Guerric Jehanno, déjà condamné deux fois à trente ans de prison pour le viol et le meurtre d’Amandine Estrabaud en 2013, est jugé cette semaine à Montauban après avoir obtenu pour vice de procédure la casse du verdict d’appel. L'accusé est apparu comme éteint au premier jour de son procès lundi 22 janvier.
Guerric Jehanno, déjà condamné deux fois à trente ans de prison pour le viol et le meurtre d’Amandine Estrabaud en 2013, est jugé cette semaine à Montauban après avoir obtenu pour vice de procédure la casse du verdict d’appel. L'accusé est apparu comme éteint au premier jour de son procès ce lundi 22 janvier.
Au premier jour d'audience de ce nouveau procès, l'accusé est apparu calme, presque effacé, ne regardant à aucun moment la famille d'Amandine Estrabaud et jetant des regards furtifs à sa propre famille.
Décrit comme "impulsif"
La défense a souligné les incertitudes du témoignage d'une voisine, central pour l'accusation mentionne l'AFP. Pour ce troisième procès, l'accusé de 35 ans a gagné en corpulence. Sous un nez busqué, son menton tremble quand la présidente Marie Leclair fait prêter serment aux jurés. "Vous jurez (...) de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent", dit-elle, et l'accusé se met à pleurer. Tatouage derrière l'oreille droite, pull bleu canard, il passe le reste de la matinée comme anesthésié, ne réagissant pas quand la présidente, qui récapitule les faits, dit qu'on le décrit comme "impulsif" et "capable de violences".
Pour ce procès, les jurés sont au nombre de neuf, dont sept hommes, la défense ayant récusé les femmes d'un âge proche de la victime. Amandine Estrabaud avait 30 ans lorsqu'elle a disparu le 18 juin 2013, après avoir quitté à pied le lycée de Castres où elle était surveillante, pour rentrer chez elle à Roquecourbe, village où habitait aussi l'accusé.
52 suspects écartés
Avant de désigner Guerric Jehanno, au bout de trois ans d'investigations, les enquêteurs ont d'abord écarté 52 suspects. Il est le seul dont le profil coche toutes les cases : il connaissait la victime, vue en train de faire entrer un homme chez elle ; son alibi ne tient pas ; la tenue de travail et le véhicule de l'entreprise pour laquelle il travaillait sont similaires à ceux aperçus par une voisine d'Amandine ce jour-là.
Ce pantalon et ce camion, justement, sont au cœur des débats lundi. Questionnée par la défense, la voisine Karine B., qui témoigne en visioconférence, convient alors n'avoir jamais vu le vêtement saisi lors de la perquisition chez Guerric Jehanno.
"Une opportunité extraordinaire"
Ni une, ni deux, l'huissière le sort des scellés et la voisine est formelle: il n'est pas de la bonne couleur, même s'il est identique à celui porté par Guerric Jehanno sur une photo où elle l'avait formellement reconnu. Quant au camion, elle maintient n'avoir jamais été certaine quant au modèle qu'elle a aperçu garé devant le domicile de la victime.
Et puis, l'homme qu'elle a vu près d'Amandine ce jour-là, elle l'a vu de dos. "Je ne peux pas dire que ce n'est pas Guerric Jehanno, ni dire que c'est Guerric Jehanno", s'énerve-t-elle face aux avocats des parties civiles, dont Guy Debuisson.
Si elle assume la plupart de ses propos de l'époque, elle estime que les enquêteurs l'ont parfois "induite vers une réponse". "Je n'aime pas votre ton", rétorque-t-elle à Pierre Debuisson qui souligne qu'elle a signé le procès-verbal.
"Affronter le regard de cet assassin"
Pour la défense, ce procès "est une opportunité extraordinaire de faire passer peut-être enfin le message que nous essayons de faire passer, affirme Marie-Hélène Pibouleau, avocate de Guerric Jehanno. Ayant repris une énième fois la lecture de l'intégralité du dossier et la lecture des divers procès-verbaux d'auditions, de constatations, nous sommes d'autant plus convaincus de l'innocence de Guerric Jehanno".
"Guerric Jehanno a été condamnée deux fois à 30 ans, martèle de son côté Pierre Debuisson, avocat de la famille d'Amandine Estrabaud. Tous les jurés ont considéré qu'il était coupable. La cassation n'intervient que parce qu'il n'y a qu'une simple erreur de forme d'un greffier de la Cour d'assises en appel qui a mal retranscrit le jugement des jurés".
"Ça entraîne des conséquences dramatiques pour la famille qui doit encore affronter ces dénégations de la défense qui ose affirmer qu'Amandine Estrabaud est toujours vivante, poursuit-il. Ce qui est absolument hallucinant et insupportable pour cette famille qui est là pour affronter encore le regard de cet assassin".
Au-delà des doutes soulevés lundi, certains faits semblent confondre Guerric Jehanno, âgé de 25 ans au moment du drame. En détention provisoire, il a avoué avoir commis le crime auprès de quatre codétenus qui devraient être entendus dans les heures à venir.
À celui qui partageait sa cellule depuis deux jours, il a même dessiné deux plans, montrant où il aurait caché le corps et où il aurait jeté à l'eau les bijoux que portait la jeune femme, pour que les détecteurs de métaux ne les repèrent pas.
Sur le plan apparaît un prénom: "Amandine". Il a expliqué ensuite aux enquêteurs qu'il avait fait ces aveux sous pression et que ces plans ne désignaient que des coins où il aimait cueillir des champignons et pêcher.
En outre, certains détails ne collent pas. Comme lorsqu'il dit avoir joué ce soir-là avec sa playstation, quand les données de la console indiquent que c'est la seule soirée de la semaine où il n'y ait pas touché. Dans une affaire où le corps n'a jamais été retrouvé et où l'avocat général en avait appelé, en première instance, à l'"intime conviction" des jurés, l'issue de ce 3e procès reste incertaine.