'est vite rendue compte que tous ses amis qui étaient aux quatre coins du monde rentraient également. Elle était rassurée d'être là", ajoute Sandrine.

 

Dans le hall de l'aéroport, elles font la connaissance d'une toulousaine qui revenait également du Mexique. La jeune fille cherche aussi à rejoindre la frontière française pour retrouver sa famille, mais les voitures de location sont hors de prix : 1000€ pour aller jusqu'à Toulouse. Elles fera finalement le voyage avec elles. 
 

16H30 - Second passage de la frontière sans encombre


C'est bien plus chargée qu'à l'aller que Sandrine prend désormais la route en sens inverse pour rejoindre la France. A la frontière, les quatre femmes sont contrôlées. Les passeport sont scrutés par les forces de l'ordre qui vérifient notamment la nationalité des jeunes filles. "Ce qui m'a surpris c'est qu'on ne leur a pas demandé de retracer leurs parcours. Elles auraient pu avoir circulé dans une zone très contaminée", remarque Sandrine. 

Sandrine rejoint finalement Perpignan sans aucune difficulté. Sa première mission est accomplie, les deux jeunes filles qui voyageaient avec elle peuvent retrouver leurs familles. 
 

19H - Fin du périple et retrouvailles


La mère et sa fille reprennent à deux la route pour Montpellier. Sandrine sait qu'elle ne devrait pas à ce moment là circuler. Les mesures de confinement en France étant désormais effectives, elle doit être en possession d'une attestation sur l'honneur qui justifie sa présence sur la route. Une attestation qu'elle avait préparé en amont, au cas où elle croiserait la police française sur la route. Mais finalement elle arrive à Montpellier, sans avoir eu à la sortir. 

"Ma fille était contente d'être rentrée, sur le trajet elle a vraiment pris conscience de la situation en France, en entendant les informations. Elle était loin d'imaginer tout ça. Le soir elle m'a confié qu'elle était soulagée de pouvoir être auprès de ses proches", se réjouit Sandrine. 

Reste désormais de nombreuses interrogations pour Eléonore : Comment suivre les cours à distance avec le décallage horaire du Mexique ? Comment son année va être validée alors qu'elle a du l'interrompre à la moitié du second semestre ? 

Autant de questions qui traversent l'esprit de milliers d'étudiants français actuellement, éparpillés aux quatre coins du monde et qui cherchent à tout prix à retrouver leurs proches. 
 
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