Jouets genrés : "Juga-hi" (Jouons), une exposition créée par et pour les enfants pour en finir avec les stéréotypes

Les poupées, c'est pour les filles, le foot pour les garçons. Et si on regardait les choses sous un angle différent ? Une exposition itinérante baptisée "Juga-hi" (Jouons), conçue pour et par des enfants afin d'en finir avec certains clichés et stéréotypes de genre, a fait une halte dans les Pyrénées-Orientales.

Le Centre de Formation Professionnel Catalan (CFPC), les établissements scolaires en immersion linguistique catalane La Bressola et le Musée du Jouet de Figueres, ont récemment inauguré l'exposition "Jugar-hi" (Jouons). L'exposition, itinérante a pris place dans les locaux du collège La Bressola de Canet-en-Roussillon. 

Rose pour les filles, bleu pour les garçons ... et pourquoi?

"Jugar-hi" est une exposition conçue par et pour les élèves de l'école catalane La Bressola. Plus de 300 enfants, du CM1 à la 6ème y ont contribué ainsi qu'une vingtaine d'enseignants, avec une perspective de genre et surtout une rélle volonté de transformation sociale. Promouvoir un changement du regard vis-à-vis des jeux et des jouets actuels genrés, c'est le but que ce sont fixés les enfants de La Bressola soutenus par l'équipe pédagogique du Musée du Jouet de Catalogne basé à Figueres et avec la participation de spécialistes du genre.

Les jeux et les jouets transmettent des valeurs, des idéologies et des croyances. Ils sont révélateurs de comment nous avons été, de ce que nous sommes mais également de comment nous serons demain.

Eva Pascual i Miró, conservatrice du Musée du Jouet de Catalogne

L'exposition est le résultat d'un travail collectif transfrontalier. Un projet culturel inédit, d'innovation pédagogique et sociale, dont l'objectif est la création d'une ressource sur les jouets et le genre. Créé fin 2021, le groupe de travail entamait la première phase de réflexion du projet. Pour coordonner le travail, un groupe moteur a été constitué, composé de trente élèves, des représentants de chacune des quinze classes participantes, dix enseignants responsables du projet et des spécialistes du genre. Ainsi le débat, la réflexion, les opinions et les idées circulaient des classes vers le groupe moteur et du groupe moteur vers les classes.

"Il faut arrêter de couper le monde en deux, planète bleu, planète rose. Pourquoi une personne devrait choisir ses jeux, ses activités et ses passions en fonction de son sexe?" Laia, 12 ans, a fait partie du groupe moteur. D'origine catalano-chinoise, la question du genre a un écho tout particulier et personnel pour cette élève de 5ème du collège La Bressola à Canet-en-Roussillon. Pour elle, il est temps d'en finir avec les stéréotypes de genre. 

Ma mère, Ying, m'a expliqué que lorsqu'elle était enfant en Chine, on lui interdisait de manger à table. C'était réservé uniquement aux garçons car on les considéraient plus importants que les filles.

Laia Gensane-Hu, élève de 5ème au collège La Bressola

Changer le monde en commençant par la cour d'école

Depuis le début du projet il y a deux ans, chacune des sept écoles La Bressola s'est beaucoup investit. Dans l'école du Vernet à Perpignan, le débat revient régulièrement et les enfants se montrent désireux de s'exprimer sur le sujet comme Gabriel, 9 ans. "On savait déjà des choses avant mais nous avons appris beaucoup avec ce projet. Et surtout, nous avons pu parler de nos idées à nos familles". Une forme de soulagement pour Louison, 8 ans, qui porte fièrement le maillot numéro 10 de l'équipe de France de football. "Au début de l'année, j'ai discuté avec mon père et ça l'a fait réfléchir. Avant ma chambre était remplie de princesses et de jouets du même genre mais maintenant c'est bon." Et puis, il y a Timéo, 10 ans, qui raconte avec un petit sourire en coin "Depuis que j'ai expliqué le projet à la maison, mon père fait souvent le ménage et la cuisine. Et moi aussi."

Quand j'était petit, je jouais souvent avec une poupée et à la dinette. Avant, j'avais honte de le dire aux copains. Mais un garçon a le droit de faire ça.

Esteban, élève de CM2 La Bressola du Vernet à Perpignan

Pour Gabriel, il est aussi très important de pouvoir transmettre le fruit de leur réflexion à tous ces copains, "parce que plus tard ces enfants auront des enfants et ils pourront leur expliquer". Pour Lola "chacun devrait pouvoir jouer à ce qu'il veut sans avoir peur du regard des autres ou des critiques". Un sentiment partagé par l'ensemble de la classe, ce qui a déclenché plusieurs changements dans l'établissement. 

Nous avons réorganisé la cour d'école ainsi que les espaces de jeux. C'est très intéressant car ce sont les enfants qui ont décidé de leurs univers. Ils ont pris conscience qu'ils sont les acteurs de demain.

Marta Ibañez, professeur à La Bressola du Vernet à Perpignan

Après Canet, l'exposition, itinérante, se déplacera dans les huit autres établissements de La Bressola. A partir de l'année scolaire 2023-2024, toutes les écoles du Pays Catalan pourront en disposer.  Cette exposition sera ensuite étendue à tous les centres scolaires du domaine linguistique catalan, à savoir la Catalogne Sud, le Pays Valencien et les Iles Baléares pour sensibiliser les enfants mais aussi les familles à l'idée qu'un autre monde est possible.