Chaque jour 700 tonnes de déchets se déversent dans la Méditerranée. Alors comment faire face à la pollution plastique qui dévaste ses eaux? Au Grau-du-Roi, dans le Gard, une filière de collecte et de valorisation de ces détritus marins a été créée en avril 2018. Le projet s'appelle Reseaclons.
Les pêcheurs, premiers maillons de la chaîne
Quand les pêcheurs du Grau-du-Roi partent en mer, ils ramènent dans leurs filets du poisson bien sûr mais aussi beaucoup de déchets qui s'accrochent dans les mailles. Parmi eux : du plastique sous toutes ses formes, des bouteilles ou encore des sacs. A leur retour, ces professionnels de la mer font le tri et jettent dans des poubelles spécifiques tous ces détritus."Je suis très sensible à la pollution en Méditerranée. C'est un souci permament. Il est très important pour nous de capter tous ces plastiques avant qu'ils ne se désagrègent car quand ils finissent en micro particules, il n'est plus possible de les ramasser et cela sera ingéré par les poissons" explique Dominique Duprat, patron pêcheur au Grau-du-Roi.
Du plastique trié puis recyclé
Tous ces plastiques collectés vont être transportés par la comunauté des communes Terre de Camargue dans une décheterie. Ils seront triés selon leurs spécificités. Seuls les plastiques très durs comme le plexi ou les pneus seront exclus du processus. Tout le reste, soit 95% des plastiques, sera valorisé. On est bien loin du rendement ordinaire, où seulement 20% du plastique peut être recyclé et le reste finit à l'enfouissement. Aujourd'hui, si on atteint 95% de recyclage, c'est grâce à une étonnante filière développée par l'Institut marin du Seaquarium. Une filière unique au monde qui donne à ces détritus une seconde vie.
Chaque année 1,5 tonne de ces plastiques collectés par les pêcheurs sont envoyés dans l'Ain au plasturgiste Triveo qui a inventé un procédé révolutionnaire.
Une innovation majeure
Le plastique n'est pas un ensemble uniforme et on ne peut normalement pas mélanger différents polymères ensemble. Mais l'entreprise Triveo a imaginé une technique totalement innovante.
"Nous sommes capables d'assembler des plastiques de natures différentes. Une bouteille, une barquette et un pot de yaourt vont pouvoir être mélangés par un procédé de friction-compression. La matière première va être broyée puis tamisée pour donner de fines paillettes et nous créons ensuite une nouvelle matière homogène. On a réussi à faire ce que personne n'avait jamais fait avant. C'est un exploit technique" confie Xavier Murard à l'initiative du projet Reseaclons.
Des petits pots ambassadeurs
Cette matière entre ensuite dans un moule et à la sortie un nouvel objet est né : un petit pot. Une seacup vendue à l'Institut marin du Seaquarium.
"On peut en faire un pot à crayon, un cendrier, une petite poubelle de table pour les noyaux d'olive. C'est d'abord un objet éthique car évidemment on trouve des petits pots classiques fabriqués en Chine à 1,50 euros. Cette seacup est un ambassadeur des mers. Chaque petit pot représente 60g de plastiques récupérés en mer. Acheter ce petit pot c'est d'abord faire un acte militant" explique Pauline Constantin chargée de développement à l'Institut marin.
Des petits pots que l'Institut décline aussi sous la forme d'amplificateurs sonores. Des sons d'animaux marins ont été introduits pour faire découvrir la faune de la méditerranée aux visiteurs et les sensibiliser à la question de la pollution marine.
Mais d'autres objets pourraient bientôt voir le jour. Pauline Constantin a suggéré à Triveo de travailler sur de nouveaux concepts comme des lampes. Des objets design qui devraient intéresser un autre type de public.
"Nous avons eu récemment la chance de rencontrer une designeuse parisienne qui vient de s'installer à Nîmes. Elle a été séduite par ce projet. Elle nous a proposé un partenariat avec la célèbre école Boule d'arts appliqués et d'architecture d'intérieure. Nous souhaiterions explorer d'autres univers et trouver des formes plus design" ajoute Pauline Constantin
A la conquête d'autres ports
Créée en avril 2018, le projet pilote Reseaclons a depuis évolué. Xavier Murard à l'origine de cette filière a créé une association en mars 2019 pour promouvoir le modèle. Beaucoup de ports de la région Occitanie se disent intéressés. "Les pêcheurs d'Agde et de Port-la-Nouvelle par exemple sont venus frapper à notre porte pour mettre en place eux aussi cette filière. Nous avons aussi des contacts avec des ports de la façade Atlantique, bretons et basques. Nous avons même eu des échanges avec la Tunisie, Madagascar et Haïti qui sont très concernés par la pollution plastique" selon Pauline Constantin. Mais elle ajoute quand même que la meilleure manière de lutter est de moins produire de déchets et de consommer autrement.