La saison des abricots arrive à grand pas dans le Roussillon. Pour les arboriculteurs, elle est plus que jamais menacée en raison d'une sécheresse précoce. A Espira-de-l'Agly, dans les Pyrénées-Orientales, avec une rivière à sec, le bilan s'annonce déjà lourd et l'avenir plus qu'incertain.
Des tapis d'abricots, tombés des arbres qui n'ont pas vu une goutte d'eau depuis un mois. Dans le département des Pyrénées-Orientales, en proie à une sécheresse exceptionnelle, le mois de mai est la période charnière pour la récolte des abricots.
Les producteurs se retrouvent confrontés à une situation des plus catastrophiques. A Espira-de-l'Agly, Marc Chabanol parcourt son exploitation et constate impuissant l'étendue des dégâts.
Sans eau, l'arbre a arrêté d'alimenter les fruits et on se retrouve avec des abricots qui n'ont que le noyau et une petite enveloppe autour. C'est invendable et puis de toute façon, le fruit ne peut pas mûrir, il s'assèche et il tombe.
Marc Chabanol, arboriculteur Espira-de-l'Agly
Sur ce verger d'une centaine d'abricotiers de variété précoce et planté il y a sept ans, Marc ne récoltera rien. Une perte de quatre tonnes. Un coup dur pour ce jeune agriculteur installé depuis 2016.
Je n'avais jamais vu ça, mon père non plus. On a beaucoup travaillé sur le verger, il y a eu beaucoup de main d'œuvre sur ces arbres pour au final ne pas pouvoir les récolter. C'est hyper frustrant de voir le travail d'une année anéantit.
Marc Chabanol, arboriculteur à Espira-de-l'Agly
Marc devait planter de nouveaux arbres cette année mais face à tant d'incertitude, la commande chez le pépiniériste restera malheureusement en suspens.
Des pertes potentielles colossales
Dans son rapport publié ce 16 mai, et même s'il est trop tôt pour avoir une idée claire sur les pertes potentielles, la Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Orientales estime la perte du chiffre d'affaire pour le secteur arboriculture en vente directe à 91 millions d'euros dans les Pyrénées-Orientales. Les pertes de fond seraient quant à elles de plus de 13 millions.
Selon les projections d'Eric Hostalnou, chef de service fruits et légumes à la chambre d'agriculture 66, si les restrictions devaient être plus fortes en arboriculture (soit administratives, soit climatiques), les pertes de récolte pourraient atteindre les 129 millions d’euros et 120 millions d’€ de pertes de fonds.
Si on ne pouvait plus arroser, on peut estimer qu’on aura 90% de pertes de fond. Seuls quelques vergers de cerisiers, abricotiers dans des zones très fertiles (Salanque, zone littorale) ne vont pas mourir.
Eric Hostalnou, chef de service fruits et légumes à la Chambre d'Agriculture des Pyrénées-Orientales
Sauver l'abricot catalan
Pour la Confédération paysanne, "cette saison n'est pas si inédite car cela fait cinq ans qu'il ne pleut pas". La problématique sécherresse est récurrente. De quoi s'inquiéter.
Quand on voit des sources en haute montagne qui n'ont plus d'eau, cela veut dire que la montagne n'a plus d'eau depuis longtemps, qu'elle n'est plus approvisionnée. C'est un gros souci.
Jérôme Suszeck, Référent eau au sein de la Confédération paysanne
Pour Jérôme Suszeck, lui même arboriculteur sur la commune de Néfiach, près de Millas "il faut revoir l'arboriculture que nous connaissons, réfléchir au débouché fruit. Référent eau de la Confédération Paysanne et propriétaire d'une exploitation en permaculture, ce dernier souligne l'importance de changer les techniques agricoles et d'obtenir des formations afin de pouvoir changer et opérer une transition plus facilement pour les arboriculteurs.
Il poursuit par l'importance "d'établir un plafonnement d'eau prélevée par chaque ferme" et déplore que "certains gros agriculteurs qui possèdent des forages très profonds épuisent la ressource qui sera régénérée dans 500 à 2.000 ans".
Mi-juin, c'est l'abricot rouge du Roussillon, la star incontestée dans le département, qui atteint traditionnellement son degré de maturité.
Avec le manque d'eau, le calibre des abricots sera réduit et le tonnage sera moindre mais il faut dire aux consommateurs de continuer à promouvoir la filière locale
Jérôme Suszeck, Référent eau au sein de la Confédération paysanne
En colère ou malheureux, chacun tente avec ses moyens de limiter la casse. Sortir une récolte ? Certains n'y croient plus. Mais au-delà de la récolte de cette année, à marquer d'une croix rouge dans l'almanach, c'est la culture qui est maintenant en jeu. Sauver les arbres est devenu la priorité.