VIDEO. En quête de réponses sur son histoire familiale, un couple de Tsiganes se rend à Auschwitz, sur les traces de la deuxième guerre mondiale

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Alain et Maria Daumas, Tsiganes et Montalbanais, en quête de réponses sur leur passé familial, préparent leur voyage jusqu'à Auschwitz. Lors d'un repas en famille, le petit-fils, intrigué, pose la question à son grand-père : "Papou, ton père et ta mère ils étaient où pendant la guerre ?" ©France télévisions/Les films de l'aqueduc

Alain et Maria Daumas, Tsiganes, en quête de réponses sur leur histoire familiale, décident de faire le trajet en camping-car, de Montauban dans le Tarn-et-Garonne jusqu'à Auschwitz en Pologne. Se rendre sur les lieux de la 2ème guerre mondiale, interroger les derniers témoins du génocide tsigane. Jusqu'où ce voyage va-t-il les mener ? Le documentaire, "Tsiganes, le grand silence", nous embarque dans leur périple.

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"Tsiganes, le grand silence", un film de Catherine Bernstein à voir le jeudi 12 septembre 2024 à 22h50. Une coproduction France 3 Occitanie et les films de l’aqueduc, avec la participation d’Histoire TV et le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.

France 3 Occitanie a obtenu pour ce film, la mention spéciale du jury dans la catégorie documentaire du Prix CIRCOM 2024.

Un homme visionne des archives de la seconde guerre mondiale et de la déportation, lorsqu'il se fige sur une photo qui montre le visage d'une fillette dans l’entrebâillement d’une porte d’un wagon de marchandises. Sa tête est coiffée d'un grand foulard blanc. 

La photo, révélée notamment dans le film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, est tristement célèbre. Elle a longtemps été un symbole de la souffrance des juifs, jusqu’à ce qu’un journaliste découvre en 1994 l’identité de la jeune fille : Anna-Maria Settela Steinbach avait 9 ans. Elle était Tsigane et Hollandaise.

De Montauban à Auschwitz

Dans leur maison à Montauban, la carte étalée sur la table, Alain et Maria suivent du doigt le chemin qu’ils vont parcourir en camping-car, jusqu’à Auschwitz en Pologne. Un trajet de 2300 kilomètres ponctué de différentes étapes comme : Montpellier, Marseille, le camp de Struthof, Strasbourg, Heidelberg, Nuremberg.

Ce que nos parents ne nous ont pas dit, on va essayer de le découvrir.

Maria Daumas

Un des petits-enfants demande "Papou, ton père et ta mère, ils étaient où pendant la guerre ? Ma mère était à Noé internée dans un camp, et mon père avait pris le maquis du côté de Figeac" explique Alain. Il poursuit son histoire, racontant à son petit-fils comment ils ont été dépouillés de tous leurs biens, des caravanes, jusqu'aux chevaux, et comment une fois libérés, ne pouvant rien récupérer, ils ont dû repartir de zéro.

À part ces bribes d'histoire, Alain et Maria en savent peu sur leur passé familial "ça va être une découverte, nos parents ne nous ont rien dit" confirme Maria à sa petite-fille. Se rendre sur les lieux, interroger les derniers témoins du génocide tsigane pour retrouver la trace des leurs, anéantis pendant la seconde guerre mondiale, c'est le but du voyage.

Dérouler le fil de l'histoire familiale

Anna-Maria Settela Steinbach est morte à Auschwitz en août 1944, avec sa mère, ses frères et sœurs, Settela était son prénom Sinti. Les Sinti, sont des Tsiganes vivant principalement en Allemagne, Autriche et Italie du Nord. 85 % d’entre eux furent exterminés par les nazis lors de la seconde guerre mondiale. 

C’est la pelote de cette mémoire, celle de leur famille, victime du génocide tsigane, qu’Alain et Maria Daumas vont tenter de dérouler pour remonter le fil de leur histoire. Tous deux sont Français et Tsiganes. Ils vivent à Montauban dans le Tarn-et-Garonne, entourés de leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Alain est Sinti par son père et Gitan par sa mère. Il fut un temps où ils étaient appelés les Nomades. "Aujourd'hui, nous sommes tous devenus Roms" précise Alain.

Sur les traces du génocide des Tsiganes

Occultées et ignorées de l’histoire et de la justice, exclues de la mémoire collective, les victimes du génocide tsigane se sont renfermées dans leur mutisme. Il a fallu attendre soixante ans, pour que la parole se libère enfin.

En Europe, pendant la 2ème guerre mondiale, entre 250 000 et 500 000 Tsiganes, hommes, femmes et enfants, ont été exterminés par le régime nazi.

Face aux atrocités subies, comme la plupart des survivants de l’horreur nazie, ils se sont tus, aussi par honte et culpabilité. Mais, un troisième facteur a contribué à maintenir ce silence pendant si longtemps : dans la culture tsigane, les morts occupent une place particulière. On n’en parle pas ! Ou du moins, seulement dans un contexte soumis à des rites particuliers, tous empreints d’une forte tradition.

Toute leur vie, Alain et Maria ont lutté contre les injustices. Alain est devenu un grand défenseur des droits de l’homme. À plus de 70 ans, et après une vie passée sur les chantiers de construction, il prend enfin sa retraite. Il n'a désormais plus qu’une seule envie : se rendre à Auschwitz, sur les traces du génocide, pour comprendre et rechercher des informations sur son passé familial.

Un road-movie en camping-car

Le jour du départ, au moment des "au revoir", les enfants sont là. Tandis qu’Alain fait démarrer le camping-car, Maria essuie une larme.

Tout au long de la route, les souvenirs remontent. Retour en 1971.  "J’avais à peine 18 ans" raconte Alain. "Mon père m’a abandonné là. Ça a été un moment fort de ma vie. Même pas une petite pièce pour m’acheter à manger. Rien. C’était débrouille-toi". Arrivé à Marseille, il montre à Maria depuis la route, l'endroit où il a ensuite travaillé.

Les paysages défilent. Sur le chemin, parmi les rencontres prévues, il y a Rosette. Déportée juive en 1944 dans le camp d’Auschwitz elle a assisté à la venue de tous les Tsiganes. Se souviendra-t-elle ? Sera-t-elle en mesure de leur donner quelques réponses ?

Rosette apparaît sur le pas de la porte. "C’est vous qui êtes Rom ? Ça ne se voit pas" dit-elle à Alain. Mais vous alors (...)", s'adressant à Maria, avant de se lancer dans un récit, fort en émotions.

Alain sort de sa poche son ancien carnet de circulation qui était imposé aux forains et tsiganes français. Toutes celles et ceux qui en étaient munis, devaient pointer tous les 3 mois au commissariat de police ou à la gendarmerie. Il n’est plus en vigueur aujourd’hui, mais Alain l'a toujours à portée de main. À l’intérieur, il garde précieusement la photo de Settela qu'il montre à Rosette : "Je suis à la recherche de sa mémoire" explique-t-il. 

Cette petite, c’est un peu tout ce qu'il nous reste.

Alain Daumas

La route se poursuit. Struthof, Auschwitz, Birkenau, jusqu’où cette quête va-t-elle les mener ? Alain et Maria pourront-ils ressusciter le passé pour rétablir la mémoire et s’apaiser enfin ?

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