Le verdict est tombé. Les communes des Pyrénées-Orientales qui souhaitent faire usage de la langue catalane en conseil municipal peuvent le faire, à condition de s'exprimer d'abord en français.
"No és una derrota total". Ce sont les premiers mots, prononcés en Catalan par le Maire d'Elne hier soir lors d'une conférence de presse organisée au siège de l'Association Omnium Cultural à Perpignan. Nicolas Garcia s'est exprimé sur la décision rendue par la Cour administrative de Toulouse sur l'utilisation du Catalan en conseil municipal.
Ce n'est pas une victoire mais ce n'est pas non plus une défaite. Les tribunaux administratifs de Montpellier et Toulouse reculent puisqu'au départ c'était interdiction de parler Catalan. Le tribunal de Toulouse, certes ne nous a pas donné complètement raison mais le juge n'a retenu que l'article 2 de la Constitution et il permet que nominativement les maires et les conseillers municipaux puissent parler en catalan.
Nicolas Garcia, Maire d'Elne
Contraire à l'article 2 de la Constitution
Pour rappel, cinq communes des Pyrénées-Orientales avaient modifié leur règlement intérieur en permettant l'usage de la langue catalane lors de leurs conseils municipaux respectifs, en proposant à la suite du discours une traduction en Français. Une décision qui avait à l'époque été fortement contestée par le Préfet qui avait alors saisi la justice. L'an dernier, le Tribunal de Montpellier avait annulé les règlements intérieurs votés par les communes d'Elne, Amélie-les-Bains-Palalda, Saint-André, Port-Vendres et Tarérach, les jugeant contraires à l'article 2 de la Constitution, à la "loi Toubon" ainsi qu'à l'ordonnance de Villers-Cotterêts, acte fondateur de la langue française.
L'ordonnance de Villers-Cotterêts fut édictée en 1539 par le roi François 1er et les articles 110 et 111 imposaient la langue française dans tous les actes à portée juridique de l'administration et de la justice du royaume, au détriment du latin. Une référence que le Maire d'Elne estime "ridicule". À cette époque, le département appartient encore à la Couronne d'Aragon et ne sera rattaché à la France qu'en 1659 avec le Traité des Pyrénées.
Parler Catalan, d'accord, mais d'abord en Français
C'est un combat de plusieurs années qui a été jugé en appel ce jeudi 12 décembre devant le Tribunal administratif de Toulouse. Une bataille juridique menée par cinq communes des Pyrénées-Orientales. Les élus d'Elne, Amélie-les-Bains-Palalda, Tarérach, Saint-André et Port-Vendres demandaient une nouvelle fois de pouvoir parler en Catalan lors des délibérations en conseil municipal. Une fois de plus la justice française refuse. La cour administrative d’appel de Toulouse juge que les règlements intérieurs du conseil municipal de cinq communes des Pyrénées-Orientales prévoyant la faculté de s’exprimer directement en catalan méconnaissent l’article 2 de la Constitution selon lequel « le français est la langue de la République ». Mais cette fois le Tribunal apporte une nuance non négligeable : La cour a toutefois estimé que l’article 2 de la Constitution ne fait pas obstacle à ce que la présentation des délibérations et les interventions des conseillers municipaux, une fois exprimées en français, puissent faire l’objet d’une traduction en langue catalane.
De nouveaux recours
Loin de satisfaire les plaignants, ce jugement offre toutefois une ouverture et "encourage à aller plus loin" selon le Maire d'Elne tant que les cinq communes n'obtiendront pas "gain de cause". Ces derniers pourraient ainsi se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat. Un recours à Strasbourg n'est pas non plus exclu.
On va pouvoir plaider la violation des droits linguistiques, qui est un droit particulier reconnu sur le plan international mais qui ne l'est pas en droit interne français alors qu'il est reconnu partout en Espagne, en Italie, au Canada ... mais pas en France donc on va demander à Strasbourg de condamner l'Etat pour violation et non reconnaissance de ce droit fondamental qu'est le droit linguistique.
Mathieu Pons-Serradeil, Avocat des cinq communes plaignantes
De nouveaux recours semblent donc se profiler avec en ligne de mire, cette fois, la Cour européenne des Droits de l'Homme. Et c'est en tant qu'individus que maires et conseillers municipaux pensent saisir l'instance européenne considérant que les empêcher de s'exprimer en Catalan est une atteinte non seulement à leur langue mais aussi au patrimoine du territoire.
Je suis maire d'une commune avec un patrimoine extrêmement riche. Défendre ce patrimoine coûte une fortune aux Illibériens. Là, j'ai la possibilité, gratuitement de défendre un patrimoine et on m'en empêche. Même si on reconnaît la République française et qu'on l'aime, la langue catalane est une langue vivante qui fait partie de son patrimoine. C'est sa richesse. Si on veut que le patrimoine reste vivant, on l'entretient. Quand une langue meurt, c'est comme une cathédrale qui s'effondre ou brûle.
Nicolas Garcia, Maire d'Elne
L'édile tient à souligner son attachement à la République dont il ne peut concevoir l'avenir que dans la diversité en rappelant que parler catalan représente également un atout économique qui "permet à des milliers de Catalans du Nord d'étudier et de travailler en Catalogne Sud".