Disparues de la gare de Perpignan : 20 ans d'enquête

Le 16 octobre 2014, Jacques Rançon reconnaît le meurtre de Moktaria Chaïb. Son corps avait été découvert le 21 décembre 1997. 20 ans d'enquête, un travail de fourmis, de fausses pistes, d'actes de procédure. Retour sur une enquête hors norme. Le procès de Jacques Rançon s'ouvre ce lundi à Perpignan.

A quelques heures de la fin de sa mesure de garde à vue, Jacques Rançon se décide à passer des aveux circonstanciés au cours de sa sixième et dernière audition. Il est 3 heures du matin, le 16 octobre 2014. Il avoue le meurtre de Moktaria Chaïb, 17 ans plus tôt, le 21 décembre 1997.

Il l'avait vue pour la première fois sur le boulevard Nungesser et Coli, à Perpignan. Sous la menace d'un couteau, il l'avait forcée à se déshabiller. Violée, torturée et mutilée, son corps est retrouvé sur un terrain vague. Jacques Rançon avoue avoir agi par pulsion.

Perpignan traumatisée

C'est la fin d'une énigme qui aura donc duré 17 ans et traumatisé la ville de Perpignan de nombreuses années. Jacques Rançon va avouer quelques mois plus tard le meurtre de Marie-Hélène Gonzalez, 22 ans, dont le corps avait été retrouvé atrocement mutilé le 26 juin 1998.

21 décembre 1997


Le dimanche 21 décembre 1997, vers 8h45, sur un terrain vague de la rue Nugesser et Coli, à Perpignan, un riverain découvre le corps sans vie d'une jeune femme, rapidement identifié comme étant celui de Moktaria Chaîb, une jeune étudiante de 19 ans. Quelques jours plus tard, les chaussures de la victime sont découvertes. Une information judiciaire est ouverte du chef d'assassinat accompagné d'actes de torture et de barbarie. 

La "pratique" de la "découpe"

L'examen médico-légal émet l'hypothèse d'un auteur ayant une expérience dans la pratique de telles mutilations (profession médicale, médico-chirurgicale ou paramédicale, équarisseur, boucher), voir tout sujet ayant la "pratique" de la "découpe", de mutilations rituelles notamment. Un nouvel examen évoque des techniques chirurgicales utilisées en Europe dans les années 1970/1975. 

Fausse piste péruvienne


L'enquête s'oriente rapidement vers un homme de nationalité péruvienne, Andres Palomino Barrios, un chirurgien ayant exercé avec de faux diplômes dans plusieurs hôpitaux, habitant à 400 mètres du lieu de la découverte du corps de Moktaria Chaîb. Il fournit un faux alibi la nuit des faits. Mais après six mois d'incarcération, il est innocenté.

26 juin 1998

Pendant qu'il est derrière les barreaux, un autre meurtre terrorise Perpignan: le 26 juin 1998, le corps de Marie-Hélène Gonzalès, 22 ans, est découvert nu, décapité et amputé. Les enquêteurs effectuent le rapprochement avec le meurtre de Moktaria Chaïb d'autant que là encore, les médecins légistes émettent l'hypothèse d'un auteur ayant l'habitude du maniement d'instruments tranchants-coupants, ainsi qu'un minimum de connaissances anatomiques.

Appels à témoins


Les enquêteurs recueillent des témoignages notamment auprès de chauffeurs de taxis et des riverains du quartier de la gare. Plusieurs appels à témoins sont diffusés dans la presse locale. Un témoin évoque une volkswagen Golf blanche: 500 voitures de ce type sont répertoriées dans les Pyrénées-orientales, tous les propriétaires sont contactés mais aucun élément ne permet de faire avancer l'enquête.



Le meurtre de Marie-Hélène Gonzalez fait l'objet d'un numéro de l'émission "Non élucidé", sur France 2 le 15 janvier 2012. Sans effet. Les enquêteurs procèdent à de nombreuses investigations notamment téléphoniques.

Vaines investigations


Ils exploitent les numéros composés à partir de 26 cabines téléphoniques implantées de la gare de Perpignan à Toulouges où devait se rendre la jeune fille. Comme celles d'Argelès, dans l'hypothèse où elle y aurait pris le train. Ils travaillent également sur les distributeurs de billets du quartier de la gare, entendent les automobilistes clients des stations services avenue Panchot à Perpignan ainsi que les automobilistes et chauffeurs routiers ayant franchi le péage Perpignan-sud. Les investigations s'avèrent vaines.


Suivant toujours la piste du tueur en série, les enquêteurs pensent avoir trouvé le coupable quand Esteban Reig est interpellé à Lyon, le 25 mai 2000, pour le meurtre d'un homme égorgé, décapité et amputé des parties génitales qui ont été suspendues au-dessus de son frigo.

