Patrimoine : lauréate de la Fondation du patrimoine, la maternité suisse d'Elne reçoit 300 000 euros mais cela ne suffit toujours pas

À une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales, la maternité suisse d'Elne, qui a sauvé des centaines de femmes et d'enfants durant la Seconde Guerre mondiale, vient de recevoir une enveloppe de 300 000 euros ce mardi 19 décembre 2023. Une somme conséquente, mais malheureusement loin des trois millions nécessaires à la réhabilitation complète du site.

À l'occasion de la Mission Bern, la Fondation du Patrimoine dévoilait, ce mardi 19 décembre, les cinq lauréats de l'opération alliant la Française des Jeux et le ministère de la Culture pour la région Occitanie. Cette année, c'est le Château d'en Bardou d'Elne, dans les Pyrénées-Orientales, qui rafle la plus grosse enveloppe avec 300 000 euros, en plus des 100 000 euros promis par le groupe d'assurance AXA.

Mais l'ancienne maternité suisse du château, qui a notamment accueilli des femmes réfugiées enceintes pendant la guerre civile espagnole sous l'égide de la Croix-Rouge, est aujourd'hui dans un état jugé alarmant, et l'argent récolté risque de ne pas suffire.

Victime des affres du temps

"La maternité est dans un état très préoccupant, on ne peut pas la garder dans cet état, alerte Nicolas Garcia, maire PCF d'Elne. On est en train de finaliser les estimations, mais on a déjà dû la fermer complètement avant l'été pour sécuriser la corniche extérieure et la verrière." Aujourd'hui, il est seulement possible de visiter le jardin et le RDC, mais pas les trois étages, les conditions de sécurité n'étant pas réunies pour les visiteurs, tellement la bâtisse a souffert des affres du temps.

Dans les communes comme celle-ci qui ont un important patrimoine mais peu de moyen, on ne sait plus vraiment vers quel saint se tourner.

Nicolas Garcia, maire d'Elne (Pyrénées-Orientales)

"Ces 400 000 euros vont beaucoup nous aider, mais pour tout sécuriser et réouvrir, il nous faudrait près de 2 millions d'euros, et un million supplémentaire pour la rénovation complète", poursuit l'édile communiste, qui espère recevoir prochainement des financements de mairies catalanes. La communauté espagnole, qui représente une importante part des 400 000 personnes qui visitent le lieu chaque année, doit en effet beaucoup à ce lieu, classé monument historique au titre de la Mémoire.

Des centaines d'enfants sauvées

Créée en 1939 et gérée par le secours suisse aux enfants d'Espagne, cette maternité accueillait des femmes enceintes qui fuyaient le franquisme, dont beaucoup accouchaient dans des conditions terribles et donnaient naissance à des enfants mort-nés. On estime ainsi que 400 enfants de républicains espagnols, mais aussi 200 enfants juifs français, ont été sauvés d'une mort probable dans les camps de concentration. La directrice, Élisabeth Eidenbenz, 26 ans à l'époque, avait en effet eu l'idée en 1940, alors que les troupes nazies progressaient dans le nord de la France, d’inscrire sur les registres d'état-civil les nouveau-nés juifs avec un prénom espagnol, afin qu'ils ne soient pas identifiés par les autorités.

"Ce lieu fait partie de l'histoire de l'humanité, on a sauvé des enfants condamnés à mourir ici, tient à souligner Nicolas Garcia. Il nous rappelle qu'encore aujourd'hui des gens sont contraires de fuir leur pays échapper à la mort, et nous amène à réfléchir sur nos conditions d'accueil."