Rentrée et hommage à Samuel Paty : "le professeur, c'est celui qui ouvre les élèves au monde"

Dans toutes les écoles, cette rentrée du 2 novembre a été l'occasion d'un hommage à Samuel Paty, professeur assassiné pour avoir montré des caricatures de Mahomet dans son cours. À Lunel, Nîmes ou encore Perpignan, des débats ont eu lieu et une minute de silence a été respectée en son honneur.

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La rentrée des classes, ce lundi 2 novembre, est marquée par l’hommage à Samuel Paty, le professeur d'histoire-géographie assassiné par un terroriste le 16 octobre dernier à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines. L'hommage a été rendu à 11 heures avec une minute de silence dans les écoles, collèges et lycées de France, après lecture de la Lettre aux instituteurs et institutrices, de Jean Jaurès.

Au collège d’Ambrussum, à Lunel, la lecture s'est faite en présence de la rectrice de l’académie de Montpellier, Sophie Béjean, et du préfet de l'Hérault, Jacques Witkowski. Ce moment a été précédé d'un échange avec les élèves pour reparler des faits, des valeurs de la République et de la liberté d'expression. Un "livret de conseils et ressources" avait été mis en ligne par l'académie, le 29 octobre, pour aider les enseignants à préparer cet hommage.
 

Professeurs, élèves et équipes éducatives se sont retrouvés pour un temps d’union et de mobilisation en hommage à Samuel Paty, mais aussi à tous les professeurs de notre académie et de notre pays, pour ce qu’ils représentent. Un hommage aussi aux valeurs de la République, liberté, égalité, fraternité, et laïcité.

Sophie Béjean, rectrice de l'académie de Montpellier


Définir la liberté d'expression

L'hommage a eu lieu dans des conditions similaires au collège Jean Moulin de Perpignan. "Le texte de Jean Jaurès met en avant les missions des professeurs, leur rôle d’éducateur, de celui qui va ouvrir les élèves au monde", explique la proviseure. Lors de l'échange avec les élèves, les professeurs sont revenus sur les menaces reçues par Samuel Paty, en octobre dernier, après son cours sur la liberté d'expression. "C’est ce discours de liberté d’expression qui a été sanctionné", explique un enseignant. "Ce qu'on essaye de vous faire comprendre, c'est que l'appel à la haine et à la violence ne fait pas partie de la liberté d’expression", poursuit une autre.
 

Revenir sur les faits et en discuter

Au collège Romain Rolland de Nîmes, c'est Aïda, une élève de 3ème, qui a lu la lettre de Jean Jaurès devant tous les élèves rassemblés dans la cour. 
 

Ce texte, j’y ai accordé beaucoup d’importance parce qu’on m’a demandé à moi de le lire et j’ai été très touchée. J’ai trouvé qu’il avait beaucoup de sens. Ce moment, c’était triste, ça m’a fait quelque chose de savoir qu’un prof a été tué pour avoir tenté d’éduquer des élèves. Donc c’était assez symbolique.

Aïda, élève de 3ème au collège Romain Rolland

Au moment des faits, Aïda raconte avoir lu des choses "gores" sur les réseaux sociaux, qui se sont avérées fausses. "J’en ai beaucoup parlé à ma mère et à ma sœur mais on en avait pas plus parlé que ça avec mes amis étant donné que c’était les vacances", raconte-t-elle. Alors, pour Emilie Ricard, professeure d'Arts Plastiques, ce temps d'échange était nécessaire pour reparler des faits.

 

C’était un moment utile dont on avait vraiment besoin, parce qu’on ne se revoyait pas reprendre les cours comme si de rien n'était avec nos élèves. Les élèves ont beaucoup parlé, on a échangé pendant plus d’une heure, c’était fort et très important. Ça nous a aussi permis de revenir sur ce qui c’était passé, parce que les élèves s’informent par des canaux qui sont pas les plus sûrs.

Emilie Ricard professeur d’art plastique

"J'étais triste et dégoûté"

Les élèves ont également eu l'occasion, en classe, de s'exprimer et de dire ce qu'ils avaient sur le coeur. "J'étais dégoûté et triste pour le prof et pour ses élèves", raconte Amin, en 3eme. "Ça nous fait du bien de donner notre opinion et d’en parler, de dire que les musulmans sont pas tous pareils, qu'il faut pas mettre tout le monde dans le meme sac", explique Nassima, en 4eme.

Il était important pour le principal du collège de Lunel, Guillaume Gouchault, de ne pas faire un cours magistral aux élèves, mais les laisser parler.

 

Ce qui s'est passé, ça ne peut pas se reproduire, et on ne peut pas le légitimer. Les élèves doivent le comprendre et l’exprimer par eux-mêmes, c’est le meilleur moyen de l’analyser. Ils ont entre 11 et 15 ans, ils seront bientôt majeurs, et ils doivent devenir des citoyens éclairés.

Guillaume Gouchault, proviseur du collège Aubrussum de Lunel


Les parents d'élèves étaient également présents aux côtés des enseignants. "On a tous été bouleversés, témoigne la mère d'un collégien de Lunel. Il y a des moments où il faut faire bloc dans la société, et on veut montrer qu'on est pas seulement dans l'opposition, mais aussi dans la proposition et là pour soutenir le corps enseignant".

Pas de temps pour s'organiser, selon certains profs

Dans certains établissements, cette concertation n'a pas pu avoir lieu faute de temps accordé à sa préparation, selon certains syndicats d'enseignants. Sud Education 34 regrette dans une lettre envoyée à Sophie Béjean d'avoir eu "zéro heure, et zéro minute" pour s'organiser ce lundi. Le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, avait d'abord annoncé que les équipes pédagogiques pourraient échanger lundi matin grâce à une rentrée décalée à 10h, avant de se rétracter. 
 
Pour manifester leur désaccord, une intersyndicale d'Occitanie avait lancé le 31 octobre une "alerte sociale" avant une possible grève. Mais Perpignan et Nîmes, des directeurs d'établissements ont refusé aux professeurs un temps de concertation entre collègues, et des préavis de grève ont été déposés ce lundi. Dans l'Aveyron, des enseignants se sont auto-accordés un temps de préparation.
 
Au delà de cet hommage, la rectrice assure que les professeurs auront la possibilité d’organiser des "séquences éducatives" autour des valeurs de la République tout au long du mois de novembre.

Protocoles sanitaire et sécuritaire renforcés

Une rentrée qui se déroule dans le cadre d'un protocole sanitaire renforcé, au 4ème jour du reconfinement. Le port du masque à l'école a été étendu aux enfants du primaire dès l'âge de 6 ans, contre 11 ans auparavant. Des mesures pour limiter le brassage des élèves ont été annoncées, avec des arrivées, récréation et départs décalés par groupes et des déplacements "limités au maximum", selon le ministre de l'Education.

Un dispositif policier était ce matin posté devant le collège de Lunel. Des mesures sécuritaires particulières ont été mises en place pour cette rentrée dans le cadre du plan vigipirate porté au niveau "urgence attentat", sur tout le territoire, depuis l'attaque dans une église à Nice.
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