Coup dur pour des membres du personnel de l'hôpital transfrontalier de Puigcerdà en Cerdagne. Le Fisc espagnol leur réclame de s'acquitter des impôts en Espagne en plus de la France. Une double fiscalité insoutenable que ne comprennent pas les 32 salariés concernés.
Lorsque Maite a reçu ce courrier du fisc espagnol lui réclamant de s'acquitter de ses impôts en Espagne, au début, elle a cru à une simple erreur. Mais il n'en est rien. Maite est médecin au service traumatologie et chirurgie orthopédique de l'hôpital transfrontalier de Puigcerdà en Cerdagne depuis son ouverture en septembre 2014.
Il y a sept ans, elle s'installe côté français et paye conformément à la loi ses impôts en France. Mais depuis un an, l'Hisenda (le Fisc espagnol) ne veut rien savoir et la somme de payer aussi ses impôts en Espagne. Et la pilule est difficile à avaler.
Ils m'ont déjà demandé 17 000 euros d’impôts, plus 3000 euros de pénalités. J’ai donc payé 20 000 euros, juste pour l’année 2020. Et là, en novembre, je risque de recevoir le même courrier pour 2021.
Maite Angulo, médecin en traumatologie à l'Hôpital transfrontalier de Puigcerdà
Une double fiscalité que ne comprend pas le médecin qui paie ses impôts en France, son lieu de résidence. Malgré une réclamation engagée par un avocat avec documents à l’appui, Madrid n'en démord pas et réclame ce qu'elle estime être son dû.
Comme Maite, trente-deux salariés de l'hôpital transfrontalier se retrouvent dans cette situation qui leur paraît ubuesque. Et le nombre pourrait encore augmenter puisque 80 des 271 salariés de l'hôpital de Cerdagne habitent dans les Pyrénées-Orientales. Tous craignent maintenant d'être rattrapés par le Fisc espagnol. Un malaise que les syndicats de l'établissement de santé tentent de dissiper mais la pression est forte.
Parmi les 32 salariés concernés, certains ont déjà payé. IIs paient en France parce qu’ils vivent en France et maintenant Madrid leur demande de payer l’impôt pour les 'non-résidents' fixé à 19%. C’est une double imposition ! C’est illégal. Elle est où l’Europe, là ?
Véronique Guitard, déléguée syndicale Comissions Obreres
Pour les travailleurs frontaliers, la loi stipule que ces derniers doivent payer leurs impôts sur le revenu dans leur pays de résidence, à la condition d’habiter à moins de 20km de la frontière. Ce qui est le cas à part pour une personne, selon les employés de l'hôpital. Mais Madrid considère ces salariés comme des fonctionnaires d’un établissement public espagnol. L’hôpital de Cerdagne est pourtant transfrontalier et donc également financé par la France. Un véritable vortex administratif européen dans lequel se retrouvent aspirés les salariés. Pour eux la situation est insoutenable.
J’ai des collègues qui ont dû emprunter pour pouvoir payer leurs impôts au Fisc espagnol. Il y en a d’autres qui seront obligés de faire pareil. Et quand la lettre arrivera, ils iront voir leur banque pour demander un prêt.
Roser Bel, présidente du Comité d'entreprise de l'hôpital transfrontalier de Puigcerdà
Et gare à ceux, dans un sentiment de bon droit, qui se hasarderaient à faire de la résistance et refuseraient de payer. Le Fisc espagnol ne fait pas dans le détail.
Le Fisc m'a laissé à peine un mois et demi pour payer les 20 000€. Avec eux, si tu ne payes pas de suite, ils procèdent à une mise sous séquestre, ils te saisissent directement sur ton compte ou te détiennent des biens.
Maite Angulo, médecin en traumatologie à l'hôpital transfrontalier de Puigcerdà
"C'est injuste, je ne comprends pas. Je me sens complètement impuissante", poursuit le médecin qui bénéficie tout de même, comme les autres salariés concernés, du soutien juridique de la Direction de l'hôpital. Une procédure amiable est également ouverte entre les administrations fiscales espagnoles et françaises. Mais pour l'instant Madrid reste inflexible et les courriers continuent d'arriver au personnel du Centre hospitalier de Puigcerdà, un hôpital binational unique en Europe.
Écrit en collaboration avec Julia Taurinyà et Céline Llambrich.