"Quand un patient s'agite, nous appelons un employé baraqué aux cuisines", la situation toujours ingérable des urgences à l'hôpital

Le centre hospitalier d'Albi (Tarn) est confronté à une forte insécurité depuis que les urgences psychiatriques ont été transférées aux urgences "générales". Pourtant, la direction de l'établissement refuse de prendre des mesures et notamment la signature d'un protocole de sécurité avec les services de l'État.

Depuis le mois de janvier 2023, les urgences psychiatriques sont assurées par le centre hospitalier d'Albi (Tarn). La cohabitation entre des patients "psy" et les patients habituels des urgences générales suscitait des inquiétudes dans les rangs de soignants. La direction a donné des garanties. Visiblement, elles ne sont pas suffisantes. 

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Depuis plusieurs mois, les incidents s'accumulent. Au moins 4 faits, mettant en cause la sécurité des patients et des soignants, se sont déroulés en février, en juin et juillet dernier. Mais le plus grave s'est produit le 17 avril : un médecin et un infirmier ont été séquestrés sous la menace d'un ciseau.

Des soignants sous la menace d'un ciseau

Cet évènement a été passé sous silence depuis plusieurs mois, mais selon plusieurs témoignages concordants, recueillis par France 3 Occitanie, un patient souffrant de troubles psychiatriques a pris en otage, sous la menace d'un ciseau, un médecin et un infirmier. Avant de passer à l'acte, le patient ne s'est pas montré agressif. Mais, une fois en salle de consultation, il s'est enfermé avec les soignants et les a menacés

L'incident a été réglé en interne par l'intervention...d'un cuisinier de l'hôpital.

En effet, comme le précise une source interne : "nous n'avons pas d'équipe d'intervention. Quand un patient s'agite, nous n'avons que l'équipe d'urgence. Aux cuisines, il y a quelqu'un de "baraqué" qui est "videur" dans un bar. On fait appel à lui".

Les forces de l'ordre n'ont pas été prévenues. Une source policière juge l'attitude "hallucinante. Le premier réflexe, c'est bien sûr de nous contacter. C'est incompréhensible que le 17 n'ait pas été composé".

Et visiblement, cela risque de se reproduire. La direction a mis en service une ligne, le 19. Au bout du fil se trouvent...les ateliers, la logistique ou (toujours et encore) la cuisine.

L'épisode des ciseaux ne s'est pas soldé par des victimes. Mais le personnel soignant a été fortement choqué. Les infirmiers psychiatriques censés venir en renfort ont exercé leur droit de retrait. Les organisations syndicales ont déclenché une alerte pour "danger grave et imminent". Une expertise a également été commandée.

Une réunion s'est déroulée à la préfecture du Tarn à la demande des syndicats. 

Selon un des participants, "les représentants de l'État étaient aussi furieux que les délégués du personnel face à un manque criant de prise en compte des règles de sécurité".

Le refus d'un vrai protocole de sécurité

Depuis trois ans, les services de l'État proposent à la direction de l'hôpital d'Albi la signature d'une convention de sécurité. Celle-ci repose sur un diagnostic et formule des solutions. Comme le souligne une source policière, cela "apporterait des protocoles concrets permettant au mieux de gérer les situations de crise". 

Il s'agit notamment de l'installation d'une vidéo-protection ou encore de nouer un partenariat avec les forces de l'ordre. S'agissant des urgences, il s'agit spécifiquement d'instaurer un parcours patient", permettant que des personnes relevant de la psychiatrie ne se retrouvent dans la même salle d'attente ou les mêmes box qu'un enfant ou un adulte venu pour une luxation de l'épaule.

Tout ce dispositif est financé par l'État et ne coûte rien au budget du CH d'Albi.

Pourtant, la proposition est restée lettre-morte. Selon nos informations, la préfecture du Tarn n'est pas le seul service de l'État à avoir insisté pour que la convention "santé-sécurité-justice" soit établie.

Le parquet d'Albi aurait également fortement plaidé en ce sens. Sans succès. Plusieurs courriers ont été adressés à la direction de l'hôpital, pointant la nécessité de renforcer la sécurité, notamment des urgences de l'hôpital. Contactée, la Procureure d'Albi n'avait pas répondu à notre sollicitation au moment de la publication de ce papier. 

Une source proche du dossier évoque même des "échanges musclés" et un vrai agacement de l'ancien préfet du département, désormais en poste dans l'Hérault.

D'un point de vue purement administratif, la direction de l'hôpital d'Albi dépend de l'Agence Régionale de Santé et in fine du ministre de la Santé. Face à l'inertie de l'échelon "local", le signal d'alerte est remonté jusqu'à l'autorité de tutelle.

Malgré cela, le statu quo perturbe le bon fonctionne du service.

La direction n'est pas restée totalement inactive. Un agent de sécurité, sur site 24 heures sur 24, a été recruté. De même, un aide-soignant a été affecté en renfort aux urgences. Une formation  "sécurité" à destination des soignants doit être organisée dans les prochaines semaines.

Ces mesures sont toutefois jugées insuffisantes par les syndicats. Deux mesures principales sont attendues : l'aménagement d'un parcours "patient" dédié aux urgences "psy" et notamment le fait que le bureau de consultation ne soit plus au cœur des urgences "classiques" ainsi que l'instauration d'une équipe interventionnelle. 

Ce point est d'ailleurs soulevé dans un rapport d'expertise commandité après l'épisode des "ciseaux".

Dépité, un des acteurs du dossier, déclare : "on attend qu'un drame arrive et là ça bougera peut-être. Mais ce sera trop tard". La direction du CH d'Albi n'a pas réagi à cette affaire malgré les demandes de notre rédaction.

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