Des cadres d'Emmaüs ont-ils pris 57 000 euros dans la caisse de l'association ? Un fonctionnement "brumeux" exposé au tribunal

Douze mois de prison ont été requis contre le directeur d'Emmaüs Tarn-et-Garonne. Il était jugé avec son ancien adjoint, ce mardi 28 novembre 2023, pour abus de confiance et blanchiment, soupçonnés d'avoir participé à un trou de trésorerie de 57 000 euros dans les caisses de l'association.

Où sont passés les 57 000 euros disparus des caisses d'Emmaüs Tarn-et-Garonne entre 2017 et 2023 ?  C'est sur cette question que s'est penchée ce mardi 28 novembre 2023, le tribunal de Montauban, lors du procès pour détournement de fonds de deux responsables de l'association caritative, accusés d'abus de confiance et de blanchiment. Leurs épouses étaient également poursuivies, notamment pour «blanchiment aggravé».

Au cours de l'audience qui a duré sept heures, "le directeur et le directeur adjoint d'Emmaüs en Tarn-et-Garonne, qui nient être à l'origine de cette disparition de fonds, ont dû se justifier sur le dépôt de sommes en liquide bien plus importantes - dépassant les 140.000 euros au total - sur des comptes leur appartenant".

Un mode vie atypique

Devant le tribunal, Christian C., le fondateur de l'association et son actuel directeur, âgé de 54 ans, a expliqué la façon dont les recettes de l’association sont traitées à l’époque des faits, au jour le jour; le manque de rigueur, la manipulation de fortes sommes en liquide, les tickets de clôture des comptes quotidiens qui ne correspondent pas aux remises en banque... tout un fonctionnement… brumeux. "Je suis sûr de n'avoir rien pris à Emmaüs. Ni moi, ni mon collègue", a-t-il assuré.

Christian.C et sa femme ont aussi raconté leur mode de vie communautaire : leur maison ouverte à qui le souhaite. L’accueil pour quelques jours ou quelques mois (voir années) d’invités ou de simples passants. Et qui laissent leur obole, 400 euros en moyenne par mois. Certains ont plutôt parlé de loyers. 

Ils ont évoqué aussi la générosité de la famille de Mme Mika. C : une famille finlandaise, très aisée, qui envoie des enveloppes conséquentes pour les étrennes, les anniversaires et les Noël et toujours en liquide... et fait des virements de milliers d’euros. 

Des oboles et des cadeaux qui, selon le couple, expliquent en partie les sommes en espèces qui apparaissent sur leur compte. 

Christian.C, a aussi relaté sa peur de laisser ses économies à la banque, sa peur de manquer aussi, qui le pousse à conserver ses économies en liquide chez lui. Des explications qui mettent en exergue un mode de vie pour le moins atypique. 

Ne pas nuire à l'image de l'association

Le directeur a reconnu "avoir pris conscience de la disparition de fonds mais ne pas avoir souhaité faire de signalement, notamment pour ne pas nuire à l'image de l'association."

Mais c'est en 2019, après le signalement par un expert-comptable d'un "trou" de 57.000 euros dans les comptes, que le président d'Emmaüs Tarn-et-Garonne avait déposé une plainte. Les enquêteurs ont par la suite exclu une possible "erreur de comptabilité".

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Hier, la longue audience et les questions posées par la présidente ont permis à chacun de s'exprimer. Le procureur a requis 12 mois de prison avec sursis, à l'encontre du directeur, huit mois avec sursis à l'encontre du directeur adjoint et six mois avec sursis pour chacune de leurs épouses. Ces dernières sont poursuivies  notamment pour "blanchiment aggravé", "car les espèces ont été déposées sur des comptes joints ou des assurances-vie".

Angèle Feres-Massol, avocate de l'association a demandé devant le tribunal le remboursement des fonds disparus qui pèse toujours sur la trésorerie actuelle d'Emmaüs. "C'est une association en relation avec le public pour les dons, en lien avec les institutions, qui doit avoir une direction complètement transparente et sans qu'ils puissent avoir le moindre soupçon sur la direction", a-t-elle déclaré auprès de France 3 Occitanie.

Mais pour la défense qui a plaidé la relaxe des deux principaux accusés, aucun élément supplémentaire ne prouve le détournement de fonds. 

"La tentation était grande d'acter une carence financière qui n'est contestée par personne mais qui pouvait peut-être trouver d'autres explications que celles de la pénalisation du dossier, a souligné Amélie Piazzon, avocate du directeur adjoint, Hrachya.H. Et que l'on a voulu peut-être un peu trop rapidement appuyer un lien de causalité entre cette somme manquante dans la comptabilité et des sommes versées sur le compte d'autres protagonistes et d'en déduire, un abus de confiance, un blanchiment et un détournement d'espèces". 

Le tribunal rendra sa décision le 16 janvier prochain à 14h.

 (Avec Pascale  Félix et AFP)

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