L'Espagnol se trouvait à Perpignan en 1997 mais il n'avouera jamais le meurtre d'une "disparue" et se suicidera en prison en 2002.

Un autre meurtrier


Entre-temps, en février 2001, une autre jeune femme, Fatima Idrahou, est retrouvée morte et violée. On l'ajoute un temps à la liste des disparues de Perpignan, toutes trois brunes. Un gérant de bar, Marc Delpech, est  finalement arrêté et condamné le 18 juin 2004 à 30 ans de réclusion mais pour ce seul meurtre, sans qu'aucun lien ne puisse être établi avec les autres "disparues".


Jacques Rançon entendu au début de l'enquête

Les enquêteurs vont entendre une centaine de personnes connues dans le département pour des infractions à caractère sexuel. Jacques Rançon fait partie de ces suspects. Des vêtements qui ne lui appartenaient pas avaient été saisis chez lui mais les analyses n'avaient rien donné.

Dans les deux affaires, les investigations vont se poursuivre au fil des années. Des centaines de procès-verbaux sont établis, plus de 500 témoins entendus et plus d'une centaine d'individus interpellés sans qu'aucun élément ne puisse faire avancer l'enquête.


500 témoins entendus


Pendant trop longtemps, Gilles Soulié, patron de la police judiciaire de Montpellier, a eu cette frustration ne pas trouver. "Quand on reçoit les familles des disparues au service, et quand on n'a plus rien à leur dire, je peux vous garantir qu'on passe un long moment de solitude."

Profil partiel d'ADN


Comptant sur les progrès en matière de recherche scientifique, de nouvelles expertises génétiques sont ordonnées à compter de l'année 2006 dans les deux dossiers. Sans résultat. En 2013, un laboratoire lyonnais travaille sur la chaussure pied droit de Moktaria Chaïb. Il réussit à déterminer un profil partiel d'ADN mais il est encore techniquement impossible de réaliser des rapprochements génétiques avec la base du FNAEG.

Mais en 2014, le fichier national automatisé des empreintes génétiques se dote d'un nouveau logiciel, plus performant. Et le 10 octobre, le laboratoire BIOMNIS certifie que la trace biologique retrouvée sur la chaussure pied droit de Moktaria Chaïb appartient à Jacques Rançon.

Déjà 12 ans en prison


L'homme avait déjà passé douze années de sa vie en prison pour agressions sexuelles. En octobre 2013, il avait écopé d'un an de prison pour menaces de mort sur son ex-concubine, mère de ses deux enfants. Il avait été libéré en juillet 2014 après neuf mois de prison. Les enquêteurs procèdent à son interpellation le 16 octobre à 12h10, devant son domicile, chemin de la poudrière, à Perpignan.



A la fin de sa 6ème audition dans les locaux de la police judiciaire, il finissait par passer des aveux circonstanciés. Il reconnaîtra par la suite la tentative de viol du Pont Arago, la tentative de meurtre de l'avenue de Belfort et le meurtre de Marie-Hélène Gonzalez.

L'énigmatique disparition de Tatiana Andujar


Reste l'énigmatique disparition de Tatiana Andujar, 17 ans, dans les environs de la gare de Perpignan en 1995. Elle n'a jamais été retrouvée. Une chose est sûre, Jacques Rançon ne peut être relié à sa disparition, il était en prison à l'époque des faits.

Réclusion criminelle à perpétuité


Poursuivi pour homicides volontaires, tentative d'homicide, viols et tentative de viols, Jacques Rançon encourt la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans. 



Jacques Rançon : plus de 11 ans de prison avant son incarcération en 2014
  • 27 janvier 1994: Condamné par le Cour d'assises de la Somme à 8 ans de réclusion criminelle pour viol. Incarcéré du 10 juillet 1992 au le 6 septembre 1997. Il part alors à Perpignan. Le 21 décembre, Moktaria Chaïb est retrouvée poignardée puis le 26 juin 1998 Marie-Hélène Gonzalez.
  • 30 septembre 1998 : 3 ans d'emprisonnement dont 2 assortis du sursis par le Tribunal correctionnel de Perpignan pour violence avec une arme. Libéré le 29 juin 1999
  • 14 novembre 2000 : le tribunal correctionnel d'Amiens le condamne à 5 ans d'emprisonnement pour agression sexuelle. Incarcéré du 23 août 1999 au 4 janvier 2003.
  • 12 septembre 2012 : Un an d'emprisonnement pour menace de mort. Libéré le 31 décembre 2012
  • 12 mars 2014 : la Cour d'appel de Montpellier le condamne à un an d'emprisonnement pour menaces de mort réitérées avec injonction de soins en raison d'une dangerosité sociale avérée. Il sort de prison le 12 juillet 2014 et est mis en examen et placé en détention provisoire le 16 octobre 2014.
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