Autoroute Castres-Toulouse : Infractions, mises en demeure, les opposants à l'A69 pointent le manque de sanction sur le plan administratif de l'État

À quelques jours de l'examen par la justice d'un recours réclamant l'annulation du chantier de l'A69, les opposants au projet autoroutier Castres-Toulouse, pointent "un nombre d'infractions record" à l'autorisation environnementale du chantier et dénoncent le manque de sanction administrative de l'État. Des infractions qui intéressent aussi la justice sur le plan pénal.

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"Six mises en demeure, 29 rapports au manquement". Les collectifs d'opposants, au chantier de l'A69 notamment La Voie Est Libre, pointent dans une nouvelle communication publiée sur Facebook, un nombre "d'infractions record" du concessionnaire Atosca au droit environnemental.

Ils accusent notamment l'État, représenté par la préfecture du Tarn, de ne prendre aucune sanction administrative et de "piétiner son propre contrat", à savoir l'arrêté interdépartemental du 1er mars 2023 dit "autorisation environnementale" concernant la liaison autoroutière de l'A69 qui doit relier Castres (Tarn) à Toulouse (Haute-Garonne).

Exemple. L'une de ces six mises en demeure, auxquelles s'ajouterait une septième, concerne la coupe illégale d'arbres intervenue le long de la route de la Crémade, près de Saïx, dans le sud du Tarn. 

Entre le 15 février et le 31 mars 2024, l'abattage de 32 arbres qualifiés à "fort enjeu" n'avait pas été autorisé par la DREAL (Direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement). L'affaire avait même été médiatisée. Mise en demeure en juin 2024 par la préfecture, Atosca a donc proposé des mesures correctives, jugées par la suite imprécises et insuffisantes par les services de la DREAL.

Dans une réponse adressée au concessionnaire en septembre 2024, la DREAL estime que l'installation de nichoirs adaptés aux chiroptères (chauves-souris, NDLR) et de nichoirs à oiseaux relève davantage "d'une mesure d'accompagnement que d'une réelle compensation des impacts occasionnés." Elle l'invite à la "création d'un boisement de 1800 m2 en lien avec la surface déboisée au printemps 2024 ou à acquérir un boisement d'une superficie et équivalente avec les mêmes essences". 

"Sept mois après la mise en demeure, nous n'avons aucune nouvelle. Et nous ne savons pas si une sanction a été prise", constate Thomas Digard, membre de la Voie est Libre. La préfecture nous envoie bien des éléments, mais souvent nous n'avons pas la finalité". Contactée, la préfecture du Tarn, ne nous a pas encore répondu.

Mais une fois tous les délais de réponse passés, et si la non-conformité reste d'actualité, que se passe-t-il ensuite ?

"Juridiquement, il y a un petit flou. Cela relève d'un pouvoir discrétionnaire du préfet, il a le choix concernant les sanctions "

Julien Bétaille, maître de conférences en droit public à l'université Toulouse Capitole

L'absence de sanction peut-elle être jugée illégale ? "Pour l'instant, à ma connaissance, nous n'avons pas la réponse. Car seul l'auteur du manquement peut saisir le tribunal administratif, cela n'est pas possible pour une association environnementale. Il n'y a pas d'exemple dans d'autres dossiers."

Sanction dans 1 cas sur 5

L'application des sanctions administratives dans ce type de dossier reste rare selon Julien Bétaille, "même si on manque de statistiques, on peut considérer qu'une mise en demeure donne lieu à une sanction seulement dans 1 cas sur 5, maximum. Si on se réfère par exemple aux témoignages recueillis sur l'incendie de l'usine Lubrizol en septembre 2019 à Rouen, où des inspecteurs d'installations classées Sévéso ont été auditionnés par le Sénat, il peut y avoir des tolérances importantes." Des tolérances qui peuvent varier en fonction de l'enjeu économique et politique du projet. 

C'est ce que soupçonnent les militants écologistes. 

Il y a beaucoup d'esbroufe. D'un côté, la préfecture donne des autorisations environnementales que les porteurs de projet ont du mal à respecter et de l'autre, on a des services de l'État qui ne sont pas dimensionnés pour veiller à leurs applications.

Thomas Digard, membre du collectif La Voie est libre

Une enquête préliminaire en cours

Si aucune sanction n'est prise sur le volet administratif, la justice s'intéresse parallèlement aussi à ces signalements et à ces manquements sur le plan pénal. Selon nos informations, le pôle régional environnemental du parquet de Toulouse (Haute-Garonne) a lancé une enquête préliminaire sur deux infractions au code l'environnement (article L173- 8 du code de l'environnement): "pour "atteinte illicite par personne morale à la conservation d'une espèce animale non-domestique" et "pour atteinte illicite par personne morale à la conservation d'un habitat naturel". 

Une autre infraction portant sur "la réalisation par personne morale d'ouvrage, d'installation ou de travaux nuisibles à l'eau, au milieu aquatique non conforme à l'autorisation environnementale" relèverait, elle, d'une contravention de 5e classe, la plus élevée selon le code de l'environnement, soit 1 500 euros. 

Le pôle régional environnemental poursuit ses investigations et n'a pris aucune décision quant à une suite judiciaire. 

Une tribune pour réformer les procédures

Le non-respect du droit environnemental est également souligné dans une tribune publiée, ce jeudi 9 janvier 2025, sur le site de nos confrères de France Info.

Des avocats et universitaires alertent sur de récentes décisions de justice sur de grands projets d’infrastructures, comme celui du chantier de l'A69. Face à ce qu'ils considèrent comme "une atteinte à la démocratie environnementale", ils en appellent à une réforme des procédures. Il est fait référence à la décision du tribunal administratif du 9 décembre 2024 de réouvrir l'instruction, après que la rapporteure publique Mona Rousseau a recommandé l'annulation des autorisations du chantier, estimant qu'il n'y avait pas de "raison impérative d'intérêt public majeur" justifiant sa construction. 

"Si un projet comme l’A69 apparaît illégal, il doit être annulé, peu importent les conséquences économiques qu’une telle décision entraînerait pour les porteurs du projet", plaident les signataires de la tribune. Ces derniers militent entre autres pour "une suspension automatique des travaux lorsqu'un recours est déposé contre un projet ayant reçu des avis défavorables d'instances indépendantes".

Dans le sud du Tarn, la récente décision du tribunal a ouvert la porte à la poursuite du chantier. 

Cette tribune veut sans doute peser dans le débat public à quelques jours d'une audience très attendue par les opposants à l'A69.

Ce lundi 13 janvier 2025, le tribunal administratif de Toulouse doit examiner un nouveau recours demandant la suspension du chantier de l'autoroute Castres-Toulouse déposé par 13 organisations opposées à ce projet. Une nouvelle étape avant que l'autorisation environnementale ne fasse l'objet d'un examen sur le fond, qui pourrait intervenir en février prochain.

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