"Les 3 dindes" recueille et soigne les animaux de ferme abandonnés, maltraités ou rescapés de l'élevage industriel à l'Honor-de-Cos dans le Tarn-et-Garonne. Trois femmes hors du commun se battent pour les rendre à la vie ou les accompagner du mieux possible s'ils ne peuvent survivre à leurs blessures.
Un paysage vallonné, prairies et forêts aux couleurs automnales à perte de vue... L'endroit est idyllique. Pourtant sur ces 33 hectares aménagés en pâtures et parcs avec abris, vivent des animaux de ferme dont la vie a tourné un jour au calvaire.
Ânes, poneys, chèvres, moutons, vaches, cochons, oies, poules ou chevaux, chaque animal recueilli ici présente des cicatrices, des handicaps, séquelles de la vie d'avant. Parmi les chèvres qui s'attroupent pour manger, Starksy et Hutch, deux boucs nains issus d'une même fratrie. "C'est un exemple typique de ce que peuvent subir les animaux de ferme, explique Lisa Fernandez, l'une des "3 dindes" co-fondatrice de la ferme-refuge.
"Il a peut-être été acheté pour faire plaisir aux enfants quand ils étaient petits. Et puis les enfants grandissent et les animaux sont alors considérés comme un objet dont on n'a plus l'utilité".
"Il a été abandonné lâchement. Il a subi de la cruauté, tout comme son frère. Comme l'identification des chèvres se fait au niveau de l'oreille avec une boucle, le propriétaire, pour ne pas être identifié, lui a arraché l'oreille".
L'oreille a été arrachée, même pas coupée net. Une longue et large cicatrice sinueuse court jusque dans le cou de l'animal. Sa vue seule donne une idée des souffrances endurées. Les boucs ont dû subir des opérations afin de boucher le conduit auditif car en plus d'avoir perdu l'ouïe, ils faisaient des abcès à répétition qui empêchaient la cicatrisation.
Secourir et sensibiliser
"Ce qui me touche beaucoup c'est que l'être humain a tendance à aimer l'animal avec qui il a une contrepartie affective, confie Lisa. Ces animaux-là, on ne leur donne jamais l'occasion de montrer qu'ils ont une partie affective et de pouvoir sensibiliser la population à leur condition. Pour moi, c'est hyper important de leur montrer qu'une chèvre c'est bien au-delà d'une machine à produire du lait ou de la viande. Elle peut bénéficier de bons soins et nous le rendre au centuple".
On est au coeur de la vocation des "3 dindes" : sauver des animaux maltraités, leur offrir une vie digne et faire en sorte que la malveillance et les actes barbares cessent. L'enjeu est aussi que la société évolue, que chacun prenne conscience de la place du vivant, de la chance qu'on a tous d'être ainsi entourés... Sans ce refuge, ces animaux de ferme, les "délaissés de la cause animale", seraient sans doute euthanasiés.
De véritables enquêtes de terrain
Isabelle et Nathalie sont les autres "dindes"... Ne pas confondre avec dindons ! Si les 3 dindes font preuve d'autodérision, de joie et d'une énergie communicative, elles n'en sont pas moins vigilantes et offensives lorsqu'il s'agit d'animaux en souffrance.
Isabelle Fernandez, la mère de Lisa, se charge des enquêtes. Elle va au-devant des propriétaires qui sont signalés à l'association, tente d'établir le dialogue afin qu'ils abandonnent au profit de l'association les animaux maltraités. Elle s'occupe aussi au même titre que les deux autres d'opérations de sauvetage dans toute la France : aller chercher un animal, contacter des mairies pour trouver une médiation avec les propriétaires négligents, récupérer les animaux saisis par la justice.
L'animal chosifié
"Les gens ne se rendent pas compte quand ils prennent une chèvre, un mouton ou même un poney, un cheval, ils ne rendent pas compte que c'est un animal qui a besoin de soins, explique Isabelle. Donc au bout d'un moment, ça leur coûte cher : il faut faire venir le maréchal ferrant, il faut le vermifuger, il faut lui donner du foin, il faut qu'il ait un abri. Et ça les gens, ils ne mesurent pas et soit ils vont l'abandonner, soit ils vont le laisser dépérir dans le champ. Et ça c'est toutes les semaines !".
Contrairement à ce qu'on peut imaginer, les animaux de ferme ne sont pas maltraités par les agriculteurs au premier chef. Les situations majoritaires que traitent les 3 dindes concernent des particuliers. "Ce qui nous choque le plus, poursuit Isabelle, c'est que lorsqu'on les appelle et qu'on leur dit votre poney est à l'abandon, il est maigre, il faut faire quelque chose, leur réaction, c'est : "qui m'a dénoncé ?". Ils se fichent de ce qu'on leur dit sur l'animal, ils répondent : "Laissez moi tranquille, c'est mon animal, je fais ce que je veux". Ils s'en fichent en fait. Leur seule préoccupation, c'est de savoir qui les a dénoncés".
Parrainages et familles d'accueil
Nathalie, comme Lisa et Isabelle s'occupe à temps plein des animaux. A leurs côtés, 4 salariés et de nombreux bénévoles. Six jeunes en service civique font aussi partie de l'effectif. Anaëlle Picavet a passé plusieurs mois en service civique, elle vient d'être recrutée. Elle s'occupe plus particulièrement des familles d'accueil.
"On a une prise contact, si le profil nous intéresse, on fait une visite préalable et on décide de l'animal qui conviendrait le mieux pour cette personne ou cette famille. Ce sont des animaux qui ont énormément souffert, qui ont subi l'homme. Donc on préfère toujours avoir la main sur eux. L'animal est comme s'il était à eux mais il reste à notre nom au cas où on aurait un jour besoin de leur éviter un deuxième malheur".
"Ce qui me touche, c'est de voir à quel point ils ne sont pas rancuniers. On ne voit pas toujours ce qu'ils ont vécu, ils ne le portent pas forcément sur eux... Mais on voit que rien n'est perdu ! ajoute Anaëlle en distribuant des céréales aux moutons et poneys qui se pressent autour d'elle.
Ce sont principalement des dons de particuliers et des subventions d'associations privées qui permettent aux "3 dindes" de recueillir et de soigner ces animaux. Les bénévoles ont un rôle prépondérant, mais d'autres possibilités de soutien existent comme l'engagement à titre de famille d'accueil ou le parrainage... Chacun peut parrainer son animal favori ou un animal nécessitant des soins quotidiens, qu'il veut aider à guérir.
Même les plus petits dons sont les bienvenus. "Il n'y a pas de petits gestes quand on est 7 milliards à les faire" mentionne le site très documenté des 3 dindes. Site sur lequel on retrouve notamment des nouvelles des pensionnaires.