Un site touristique du Tarn, Ambialet, se mobilise contre l’implantation de poteaux amenant la fibre. Un nouvel épisode dans une série de contestations qui vise l’opérateur privé en charge des travaux.
Ambialet, son prieuré perché au sommet d’une presqu’île entourée par la rivière ou encore ses plages de galets. Le site est une des cartes postales du département du Tarn. Il attire aussi bien les "locaux" que les touristes anglais ou espagnols.
Une forêt de poteaux
Les habitants de la petite commune de 467 administrés redoutent le débarquement de nouveaux "résidents" qu’ils jugent encombrants : des poteaux. Une pétition a été lancée. Les 43 signataires ne comprennent "pas que la fibre ne puisse pas être enterrée".
Nous nous opposons à la mise en place de nouveaux poteaux défigurant le paysage et entraînant un impact pour tous les habitants et nombreux exploitants agricoles
Les opposants estiment que le choix de planter des poteaux s’explique par "un déploiement de la fibre qui doit se faire à la va-vite".
Faire vite et bien...
Cette version des faits qui n’est pas contredite par le conseiller départemental en charge du numérique. "On a choisi d’aller vite, la contrepartie, c’est d’avoir des poteaux" déclare Christophe Hérin.
Mais l’élue départementale précise immédiatement : "on a signé une délégation de service public, nous n’avons pas la main sur les travaux. C’est l’opérateur (SFR-groupe Altice) qui doit trouver la solution".
Suite à la délibération (votée à l’unanimité), le conseil départemental du Tarn a, en effet, confié le chantier de la fibre à une filiale de SFR, Tarn Fibre, avec qui elle a signé une délégation pour une durée de 25 ans.
L’ironie de l’histoire est que Tarn Fibre est accusée par des habitants d’Ambialet de vouloir aller trop vite, quitte à dénaturer le paysage de leur cité, la même société est en guerre ouverte avec le conseil départemental en raison de sa…lenteur.
Des promesses non tenues
C’était une promesse commerciale. Elle est devenue un engagement politique. Le président du conseil départemental du Tarn, Christophe Ramond, a promis la fibre à tous les Tarnais en 2022.
Ce discours reposait sur l’engagement du groupe SFR. 45 000 kilomètres de fibre, 47 nœuds de raccordements optiques (NRO) et 138 654 prises FTTH (prises jusqu’à l’habitant), c’était parfaitement réalisable, selon l’opérateur privé, d’ici à la fin 2022.
Seulement voilà, à peine un an après le début du chantier, le retard a déjà commencé. Pour un proche du dossier, rien de surprenant : "partout où l’opérateur a signé des délégations de service public, il y a des problèmes. Tout le monde le sait. Mais comme il propose les prix les plus bas, les collectivités signent".
Dans le Tarn, la facture s’élève à 28 millions d’euros. Mais le cahier des charges n’est pas respecté. Selon nos informations, quasiment toutes les semaines, des courriers sont envoyés à la filiale du groupe SFR pour dénoncer la mauvaise exécution de la délégation de service public. Cela peut aller de la non-communication de documents à des problèmes d’installation.
20 millions d'euros de pénalités
Mais le cœur du "conflit" porte sur le non-respect du calendrier. Le président du conseil départemental, Christophe Ramond, a publiquement annoncé que des pénalités vont être appliquées.
Selon nos informations, le montant s’élève à 20 millions d’euros. Le groupe SFR se défend en arguant des difficultés liées au Covid ou encore à des difficultés sur le terrain. Christophe Hérin : "le Covid, on peut l’entendre mais l’argument sur la topologie du terrain, non. Que le Tarn ait une géographie compliquée, franchement, c’est évident depuis le début et on l’a dit dès le départ".
Suite à des négociations, un nouveau calendrier a été proposé par l’opérateur : fin 2023. Pour Christophe Hérin, "14 mois de plus, c’est acceptable".
L’affaire n’est cependant pas terminée. Bien sûr, il faut attendre de voir si le nouveau calendrier est respecté. Mais surtout, le contentieux autour des pénalités de retard n’est pas éteint.
Un possible procès
Selon nos informations, le conseil départemental ne renonce pas à sa demande de versement et la collectivité tarnaise est prête à aller en justice.
Une procédure "pour la forme". En effet, une condamnation du groupe SFR risque d’être un jeu à "somme nulle". Les opérateurs privés intègrent, habituellement, dans leur offre (au moment de la soumission du marché public) le paiement d’éventuelles pénalités.