"Je n'aurais jamais imaginé vivre cela dans mon propre pays" : un journaliste à nouveau ciblé par un message violent et d'intimidation

Le journaliste Max Lagarrigue, à nouveau victime d’un message particulièrement menaçant et violent sur les réseaux sociaux, le jour du procès de l’agriculteur Pierre-Guillaume Mercadal, le 25 juin dernier. L’éleveur était jugé pour des faits d'outrage et de harcèlement en récidive.

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Le jour du procès de l’agriculteur Tarn-et-Garonnais, le 25 juin 2024, le journaliste de la Dépêche du Midi, Max Lagarrigue, partie civile dans ce dossier, reçoit sur son compte Intagram un message "assimilé à une menace de mort". Une photo d’un homme armée visant une cible accompagne le texte.

Escorté par six policiers

"Donc, le jour du procès mardi dernier, je reçois une notification sur mon compte Instagram. Je n'ai pas trop focalisé sur le message au départ. Et puis, quand je l'ouvre, il y a un message privé d'un individu qui a une arme de poing et qui sort visiblement d'un stand de tir, qui est en train de tirer".

Suite à ce message, le journaliste informe les autorités. "On s'est posé la question si j'allais aller finalement au tribunal, dans ces conditions. Cela faisait un moment que j'attendais l'audience, je ne voulais pas quand même me retrouver dans la situation de ne pas pouvoir rester au procès".

Le journaliste a donc été escorté par six policiers au tribunal, empruntant une porte dérobée craignant la présence de l’individu porteur du message, évitant par la même occasion un comité d’accueil "puisqu'il y avait une quarantaine de militants de la coordination rurale qui étaient là en soutien de Pierre-Guillaume Mercadal, ils avaient lancé l’appel à la mobilisation durant le week-end".

"C'était quelque chose d'assez difficile à vivre, escorté par la police durant 6h10 de procès".

Une nouvelle plainte déposée

Le journaliste a déposé plainte, une plainte prise très au sérieux par le parquet de Montauban (Tarn-et-Garonne) qui a ouvert une enquête. "En fait, c'est allé beaucoup plus vite que les fois dernières."

"Le commissariat de Montauban a effectué des réquisitions car l’individu a écrit ce message en empruntant un pseudonyme. L’individu a été très vite identifié  Donc, quand j'ai déposé plainte le lendemain, à la demande du parquet, pour menace de mort, j'avais le nom de la personne qui était titulaire de ce compte. Je n’ai pas déposé plainte contre X mais contre cet individu".

A lire : Procès de l'agriculteur Pierre-Guillaume Mercadal. Cochons, harcèlement et réseaux sociaux : "les idées choquantes doivent être admissibles en démocratie" estime son avocat

La personne en question a publié le message depuis son poste de travail, situé à plus de 600 kilomètres du département : "Cela m'a mis un coup parce que, sachant que je savais qu'il n'habitait pas dans le Tarn-et-Garonne et qu'il habitait quand même assez loin, s'il est vraiment venu au procès et qu'il s'était présenté au tribunal pour l'audience... Oui, la menace n'était pas qu'une menace venant des réseaux sociaux".

Une menace sérieuse, un sentiment d’insécurité pour lui et sa famille

Pendant plusieurs mois avant la date du procès, Max Lagarrigue était protégé par les forces de l’ordre avec une surveillance accrue de son domicile. La menace est permanente explique le journaliste,"vous partez, vous essayez de ne pas partir avec un véhicule du journal, pour ne pas que l'on vous identifie. Quand vous rentrez chez vous, vous faites un tour de sécurité pour voir si on ne vous suit pas…Bon je ne veux pas dramatiser. Je ne suis pas parano, je suis journaliste et il arrive que l'on soit menacé après des audiences mais cela se passe en face à face. Mais là, on a affaire à des gens qui sont partout, qui vous attaquent de tous bords et vous ne comprenez pas ce qui vous arrive. Donc ça crée un climat vraiment délétère qui est assez impressionnant, que je ne pensais pas vivre, en 15 ans de métier cela ne m’était jamais arrivé.

"Moi, je fais mon travail de journaliste, il s’étonne de la tournure qu’a prise cette affaire qui au départ vient d’une querelle de clochers, une histoire de chemin rural entre un ressortissant anglais qui est installé là depuis 28 ans et l’éleveur Mercadal. Moi, je l'ai suivi sur deux procès, déjà, Pierre-Guillaume Mercadal. Il est toujours dans l'outrance et en disant qu'on a voulu essayer de l'assassiner".

"Je recevais régulièrement des messages de personnes qui sont proches de Mercadal, qui me disaient « Pourquoi tu ne fais pas de papier sur la cagnotte?"Puisqu'il avait lancé deux cagnottes qui auraient rapporté près d'un million d'euros quand même". Alors, effectivement, j'ai fait un article, en me posant la question, que fait-il de cet argent ?"

Menaces, intimidations, le journaliste s’est interrogé sur le fait d'arrêter ou non de travailler sur ce dossier. Sa famille très préoccupée le soutien malgré les tensions et les nombreuses discussions sur le sujet qui empoisonne  le quotidien et envahie la sphère intime, familiale.

"Alors je suis peut-être un peu têtu… je ne vois pas pourquoi j'arrêterais de travailler sur un sujet parce qu'on essaie de m'intimider,  je ne  pense pas qu'on soit encore dans un état comme la Russie".

Soutien de sa direction et de la profession

"Je reçois de nombreux messages de soutien de confrères de différents médias, cela m’encourage. Les enquêteurs sont toujours surpris de la forte confraternité qui existe dans notre métier".

Le Syndicat National des Journalistes (SNJ), la CGT, l’Association de la Presse Juridique(APJ) syndicat, tous soutiennent le journaliste victime de menace dans l’exercice de sa profession. "Une menace insupportable" que les organisations syndicales condamnent vivement cet "acte ignoble et délictueux. Nous apportons bien évidemment tout notre soutien."

L’éleveur de cochons laineux du Tarn-et-Garonne, Pierre-Guillaume Mercadal a été jugé le 25 juin dernier pour des faits d'outrage et de harcèlement en récidive. Le procureur de la République a requis huit mois de prison avec sursis probatoire de vingt-quatre mois et 10.000 euros d'amende à l'encontre de l'éleveur. Une indemnisation des victimes a également été réclamée. Le tribunal rendra sa décision le 26 juillet prochain. 

Quatre cibles dans ce dossier

Pierre-Guillaume Mercadal a multiplié ses actions malveillantes. En février 2024, il s'en prend à l'ancien ministre et maire de Valence d'Agen, Jean-Michel Baylet, qu'il poursuit sur le marché. Une policière qui tente de s'interposer est, elle aussi, malmenée et injuriée. Et un journaliste de La Dépêche du Midi est victime d'une campagne de haine orchestrée là encore par l'éleveur et Papacito.

Papacito, de son vrai nom Ugo Gil Jimenez, a été condamné à 5 000 euros d'amende, le 26 avril 2024, pour injures publiques homophobes et provocation à la haine envers le maire de Montjoi.

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