Marie-Christine Boutonnet, eurodéputée du Front National (désormais RN) et ancienne conseillère municipale de Gaillac (Tarn), comparaît ce lundi 30 septembre 2024 dans l'affaire d'emplois présumés fictifs d'assistants parlementaires européens. À 75 ans, elle devra répondre d'accusations d'abus de confiance et de détournement de fonds publics.
Elle comparaît ce lundi 30 septembre 2024 devant la justice, aux côtés de 24 autres prévenus de son parti, dont Marine Le Pen, dans l'affaire des emplois présumés fictifs d'assistants parlementaires européens. Âgée de 75 ans, Marie-Christine Boutonnet n'attirera sûrement pas l'attention médiatique. Mais cette figure discrète du parti frontiste et ancienne conseillère municipale de la ville de Gaillac (Tarn) devra répondre, elle aussi, des accusations d'abus de confiance et de détournement de fonds publics européens jusqu’au 27 novembre.
Le rendez-vous avec la justice dans ce dossier fut manqué ou plutôt fut évité par Marie-Christine Boutonnet. Malgré son absence lors de sa première convocation par les juges en mars 2017, l'élue tarnaise fut mise en examen quelques semaines plus tard, au mois de juin. L'attention des enquêteurs se porte sur l'emploi de son assistant parlementaire, Charles Hourcade, soupçonné d'avoir occupé un poste fictif entre septembre 2014 et février 2015 au sein de l'institution européenne.
Loin du Tarn, quotidiennement présent au siège du FN
Comme le rapporte l'ordonnance de renvoi des juges d'instructions, mis en ligne par le média Blast, l'enquête menée par le Parlement européen et les autorités judiciaires a mis en lumière une série d'incohérences et d'irrégularités dans l'emploi de Charles Hourcade comme assistant parlementaire de Marie-Christine Boutonnet.
Le contrat d'Hourcade stipulait un emploi à temps plein basé à Albi (Tarn), à l'adresse de la députée, pour un salaire brut de 4064 euros brut par mois. Cependant, son domicile se trouvait à Boulogne, soit à plus de 600 km de distance. Cette configuration rendait peu plausible un travail effectif et régulier pour la députée européenne.
Les preuves fournies par Boutonnet se sont avérées insuffisantes pour démontrer le travail effectif d'Hourcade en tant qu'assistant parlementaire.
D'ailleurs, les données de badgeage au siège du FN à Nanterre ont révélé qu'entre le 18 et le 28 février 2015, Charles Hourcade était présent dans les locaux du Front national quotidiennement, avec une moyenne de présence de 6h53 par jour. Bien loin des terres de Jaurès, du Parlement européen ou de Marie-Christine Boutonnet.
"Cela ne m'a pas paru incompatible"
Madame Boutonnet admettra que Monsieur Hourcade travaillait à temps plein sous les ordres de Florian Philippot, responsable du pôle communication du FN, réalisant des tracts, des plaquettes publicitaires et des affiches. Le principal intéressé reconnaîtra n'avoir effectué aucune tâche pour la députée ni aucun déplacement au Parlement européen affirmant avoir été mis "devant le fait accompli".
La députée européenne reconnaîtra que son assistant travaillait en réalité pour le FN pendant la période où il était employé comme assistant parlementaire. Lors de son interrogatoire, elle déclare : "J'avais embauché M. Hourcade qui est graphiste car j'avais l'intention de faire un journal mensuel (...) Il se trouve qu'effectivement on n'a pas eu le temps de s'occuper de ça et c'est moi-même qui ai proposé à M. Hourcade de travailler ponctuellement pour le Front National (...) Je l'ai donc mis, avec son accord et sur ma proposition, à disposition du FN. Il n'a donc pas du tout travaillé pour moi mais seulement pour le FN". Elle a ajouté : "Cela ne m'a pas paru incompatible dès lors que je suis députée du FN, élue par les électeurs".
À cette affirmation, Charles Hourcade opposait : "je ne suis pas au courant de tout ça mais d'un mois à l'autre j'étais l'employé du FN et le mois d'après j'étais l'employé de Marie-Christine Boutonnet que j'ai croisée dans les couloirs et qui m'a dit que désormais je dépendais d'elle, que j'étais sous ses ordres. Je n'ai pas eu plus d'explications que ça."
Trois millions d'euros de préjudice
L'affaire a débuté en 2015 par un signalement du président du Parlement européen Martin Schulz et concerne de très nombreux contrats d'attachés parlementaires sur une période de plus de dix ans (2004-2016).
Aux côtés de Marie-Christine Boutonnet, vont comparaître huit autres anciens eurodéputés du Front national (rebaptisé RN), dont Marine Le Pen, Louis Aliot, aujourd'hui vice-président du RN, l'ex-numéro 2 du parti Bruno Gollnisch, ou encore le député et porte-parole du RN Julien Odoul.
Avec eux, 12 personnes ayant été leurs assistants parlementaires et quatre collaborateurs du parti seront aussi jugés dans ce procès prévu trois demi-journées par semaine jusqu'au 27 novembre.
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"Nous n'avons rien à nous reprocher dans cette affaire", déclarait dans le Parisien mi-septembre Marine Le Pen, 56 ans, disant tenir à expliquer à la barre que les assistants parlementaires ne sont "pas des salariés du Parlement européen" et ont "évidemment vocation, pour un certain nombre d'entre eux, à faire de la politique".
"Ce n'est pas un procès politique car les juges ne font pas de politique, mais c'est un règlement de compte politique de la majorité du Parlement européen", abonde auprès de l'AFP Me Alexandre Varaut, avocat et député européen RN.
Le Parlement européen, partie civile, a évalué son préjudice financier à trois millions d'euros. Il ne réclamera que deux millions, un million ayant déjà été remboursé (ce qui n'est pas un aveu de culpabilité, a assuré le RN).