En 1993, Jean-Paul Pelras était arrêté en marge d'une manifestation agricole, qui dénonçait les importations pénalisant l'agriculture du Midi. L'agriculteur passera treize jours en prison. Maintenant écrivain et journaliste, il donne son regard sur la crise agricole actuelle.
Il y a un peu plus de 31 ans, le 8 février 1993, Jean-Paul Pelras sort libre de la maison d'arrêt de Perpignan. L'agriculteur du Roussillon vient de passer treize jours en prison, arrêté à la suite d'une manifestation qui dénonçait, déjà, les importations d'Espagne ou du Maghreb pénalisant les exploitants agricoles du Midi.
En revoyant les images de sa libération, Jean-Paul Pelras voit "beaucoup de souvenirs et de nostalgie" remonter à la surface. Et si "le temps a passé" depuis ces événements, cet ancien agriculteur constate que les problématiques actuelles du monde agricole ressemblent à celles qu'il a connues.
"On avait raison"
"Peut-être qu'il ne faut jamais avoir raison trop tôt ? s'interroge le Roussillonnais. Parce qu'on s'aperçoit qu’on avait raison. Aujourd'hui, ce que vit l'ensemble de l'agriculture française, c'est ce que nous avons vécu en fruits et légumes dans le Midi", il y a trente ans. "On n'a pas forcément été entendus à l'époque, ni par les politiques, ni par les syndicats nationaux", regrette-t-il.
On n'avait pas d'amortisseurs économiques, pas d’aides Pac, on a dû se débrouiller tous seuls. Beaucoup d’agriculteurs ont dû arrêter.
Jean-Paul Pelras, ancien agriculteur roussillonnais
Les agriculteurs roussillonnais s'inquiétaient déjà des effets délétères que pouvaient avoir les importations de pays étrangers sur le marché agricole français. Une problématique que soulèvent actuellement les agriculteurs en colère, inquiets face au libre-échange et la concurrence déloyale de producteurs étrangers, soumis à des normes moins strictes.
Inquiétude pour l'avenir de l'agriculture
Un constat partagé par Jean-Paul Pelras : "On est en train de scier la branche sur laquelle on est assis. Les agriculteurs sont accablés de normes, de charges", dans une économie mondialisée où l'offre la plus basse l'emporte. "Si on continue comme ça, les agriculteurs français vont arrêter de produire", prévient l'ancien maraîcher.
Si on ne les soutient pas un peu au lieu de les emmerder en permanence, les agriculteurs vont envoyer valser par dessus le moulin la profession, et ça sera terminé.
Jean-Paul Pelras, ancien agriculteur roussillonnais
"Si ça arrive, on ne pourra plus se retourner et dire : 'Où sont passés nos agriculteurs ?' Ils auront disparu", assène celui qui "a été paysan, et continue de l'être toute sa vie". Dans le Midi, sur ses terres méditerranéennes, il a déjà constaté la disparition de certaines cultures.
"On est passés de 250 millions de pieds de salade à moins de 30 millions, de 2,5 hectolitres de vin à moins de 400 000... Il y a une érosion de toutes les productions. Mais on le voit dans tout le pays, la friche a remplacé l'agriculture."
Une agriculture à deux vitesses
L'ancien agriculteur déplore à la fois de trop grandes pressions des "environnementalistes" sur le monde agricole, avec une "écologie politicienne", et un gouvernement qui n'en fait pas assez. "Il faut lutter contre les exportations déloyales, mais aussi contre une agriculture à deux vitesses", où les petites exploitations ne sont pas assez soutenues par rapport aux grosses.
Jean-Paul Pelras en appelle alors aux agriculteurs de continuer la lutte. "Il faut que le monde agricole fasse vraiment pression sur le politique." Avant qu'il ne soit, selon lui, trop tard pour préserver la souveraineté agricole française.