Présidentielle 2022. Entretien avec Nicolas Lebourg, auteur du documentaire "Le Grand remplacement : histoire d'une idée mortifère"

Originaire de Perpignan, Nicolas Lebourg est historien, spécialiste de l'extrême-droite. Son documentaire "Le Grand remplacement : histoire d'une idée mortifère" est diffusé ce soir sur la chaîne parlementaire LCP. Une théorie au cœur des débats politiques actuels. Décorticage du phénomène avec Nicolas Lebourg.

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Nicolas Lebourg enseigne aujourd'hui à l'Université de Montpellier. Depuis une vingtaine d'année, ses travaux se portent sur l'extrême-droite, et plus précisément sur "Le grand remplacement."

Renaud Camus s'est attribué la paternité de l'expression dans son ouvrage en 2011. Pourtant, la théorie puise ses origines au siècle dernier.

Une théorie datant du 19e siècle...

La genèse du grand remplacement remonte à la fin du 19e siècle. Sa naissance est corrélée avec l'appariation du mot racisme, datant de 1892. Nicolas Lebourg explique : "Dès qu'on a fondé le mot racisme, c'est là que ce problème est entré en jeu. Les Français de souche gauloise du Nord se font remplacer par les souches latines, nous, du Sud de la France."

La naissance du concept d'extrême droite est aussi liée à une autre théorie de l'histoire : le complot juif.  "A l'époque, il existe l'idée que les Juifs organisent un grand remplacement, un complot mondialiste pour instaurer leur pouvoir" détaille l'historien perpignanais. Le protocole des Sages de Sion, propagande publiée par la Russie en 1903 est une claire illustration du phénomène.

Renaud Camus n'aurait alors rien inventé. Selon l'historien perpignanais, " Camus a une formule bien trouvée car elle impacte mais il décrit une idéologie de long court."

...au cœur des débat politiques actuels

Depuis quelques semaines, difficile de passer à côté de la théorie du Grand remplacement dans les débats présidentiels.

Ce sujet, ça fait des années que je tourne autour. En tant que chercheurs, on traitait cette question dans notre coin mais quand le sujet est venu au cœur de la campagne à l'automne, c'était le moment d'en faire un documentaire.

Nicolas Lebourg, historien

Eric Zemmour a fait de la théorie du Grand remplacement son cheval de bataille. Une façon pour ce nouvel arrivant dans l'espace politique de légitimer sa campagne, face à une extrême-droite qui tairait le nom du concept.

Nicolas Lebourg détaille : "Zemmour ne pouvait pas aller à la présidentielle en disant la même chose que Marine Le Pen. Il utilise ce thème du Grand remplacement pour légitimer sa campagne face au RN."

Une acclimatation idéologique de la droite

Le concept du Grand remplacement envahi l'espace public et trouve son électorat : les séniors aisés. Nicolas Lebourg était présent lors d'un meeting d'Eric Zemmour à l'automne à Perpignan. L'historien identifie parmi les militants un public de séniors bourgeois composés d'anciens du RPR et du FN. 

Selon l'historien, les questions ethniques et raciales rassemblent les électeurs de droite. Le point de divergence pour distinguer les candidats de l'extrême-droite est leur programme économique.

Les bourgeois sont tout aussi racistes que les prolétaires. Zemmour est plus libéral économique que Le Pen. Cela correspond à ce segment bourgeois qui ne veut pas qu'il y ait de l'immigration mais qui veut du business.

Nicolas Lebourg, historien

Le danger de l'accélérationisme

La théorie du Grand remplacement divise entre ceux qui y adhèrent, ceux qui s'y opposent, mais aussi ceux qui se radicalisent pour défendre l'idée.

Cette dernière "phase" selon Nicolas Lebourg, s'est ouverte en 2015 : "Avec la crise des migrants et le 13 novembre, il y a eu un tournant. Le Grand remplacement s'est répandu dans le monde et a nourri l'accelérationisme : l'idée qu'une guerre raciale a commencé et que la seule chance de survie des blancs est d'augmenter les violences."

La montée en puissance de ce phénomène effraye, d'autant plus avec la crise actuelle de la gauche qui défend des idéologies antagonistes. Mais l'historien préfère rester optimiste : "Il existe un anti-racisme plus réactif qu'on ne le croit.  Il y a une crise du militantisme de gauche mais il reste des réflexes anti-racistes acquis et une capacité de résistance."

Les mécanismes de ce phénomène de société seront davantage analysés ce soir sur la chaîne LCP à 20h35. Le documentaire réalisé par Nicolas Lebourg et Thomas Zribi est aussi disponible en ligne.

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