La Maternité suisse d'Elne, près de Perpignan, a été choisie cette année par le Loto du patrimoine. Une nouvelle inespérée pour ce joyau de l'Art Nouveau qui a accueilli des femmes et des enfants menacés pendant la Seconde guerre mondiale. Coup de pouce bienvenu pour ce chef-d’œuvre en péril.
Fermée depuis la fin du mois d'avril pour des raisons de sécurité, la Maternité suisse d'Elne dans les Pyrénées-Orientales,devrait bientôt bénéficier d'un coup de pouce de la Fondation du patrimoine. Le site a en effet été retenu par le fameux Loto. Une aubaine pour ce chef-d’œuvre en péril, un magnifique château du début du XXème siècle qui est également connu pour avoir accueilli et protégé durant la Segonde guerre mondiale des femmes et des enfants espagnols, juifs et tziganes.
600 enfants ont été mis au monde dans cette maternité. Il y a une dimension humaine, historique et sociale. Ce sont des paramètres qui ont été pris en compte pour le choix de la maternité par rapport à d'autres sites plus conventionnels comme des chapelles ou d'autres types de monuments.
Joël Filhol, délégué départemental Fondation du Patrimoine
Des travaux importants sont nécessaires pour sauver le bâtiment, ils sont estimés à 900 000 euros. Le montant de ce qu'apportera la Mission du patrimoine n'est pas encore connu précisément, il pourrait se situer aux alentours de 100 000 euros. Au-delà de l'aide financière, cette sélection au Loto du patrimoine représente également un intérêt non négligeable en terme de notoriété.
Notre public cible est celui de l'Occitanie et au-delà le public français, qui est un peu moins touché. Cela nous fait donc des marges de progression car on va parler de la Maternité d'Elne ce qui va éveiller la curiosité de tout un tas de personnes à travers le pays.
Nicolas Garcia, maire d'Elne
Six tirages "Mission du patrimoine" sont prévus d'ici la fin du mois, plus un Super Loto le 15 septembre 2023.
Maternité suisse d'Elne, symbole de paix et d'espoir
Pénétrer à l'intérieur de la Maternité d'Elne, c'est un peu comme allumer une bougie. Symbole d'espoir, de solidarité, d'humanité, dans ce lieu résonnent encore les pas d'une jeune infirmière suisse et les rires des enfants. Des enfants et leur mère, victimes innocentes de la guerre ont trouvé dans cet endroit un véritable havre de paix. En février 1939 a eu lieu la Retirada. Près d’un demi-million d’Espagnols et de Catalans ont quitté leur pays et se sont réfugiés en catastrophe, dans le département des Pyrénées-Orientales. Alors que le danger est permanent à cette période charnière de l’histoire, le courage de quelques personnes a permis de sauver de nombreuses vies.
C'est ici, à Elne, au château d’en Bardou, qu’une jeune infirmière, Elisabeth Eidenbenz, mènera un combat acharné dans le but de sauver un maximum de personnes. Volontaire au sein de l’association du Secours Suisse aux Enfants d’Espagne, elle permit l’ouverture de la Maternité suisse d’Elne en décembre 1939 et en sera la directrice jusqu’en avril 1944, date à laquelle cet îlot de paix a dû fermer. Grâce à sa persévérance, près de 600 enfants d’une dizaine de nationalités différentes ont vu le jour au sein de cette Maternité et un millier de femmes et autant d’enfants y furent accueillis : la grande majorité de ces personnes était internée dans les camps de concentration d’Argelès, de Saint-Cyprien et de Rivesaltes, dans des conditions insoutenables. Pour son humanité et son engagement, Elisabeth Eidenbenz fut décorée de la Légion d'honneur en 2007. Elle qui regrettera jusqu'à son décès à Zurich en 2011, "de ne pas avoir pu les sauver tous". Achetée en 2005 par la Commune d’Elne et classée Monument Historique depuis 2013, la Maternité suisse est un symbole d’espoir et de paix, inscrit dans les circuits européens de la mémoire du XXe siècle.
Château d'en Bardou, témoin de l'Art Nouveau en Pays catalan
Située à deux kilomètres du centre de la commune, la Maternité Suisse d’Elne s’installe dans un petit château, coiffé d'une coupole de verre et bâti sur le modèle d'une croix grecque, datant des années 1900-1902, édifié pour Eugène Bardou. Ce riche industriel avait bâti sa fortune en produisant le papier à cigarette de la marque "le Nil". Ce dernier était par ailleurs cousin de Justin Bardou-Job, le célèbre papetier de la marque "JOB". Il est probable que l’édifice, témoignage de la réussite industrielle des Pyrénées-Orientales au tournant des XIXe et XXe siècles, ait été construit par Viggo Dorph Petersen, un architecte danois très en vogue à l'époque. Vendu en 1927 à des agriculteurs, le château reste inhabité jusqu’en 1939, date à laquelle il devient le lieu d'espoir et de vie qui permit de sauver plusieurs milliers de femmes et d'enfants, victimes de la Segone guerre mondiale.