Jugé à Paris, l'ancien employé municipal de Montauban a été reconnu coupable d'apologie de terrorisme et d'incitation en ligne à des actions violentes. Il a écopé, ce 17 février 2023, de 5 ans de prison dont 2 avec sursis probatoire.
Le tribunal correctionnel de Paris a rendu son jugement dans la soirée, ce vendredi 17 février 2023, à Paris. Dominique D., jardinier municipal à Montauban dans le Tarn-et-Garonne et adepte de l'idéologie d'ultradroite, a été reconnu coupable d'apologie de terrorisme et d'incitation en ligne à des actions violentes. Il a également été reconnu coupable de détention illégale d'armes. Il écope de trois ans de prison ferme.
Condamné au terme de deux jours d'audience
Le procès aura duré deux jours du 16 au 17 février 2023. Dominique D. était en détention à la prison de la Santé à Paris depuis 15 mois, et il encourait sept ans d'emprisonnement. Après quatre heures de délibéré, la Chambre spécialisée dans les affaires de terrorisme a infligé au jardinier de Montauban, cinq ans de prison, dont deux avec sursis probatoire comprenant une obligation de soin.
Dominique D. a également été condamné pour acquisition et détention illégale d'armes ainsi que d'explosifs. Sans lien toutefois avec une entreprise terroriste, d'où son procès devant le tribunal correctionnel de Paris et non les Assises. Peine prononcée : une interdiction de détention d'arme pendant 15 ans et une interdiction définitive d'exercer toute fonction publique.
Je regrette profondément mes actes qui pouvaient pousser des personnes à commettre l'irréparable.
Dominique D. à l'audience
Six ans d'emprisonnement avaient été requis à l'encontre de Dominique D. Selon la procureure, ce partisan d'ultradroite était allé "plus loin que l'apologie du terrorisme" en réalisant et diffusant un manuel de 19 pages : un "guide pratique pour ceux qui adhèrent à l'idéologie de l'ultradroite et veulent passer à l'action".
Impossible d'ailleurs selon elle, de ne pas reconnaître l'adhésion du prévenu à l'idéologie "polymorphe" d'ultradroite, regroupant thèses néo nazies, suprémacisme blanc, accélérationnisme et survivalisme.
Faits reconnus au procès
À 47 ans, Dominique D. mène en apparence une vie tranquille. Il est employé municipal en charge des espaces verts auprès de la ville de Montauban. Et dans le même temps, il publie entre 2019 et 2021 des appels à des assassinats ciblés, de la propagande nazie et des vidéos d'exécutions sur une chaîne de la messagerie Telegram, baptisée "Jusqu'en Enfer".
Lors de l'audience au tribunal correctionnel de Paris, Dominique D. a reconnu avoir été l'administrateur de chaînes publiques Telegram sur lesquelles il diffusait de la propagande nazie, antisémite et raciste appelant à des assassinats ciblés. Outre des montages vidéos d'exécutions, il y partageait des portraits de tueurs d'extrême-droite, dont le Norvégien Anders Behring Breivik.
Le visionnage de l'ultra violence était devenu, pour lui, une drogue (...) et il s'est enfermé là-dedans.
Me Séverine Lheureux, avocate de Dominique D.
Interpellé en novembre 2021 et placé en détention provisoire, l'agent municipal était dans le viseur de la Direction générale de la sécurité intérieure pour ses publications qui lui ont valu d'être poursuivi pour "provocation directe par un moyen de communication en ligne à un acte de terrorisme et d'apologie publique d'un acte de terrorisme", rappelait le parquet national antiterroriste de Paris avant l'ouverture de ce procès.
De nombreuses armes et munitions avaient été saisies à son domicile lors des perquisitions : "il y avait notamment des fusils, des carabines, des pistolets, un revolver, des lunettes de tirs, des cartouches… Ont également été retrouvés de la poudre noire, des mèches d’artifice, des inflammateurs", précisait le parquet.
Mais, l'enquête ouverte notamment pour "association de malfaiteurs terroriste", n'a finalement pas permis d'établir un passage à l'acte violent.
Les déclarations de l'accusé durant le procès
Qu'est-ce qui dans sa vie a pu le faire "vriller" ? La mort de son père quand il avait neuf ans ? Le décès de son neveu en 2014 ? Une vie un peu passive où il finira par contracter un mariage blanc avec la belle-fille de sa compagne camerounaise ? Face aux juges, Dominique D. ne sait que dire. Il bredouille : "c'est vrai que j'étais à 300 mètres quand ça a eu lieu l'attentat de Mohamed Merah", et "j'ai un petit ressentiment envers l'islam".
En 2020, il devient accro à des vidéos relayées par des groupes identitaires. "C'est plus le côté défouloir, subversif, qui m'a plu. C'était tellement extrême et exagéré que ça en devenait risible, dit il devant le tribunal, avec un air pataud. Je ne suis ni antisémite ni raciste", essaye-t-il de se défendre.
C'était le plaisir de choquer, de me sentir exister. J'étais dans une bulle, c'était dématérialisé, j'ai relayé des trucs bien crados auxquels je ne crois pas.
Dominique D.
Il assure n'avoir lu qu'en diagonale les textes relayés, qu'il n'a fait que du copier-coller dans des montages, non sans rappeler pourtant ceux de jihadistes qui sont, selon lui, une forme "d'amour du graphisme".
"Les publications sont indiscutables", reconnaissait Me Séverine Lheureux à la veille de ce procès. Mais l'avocate de Dominique D. soutenait que son client n'avait aucune intention "de mettre en œuvre ce que prônaient ces publications."
Autre prévenu
En novembre 2021, un deuxième homme est interpellé dans la foulée du jardinier de Montauban. Il s'agit de Didier B., 61 ans, habitant en Gironde. Les deux hommes se sont connus via les réseaux sociaux, et ont échangé à de nombreuses reprises par messages sur la vente d'armes.
Ancien chauffeur de poids lourd, il a été condamné à trois ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis probatoire, pour avoir acquis et détenu illégalement des armes, ainsi que pour en avoir vendu à Dominique D.
Avec AFP.